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Déblocage de l’épargne salariale : contresens et courte vue

Publié le 26 avril 2013 par Copeau @Contrepoints

Dans sa « boîte à outils », Monsieur Bricolage nous sort une nouvelle truelle de replâtrage, le « dépense tout de suite ce que tu as mis de côté pour demain ».

Par Thibault Doidy de Kerguelen.

Déblocage de l’épargne salariale : contresens et courte vue

20 000€ disponibles sur vos avoirs pour vous inciter à consommer

Toutes les mesures déjà adoptées par le gouvernement (BPI, crédit d’impôt compétitivité et emploi, réforme du marché du travail, etc.) tardent à produire les effets escomptés (doux euphémisme…). En bon socialiste, puisque les mesurettes allant dans le sens de la politique de l’offre ne sont pas efficaces à court terme, que le mécontentement grandit, l’exécutif se rabat sur la politique de la demande. Après les jeux avec le mariage homosexuel, il est temps de donner au « bon peuple » du pain pour assurer la paix sociale. Si en plus, on peut faire en sorte qu’il paye lui même ce pain, c’est tout bénéfice pour l’empereur. O tempora, o mores!

Dans l’esprit de ceux qui raisonnent à court terme, le nez sur le guidon, ceci peut sembler, a priori, une bonne idée, puisque la consommation des ménages est le moteur traditionnel de la croissance en France et que celui-ci est en baisse depuis le début de l’année (-0,9% en janvier, -0,2% en février). D’autant que les perspectives ne sont pas à l’optimisme. Selon la note de conjoncture trimestrielle de l’Insee, la consommation devrait rester stable (0%) au premier semestre, ce que contredit un récent sondage 60 millions de consommateurs/Mediaprism, pour qui 58% des Français vont réduire leurs dépenses de consommation cette année.

Bref, pour assurer le pain et maintenir un semblant de paix sociale déjà bien entamée avec l’affaire du mariage homosexuel, le gouvernement se sent obligé de soutenir la consommation. D’autant que deux trimestres d’affilé avec une consommation négative déclencheraient un concert médiatique sur le thème de la « récession », mot devenu aussi tabou que celui de « rigueur ». Sauf que l’État n’a plus les moyens de financer un plan de relance, d’où l’idée subtile de permettre, voire d’inciter les Français à dépenser leur épargne.

Le mécanisme est simple, un montant maximal de 20 000 euros par bénéficiaire sera débloqué de façon anticipée, exonéré de cotisations sociales et d’impôt, pendant 6 mois. Les fonds pourront être retirés en une seule fois, sans justification pour un achat spécifique. Cela concerne l’épargne salariale d’environ 7,2 millions de salariés, hors Perco et fonds solidaires. Pour ne pas mettre en difficulté les entreprises, le déblocage des sommes placées dans des fonds communs de placement d’entreprises (FCPE) est soumis à un accord collectif ou à l’accord du chef d’entreprise. Cette proposition a été adoptée en début de semaine, mardi 23 avril, en commission des Affaires sociales de l’Assemblée, et passera en séance plénière le 13 mai.

Un montant qui risque de décevoir nos grands esprits de Bercy

Ce sont, en théorie, 10% de l’encours total de l’épargne salariale, soit environ 9 milliards d’euros, qui seront potentiellement déblocables à compter de cet été. En théorie seulement, car l’encours moyen se situe entre 7 500 et 8 000€ (bien loin du plafond des 20 000€ autorisés), et que bien des salariés, du moins espérons le, ne tomberont pas dans le piège de la consommation et conserveront leur épargne salariale défiscalisée.

Notons qu’en plus, cette épargne serait-elle débloquée, que n’étant pas, comme dans le cas de 1994, conditionnée par un achat précis, elle a toutes les chances de se retrouver sur les livrets A ou les contrats d’assurance vie. Donc de ne pas alimenter la sacro-sainte consommation. Quant à la part de moutons-cigales qui s’empresseraient de dépenser cette manne sortie de leur poche, ils achèteront, comme dans les exemples précédents (primes à la casse ou autres) des produits importés, aggravant de ce fait la balance commerciale de la France.

Une mesure peu pertinence

C’est vraiment faire peu de cas de l’intérêt des Français que de les inciter à consommer aujourd’hui leur épargne longue. D’ailleurs, c’est complètement fou de voir que le discours officiel est de prôner l’épargne longue, d’envisager l’allongement de la durée de détention d’un contrat d’assurance vie et que le gouvernement, après avoir flinguer fiscalement l’épargne salariale cherche aujourd’hui à la vider. Il semble aberrant, au moment où les régimes de retraites sont au bord de l’explosion, d’inciter les Français à se dégarnir. Pour quoi faire ? Pour les rendre encore un petit peu plus dépendants de la « solidarité » étatique demain ? L’épargne salariale est un moyen efficace pour les salariés de prévenir le prochain séisme des régimes de retraites.

Hormis les questions de fonds que nous venons d’évoquer, quels conseils donner à nos lecteurs ?

  • Si votre avenir immédiat n’est pas en danger (n’oubliez pas que les PEE sont de toute manière déblocables lors de la perte de votre emploi et que les PERCO le sont si vous vous trouvez en fin de droits, il n’y a donc pas urgence à casser votre épargne salariale), ne touchez à rien. En effet, même si « quelqu’un » (un gentil conseiller qui aimerait tant récupérer votre épargne, par exemple) vous propose de placer cette somme sur un autre type de support, n’oubliez pas que vos intérêts produits seront fiscalisés (pas ceux de votre épargne salariale) et que vous paierez le double de cotisations sociales. Patrimonialement parlant, votre intérêt n’est pas de bouger votre épargne salariale.
  • Si vous avez actuellement des crédits en cours dont les taux sont importants (genre revolving ou crédits à la consommation) et que le retrait autorisé de votre épargne salariale vous permet de les effacer, n’hésitez pas, faites le. Mais ne vous contentez pas d’éponger vos dettes. Continuez, comme si vous aviez toujours en cours les crédits que vous venez d’effacer, à verser le même montant sur votre livret A jusqu’à trop plein, puis sur votre contrat d’assurance-vie. Vous vous constituerez ainsi un petit capital dont vous pourrez disposer en cas de besoin. N’oubliez pas que de cette manière, c’est la totalité de votre épargne que vous retrouverez en cas de besoin ou en cas d’investissement. Lorsque vous remboursez un crédit, regardez la part de capital que vous remboursez sur le montant de votre mensualité…. peanuts !
  • Si pour l’instant vous n’avez de besoin particulier mais que vous savez que vous aurez à faire face à une dépense particulière dans les mois ou l’année à venir, alors dans ce cas, la sortie de votre épargne salariale et son placement en épargne classique se justifie.
  • Si vous avez envie de maintenir un niveau de vie qui vous convient mais que vous sentez s’essouffler, raisonnez-vous. Ce que vous allez brûler aujourd’hui alors que la situation n’est pas encore catastrophique risque de sérieusement vous manquez demain si le système, à bout de souffle, explose. La gestion patrimoniale, c’est justement ne pas tomber dans ce genre de pièges.
  • Et l’investissement, allez-vous me dire ? Mon leitmotiv n’est-il pas d’investir dans du tangible, du solide, du « qui existera toujours », même si le système monétaire et financier explose ? Si fait, bien sûr. Si les sommes disponibles sur votre contrat d’épargne salariale débloqué (attention, ils ne le sont pas tous…) sont suffisantes pour investir dans du tangible, du matériel, et que vous disposez déjà d’une épargne liquide ou aisément liquidable, alors oui, bien sûr, cette solution demeure excellente.

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