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Jean-Vincent Placé : l'apprenti sorcier contre l'obsolescence programmée

Publié le 29 avril 2013 par Copeau @Contrepoints

Des sénateurs veulent mettre fin à l'obsolescence programmée pour modifier les modes de production et de consommation. La preuve que les mythes ont la vie dure et que le constructivisme n'a pas dit son dernier mot.

Par Baptiste Créteur.

Jean-Vincent Placé : l'apprenti sorcier contre l'obsolescence programmée

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé est un sénateur très sympathique. Après s'être fendu d'une idée de taxe sur les mégots de cigarette, qui augmenterait les coûts pour les producteurs mais serait selon lui sans impact pour le consommateur, le voilà parti en guerre contre l'obsolescence programmée.

L'obsolescence programmée, c'est un joli mythe selon lequel les produits ont une durée de vie volontairement limitée. Un joli mythe qui permet de faire passer les industriels pour des individus sans scrupule à la recherche du profit prêts à sacrifier la qualité pour vendre plus.

Mais c'est justement parce qu'ils veulent réaliser des profits que les industriels fabriquent les meilleurs produits possibles. La réputation est cruciale auprès des consommateurs ; il faut des années pour la construire et il suffit d'un mauvais produit pour la détruire. S'ils veulent pouvoir vendre à un prix élevé en grandes quantités pour réaliser un profit maximal, les industriels doivent proposer aux consommateurs le produit qui répondra le mieux à leurs critères de satisfaction, dont la durée de vie fait partie. L'obsolescence programmée pourrait être une bonne stratégie si les entreprises n'étaient pas en concurrence les unes avec les autres.

Voilà donc le sénateur Placé aux prises avec un ennemi invisible, son projet de loi dans la main droite, le "Petit Livre Vert" dans la main gauche. Son projet de loi comporte notamment une idée merveilleuse :

Jean-Vincent Placé propose donc d'inscrire l'obsolescence programmée au Code de la consommation et de la condamner au titre de délit. Une peine de 2 ans de prison et un maximum de 37 500 euros d'amende attendraient toute entreprise faisant un usage avéré de ce procédé.

Preuve supplémentaire de sa connaissance pointue du monde de l'entreprise, la volonté de condamner les entreprises à des peines de prison.

La définition offerte par le projet de loi met aujourd'hui l'accent sur une pratique déloyale, axée sur la maximisation des profits des industriels et sacrifiant sur l'autel de la productivité les principes écologiques et le pouvoir d'achat des ménages.

Sacrifier les principes écologiques et le pouvoir d'achat des ménages sur l'autel de la productivité, en voilà une drôle d'idée. Sans accroissement de la productivité, le niveau de vie n'aurait jamais pu augmenter ; l'amélioration généralisée des conditions de vie depuis plusieurs siècles est un bienfait du capitalisme, de même que l'amélioration de l'empreinte écologique de la production. Les rivières sont aujourd'hui plus propres qu'elles ne l'étaient lorsque, entre autres "industries", les tanneries les utilisaient à tort et à travers, déversant colorants et produits chimiques rudimentaires mais nocifs dans les cours d'eau.

De même le changement de format de connectique sur le nouvel iPhone, rendant incompatibles tous les accessoires sortis antérieurement et obligeant l'achat d'un adaptateur ou de nouveaux produits, serait un exemple d'obsolescence programmée.

Bien entendu, l'innovation suppose bien souvent une adaptation du matériel. Nombre de Français se connectent aujourd'hui à Internet sans recours à leurs vieux modems devenus aussi obsolètes que le parti du même nom ; plus personne n'utilise les chargeurs ou batteries des premiers téléphones portables ; et les cartes IGN ou routières ont depuis longtemps été remisées au grenier. Triste évolution du capitalisme et de nos sociétés occidentales si éloignées de notre mode de vie passé, quelques appareils électroniques ont aujourd'hui remplacé tout un attirail encombrant.

Le projet propose également de pousser la durée légale de garantie de deux à cinq ans, "pour faire en sorte que l'on change de pratiques de production" comme l'expliquait le sénateur EELV. En parallèle, la période pendant laquelle un défaut apparaissant est présumé avoir existé au moment de l'acquisition du produit, et donc pendant laquelle le constructeur est de facto jugé comme responsable, passerait de six mois à deux ans.

Encore une idée brillante du sénateur décidément très inspiré. Nombreuses sont les entreprises qui ont déjà augmenté les durées de garantie pour se différencier, certains constructeurs automobiles proposant aujourd'hui des véhicules garantis à vie. C'est en laissant faire le capitalisme que les consommateurs pourront bénéficier des progrès qu'il leur apporte depuis plusieurs siècles, pas en le "régulant".

En faisant passer légalement de deux ans à cinq ans la durée de garantie et en rendant le producteur responsable de tout défaut apparaissant dans les deux ans, Jean-Vincent Placé va évidemment améliorer significativement la qualité et la durée de vie des produits, sauver la planète et améliorer le pouvoir d'achat des Français. De la même façon, les relances budgétaires dans un pays très endetté suffiront à améliorer la confiance des entreprises et des ménages, à relancer la consommation et l'investissement, à réduire le chômage et à sauver le monde.

Ce n'est pas tant contre le mythe de l'obsolescence programmée qu'il faut se battre pour empêcher certains sénateurs de faire des bêtises, mais contre le mythe, bien plus dangereux et bien plus réel, de l'apprenti sorcier.


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