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312ème semaine politique: la fin du président normal.

Publié le 27 avril 2013 par Juan
312ème semaine politique: la fin du président normal.
"Nous n'avions pas compris que la campagne ne s'était pas arrêté le 6 mai 2012"
En quelques actes, remarques et rencontres, François Hollande fait savoir qu'il change sa gouvernance. Ou du moins, on l'espère. La Vème République est ainsi intoxiquée qu'elle ne se gouverne plus par l'action seule.
Terrifiante nouvelle pour quelques observateurs prétendument avertis et autres éditocrates en mal de commentaires dépressifs: François Hollande aurait décidé de recevoir quelques poignées de députés à l'Elysée. Après une entrevue de blogueurs politiques un samedi matin, cette information serait la preuve d'une nouvelle trahison de promesses. Car, dans sa fameuse séquence "Moi, président" qui emporta le débat de l'entre-deux tours de la présidentielle de 2012, le candidat Hollande avait promis: "Moi président de la République, je ne serais pas le chef de la majorité, je ne recevrais pas les parlementaires de la majorité à l'Elysée". Il n'y avait sans doute que les participants à ses agapes pour saisir l'importance de ce changement pourtant discret.
La France a évidemment un problème d'agenda politique. Accusons la France car  la responsabilité est collective. Cette propension, de multiples fois commentée, à s'éparpiller sur l'anecdote facile, et à raccourcir les débats autant que la pensée, est l'un des symptômes de l'obsolescence de nos rouages démocratiques.
François Hollande, donc, était accusé de ne pas maîtriser sa communication, son agenda, et même ses propres décisions. Il est donc sorti d'un bois qu'il ne voulait pas quitter jusqu'à lors. Est-ce un tournant ? L'une des failles de la gouvernance Hollande est son manque de relais et d'incarnation. Inutile de railler les "blogueurs de gouvernement", ils ne comptent pour pas grand chose contre le Hollande-Bashing généralisé. Même quand ils soutiennent, ils critiquent. En respectant sa promesse de laisser les institutions fonctionner "normalement", Hollande s'est privé de relais efficaces et rapides. Il pensait peut-être que gouvernement et majorité seraient suffisamment unis sur le fond pour accoucher d'une politique argumentée. Il pensait aussi que la situation économique ne se dégraderait pas autant.
Il avait tort.
C'est la fin du président normal.
Nous laisserons quelques braillards à droite couiner contre la trahison de promesses qu'ils combattaient. L'hypocrisie a des limites, celles de notre mémoire d'un passé très récent. Ce temps où un autre monarque, plus agité, invitait par centaines tous les parlementaires de son camp chaque mois à l'Elysée, cinq années durant; ce temps où le même tenait tous les mardi matin son comité de liaison politique dans les salons de son palais; ce temps où il multipliait les meetings de militants en parallèle de chaque déplacement officiel en province; ce temps où les ministres de Sarkofrance étaient relégués au rôle de simples collaborateurs.  Hollande avait récusé ce comportement de chef de clan. Il a laissé sa chance à un retour normal du fonctionnement des institutions.
De cette tentative qui s'achève, on retiendra les couacs et les tensions, les prises de parole contradictoires, l'agitation des ambitions. La Grande Crise est telle que cette gouvernance-là se révèle inefficace. Il n'y a pas de majorité unie et la situation économique reste désastreuse.
Une nouvelle pression se fait jour pour un changement de cap politique. Claude Bartolone, pourtant président de l'Assemblée nationale, fait grand bruit quand il assène jeudi qu' "il est désormais temps de tirer les leçons pour envisager le nouveau temps du quinquennat". Il craint un "21 avril européen" pire qu'une défaite aux élections municipales. Il prône la confrontation contre Angela Merkel plutôt que la "tension amicale", il approuve le redressement des comptes publics mais veut davantage d'amélioration du pouvoir d'achat. Cette perspective effraie la droite et de nombreux éditocrates qui ne priaient que pour le modèle allemand.
Certains causent et commentent encore l'écume, l'anecdote ou le fait unique. L'affaire du Mur des Cons du Syndicat de la Magistrature, les énièmes échauffourées des opposants au mariage homosexuel après son vote, les 40 ans du périphérique parisien, ou la durée du voyage de François Hollande en Chine (37 heures) sont autant d'exemples récents.
Le programme est pourtant propice à un débat plus lourd et plus engageant.
Lundi, Vincent Peillon présente la prochaine introduction de l'enseignement de la morale laïque à l'école, pour 2015. Il poursuit sa réforme de l'Education, par petites touches. Mais la plus réjouissante nouvelle pour qui voulait enfin croire au progrès des droits tombe le lendemain. Vers 17 heures, le mariage homosexuel et l'adoption par des parents homosexuels étaient adoptés à l'Assemblée nationale par une écrasante majorité - 331 contre 225 et 10 abstentions. Ce débat a aussi révélé combien la laïcité était un concept variable pour les pontes de l'UMP et le Front National: les prières de rue contre cette loi, les actions violentes de Civitas, les croix brandies comme s'il s'agissait d'une croisade n'avaient suscité aucun commentaire particulier de la part de ceux-la même à droite et à l'extrême droite qui s'offusquent d'un voile de trop dans une rue.
