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Des murs hauts comme des montagnes

Publié le 28 avril 2013 par Legraoully @LeGraoullyOff

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Le Syndicat de la Magistrature n’a rien inventé avec son mur des cons. Une rubrique du Canard Enchaîné presque homonyme nous instruit de façon hebdomadaire sur ceux qui dépassent « le mur du çon ». La page d’accueil du Graoully Déchaîné, si vous enlevez les pubs pour nos copains, est à sa façon un mur des cons: rien que ces derniers temps, on y a punaisé Thatcher, Frigide Barjot, Jean-François Copé, un skinhead, l’évêque de Metz et le Code Civil. Parfois, on y met même nos trombines, c’est pour dire comme on a l’autodérision chevillée au corps. Nos confrères d’Atlantico s’auto-consacrent en ce moment même un espace non-négligeable de leur propre mur, en réfutant l’accusation du Syndicat de la Magistrature qui les assimile à la droite la plus dure. Il suffit pourtant de lire les commentaires des articles pour se convaincre que le lectorat du webjournal est aussi instruit que celui de Jean-Marc Morandini mais légèrement plus à droite que Christian Vanneste ou Eric Ciotti.

Il y a un autre mur des cons, qui ferait passer la grande Muraille de Chine pour une aimable palissade, et contre lequel personne ne s’offusque, c’est la télévision. Allumez votre poste à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et à peu près sur n’importe quelle chaîne, et vous constaterez que le con n’a pas besoin des juges pour se montrer sous son meilleur jour, qui dans une émission où de jeunes éphèbes et de sveltes naïades réhaussés à la silicone aident la science physique à affiner sa connaissance du vide, qui dans des « reportages de société » qui ont l’air d’ignorer qu’il y a d’autres problèmes que l’anorexie et les arnaques aux sites de rencontre dans la vie, qui dans un journal télévisé où le con se défend parce que c’est celui qui dit qui y est.

C’est ainsi qu’il y a quelques jours, nous avons eu l’heur de revoir Eric Woerth. L’ex-ministre de je ne sais plus quoi poussait les hauts cris contre ces salauds de juges tous acquis à la cause du gouvernement, et forcément partiaux à l’encontre de ces ex-dirigeants qui encombrent encore plus les tribunaux que les coupables d’infractions au Code de la route. C’est toujours hilarant de voir un repris de justice issu de la mafia sarkozyste couiner au « scandale d’Etat », mais là on touchait au sublime. L’avenant Eric, ivre de colère, s’est livré à une diatribe héroïque, et n’avait plus de mots assez durs pour dire son indignation. Par contre, braquer une vieille folle pour le compte de son patron, c’est cool (je tiens toujours la bite en or qui ornait tous les portraits de la vieille folle en question pour le symbole le plus éclatant du mandat sarkozyste). Recevoir et équiper un dictateur psychopathe pour quelques débouchés commerciaux, rien que de très normal. Filer des milliards aux banques -qui n’ont pas changé leurs vilaines pratiques d’un iota- et aux fabricants de bagnoles -qui n’ont pas cessé de licencier pour autant-, pas de quoi en pondre une horloge comtoise, c’est la vie, c’est la loi du marché, rien à voir avec la morgue et l’irrévérence sacrilège d’une bande de communistes en manteau d’hermine. Tu vas voir que maintenant qu’ils se prennent pour des résistants, les braves opposants de l’UMP et de l’Eglise vont reprendre « le Gorille » de Brassens.

Bon, éteignez la télé, ou mieux encore, videz-là de son contenu et faites-en un aquarium, un vase ou ce que vous voudrez d’autre. Au hasard d’une librairie, je tombe sur un livre intitulé « les Sentiers de l’Utopie ». La quatrième de couverture précise que le bouquin, lors de sa première sortie, s’accompagnait d’un DVD, mais que le film est aussi disponible sur Internet (là, par exemple). Gueule de bois en séquoia millénaire oblige, je n’ai pas encore lu le livre qui couvre un voyage en Europe de sept mois des réalisateurs à la rencontre de modes de vies « alternatifs », mais le film qui ne couvre que la moitié du périple vaut déjà son pesant de pistaches, car les cacahuètes c’est trop gras.

Plutôt que de vous torturer le neurone politique à vous demander qui du PS ou de l’UMP nous plongera dans la misère le plus rapidement, vous irez à la rencontre des résistants à l’extension de l’aéroport d’Heathrow en Angleterre (hello Jean-Marc Ayrault), des sympathiques habitants de la Marinaleda (site officiel du patelin pour les hispanophones), ou des anars pur sucre des Cévennes (mes préférés) dont le portail annonce clairement Ni Dieu Ni Maître, et chez qui on a une petite cellule réservée exclusivement aux agents de l’Etat trop casse-bonbons. La deuxième partie du documentaire fait un peu moins rêver, entre mes ennemis intimes les bergers, les égorgeurs d’innocents cochons, et les partouzeurs allemands qui ont une vision pour le moins sectaire du libertinage. On y voit aussi que la belle utopie de Christania au Danemark s’est un peu flétrie comme Camden Town, comme Haight Ashbury ou comme le Red District.

Mais c’est justement l’intérêt du documentaire: au travers de multiples expériences de démocratie directe, on tente des choses, on tâtonne, parfois on se goure, mais on n’est obligé à rien, si ce n’est à participer à la subsistance du groupe. Les affinités sélectives y sont à peu près la seule loi, la libre-association est le modèle, et on n’a pas à subir la tête d’expert comptable dépressif d’Eric Woerth, la boîte à outils désespérement vide d’Hollande, les vaines gesticulations des syndicats (dont le seul à vraiment avoir de l’influence et même du pouvoir est le Medef). La petite faiblesse du documentaire, qui est peut-être rattrapée dans le livre, c’est que les réalisateurs ne précisent jamais combien de temps nos utopistes en action consacrent au boulot dans une journée. Sûrement moins que l’actif ordinaire, mais je trouvais cela assez important pour être précisé puisque le travail est la maladie de la société productiviste, qu’elle soit capitaliste ou communiste.

Pendant ce temps, les Islandais ont remis au pouvoir ceux qui avaient laissé les banques se gaver et qui avaient ruiné le pays, comme je ne doute pas que Sarkozy, s’il échappe à la justice, pourrait revenir aux affaires. A ce rythme, le mur des cons va dépasser la tour de Babel. Mais on n’est pas obligé d’en être les maçons: comme le dit le slogan d’un des bleds visités, « utopia se conquista« .


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