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Le Corée du Nord est-elle menaçante ?

Publié le 26 avril 2013 par Egea

L'autre jour, un préparant passe s'entraîner à un examen. Je lui donne le sujet en objet. Qui est, bien sûr, malicieux. Candidats, attention aux petites malices recouvertes par les sujets proposés. Si vous la décelez, vous voyez que c'est la source de la problématique, vous l'exposez dès l'introduction, et l’examinateur est ravi : votre intelligence prouve la sienne ! En vous donnant une bonne note, c'est lui qu'il congratule !

Le Corée du Nord est-elle menaçante ?
source (d'un journal qui donne une "chronologie du conflit")

Il reste qu'il y a bien des choses à dire sur ce sujet, comme par exemple ceci (en six temps, mais on peut varier) :

Il y a deux significations à l'expression "être menaçant" : l'une est subjective (proférer des menaces), l'autre objective (mon attitude suscite le sentiment de menace). La Corée, de ce point de vue, est subjectivement menaçante, même si objectivement, elle ne l'est pas. Ou alors, au deuxième degré. Ce qui nous permet d'exposer un paradoxe stratégique : le paradoxe est propre à la stratégie, encore une fois.

I Ainsi donc, la Corée du Nord menace. Elle est subjectivement menaçante. Elle menace même beaucoup, et fait semblant de prendre des mesures à cet effet, par exemple en dévitalisant la zone franche économique le long de la ligne d'armistice. Voici une rhétorique menaçante. Le nouveau leader profère des menaces, encore plus guerrières et virulentes que celles de ses prédécesseurs.

On s'interroge : n'est-il pas inexpérimenté ? ses prédécesseurs savaient jusqu’où s'arrêter, le saura-t-il ? et s'il menace, n'est-ce pas surtout pour s'adresser à son ordre intérieur, c'est-à-dire à prendre en main l'appareil, justement parce qu'il est jeune ? Ne veut-il pas démontrer sa capacité à frôler le danger ?

II Ces interrogations suggèrent que ces menaces ne sont pas prises au pied de la lettre. Au fond, personne ne les prend au sérieux. Chacun considère qu'il fait semblant, et les supputations sont de deux ordres :

  • à qui s'adresse le message sous-jacent (Coréens du Nord Coréens du sud qui viennent d'élire un nouveau président, Chinois parrains, et même, pourquoi pas, Américains?), le destinataire suggérant alors la signification du message.
  • que est le niveau de risque (de dérapage) ?

Et voici énormément de place pour des supputations raffinées et byzantines, mais il faut bien que les spécialistes s’expriment, on les paye (mal, voire pas du tout) pour cela.

III Il reste que chacun joue le jeu, et fait mine de prendre ça au sérieux : les Américains renforcent leurs porte-avions en exercice, on s'active à l'ONU, et les "grandes plumes" des "quotidiens du soir de référence" nous expliquent que ouh la la!, ces Coréens du nord sont désormais très forts et que le risque est désormais celui de la miniaturisation de l'arme nucléaire qu'ils seraient en mesure de porter sur leurs efficaces missiles balistiques. Le bon peuple et les spécialistes de géopolitique et ceux qui, comme moi, n'y connaissent rien regardent passer le train sans s'émouvoir vraiment. Car ils savent qu'on leur raconte des coups.

IV En fait, la Corée n'est pas menaçante . En cas de conflit, chacun sait que la Corée du nord serait rapidement conduite à la défaite. Au fond, ce n'est pas tant sa force, qui inquiète, que sa faiblesse. Nul n'a envie de la guerre, car on devrait la gagner, et il y aurait une après-guerre . Objectivement, la Corée du nord n'est pas menaçante, malgré toutes ses déclarations (et ses réels progrès).

V Car au fond, la vrai menace n'est pas là. La menace objective, veux-je dire.

  • les Coréens du sud ne veulent surtout pas avoir à supporter les coûts de la réunification
  • les Chinois ne veulent pas d'un doublement de la Corée du sud, et donc d'un challenger "occidental" à leurs frontières directes (pareil pour les Russes)
  • les Japonais ne veulent pas d'un concurrent occidental à leur porte, alors qu'ils se font déjà tailler d'immenses croupières économiques
  • les Américains enfin n'ont pas intérêt à déstabiliser un théâtre oriental qui est encore en leur faveur, malgré sa complexité.

VI Voici donc un paradoxe stratégique, un de plus, comme ceux mentionnés par Luttwak. Ma faiblesse vous menace, et j'en joue, et vous comprenez parfaitement ce dialogue stratégique là.

Voici, probablement, la seule leçon stratégique de la "crise" nord-coréenne".

Pendant ce temps-là, je suis rassuré : "Contre les provocations de la Corée du Nord, "les USA sont prêts"". Ouf !

O. Kempf


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