Henri Guaino, opposant compulsif au projet de loi, se trompa de bouton, provoquant railleries et moqueries en tous genres et tous styles. Nicolas Sarkozy, pour membre du Conseil Constitutionnel, s'était permis d'encourager Frigide Barjot, discrètement, en janvier dernier. Cela ne choque visiblement personne à droite que l'ancien monarque soit prochainement amener à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi.
L'ancien monarque est visé par une seconde instruction judiciaire. Cette fois-ci, c'est une enquête préliminaire ouverte par le Parquet sur l'éventuel financement de sa campagne de 2007 par la Libye. Mais, sans réaliser l'ampleur du conflit d'intérêt, il poursuit ses conférences rémunérées dans le monde
Plus grave, une autre loi,  désagréable celle-là, revenait dans le même hémicycle pour sa seconde lecture. Le projet de "sécurisation de l'emploi", issu de l'Accord National Interprofessionnel du 10 janvier dernier, avait été voté par le Sénat. Il suscite débat et divisions à gauche tant on à peine à voir où se loge l'équilibre des droits sociaux qu'il est censé porter: procédures de licenciement accélérées, modification des contrats de travail individuels par la négociation collective en cas de difficultés économiques. Ce sont davantage les principes du code du travail, qui aurait dû rester ce socle protecteur, surtout en période de crise, que le fond du texte qui sont attaqués. Mais ce texte restera ce qu'il est: un mauvais symbole, une sale affaire, un "marqueur à l'envers".
Mercredi, on pouvait se réjouir de la prochaine loi sur l'obsolescence programmée des produits, examinée la semaine prochaine à l'Assemblée. Mais l'annonce par Henri Vidalies, ministre chargé des relations avec le Parlement, que le gouvernement avait finalement décidé de s'opposer à la loi votée au Sénat sur l'amnistie sociale rajoute à la crispation à gauche. Jean-Luc Mélenchon s'estime trahi. La coupe serait pleine. La loi n'a qu'une portée symbolique mais la politique est aussi faite de symboles. On ne comprend pas le revirement, puisque que Christiane Taubira et Michel Sapin défendaient le texte au Sénat. Il doit y avoir du Hollande là derrière mais le président ne s'exprime pas. Il est en Chine pour trois jours. A Paris, Mélenchon explique qu'il se verrait bien premier ministre. Le programme de ses 100 premiers jours, dévoilé jeudi soir sur France 2, apparaît lunaire, à des années-lumière des réflexions posées que certains, dans son camp politique, tentent de construire débat après débat.
La loi de moralisation politique est adoptée en Conseil des Ministres. Il lui faut partir à l'Assemblée. L'affaire Cahuzac, qui se poursuit en Suisse où les juges ont rencontré un banquier et ancien responsable de l'UMP locale très bavard sur les moeurs de l'exil fiscal, aura eu ce mérite de forcer une mise à niveau de notre vieille démocratie aux standards européens. Le programme est bien plus complet que la simple publication des patrimoines d'élus ou de ministres. On comprend d'ailleurs l'intérêt de certains contradicteurs, y compris à gauche, à se focaliser sur cette seule mesure. la loi contient plus grave, contre l'interdiction de cumuler un mandat avec certains métiers, la possibilité à des associations "d’exercer les droits de la partie civile", ou l'extension de l'obligation de publication de patrimoine à tous les responsables publics (12.000 personnes concernées).
Jeudi, c'est chômage et commentaires. Le record tant attendu est franchi: la France n'a jamais compté autant de chômeurs. On glose donc sur l'échec des emplois d'avenir et autre contrats de génération. La loi de flexi-sécurité de l'emploi, pas même encore adoptée ni a fortiori promulguée, aurait déjà prouvé son échec. Le Pacte de Compétitivité, qui fournit un crédit sur l'impôt des sociétés 2014 en fonction de leur masse salariale en de-ça de 2,5 SMIC, serait donc tout aussi inutile. Bref, une mauvaise statistique et voici donc l'ensemble de la boîte à outils hollandiste qui est jetée à la poubelle avant même d'avoir servi !
Quel argument !
Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi atteint 5,0 millions à fin mars, dont 3,48 millions sans aucune activité. Quelques journalistes n'ont que des comparaisons annuelles ou décennales à faire. On pouvait aussi noter que les radiations sont moins nombreuses, que la durée d'inscription progresse encore (266 jours en moyenne, et 452 pour les plus de 50 ans !).
"Il faut que la gauche puisse avoir le moral."François Hollande, avril 2013
312ème semaine politique: la fin du président normal.
Crédit illustration: DoZone Parody
Crédit Photo: Juan Sarkofrance

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