Il y a cinquante ans encore, l’homme avait confiance. La terre vivait sa vie avec la générosité qu’on lui connaît. Parfois même avec luxuriance. Les jeunes filles pouvaient encore rêver au prince charmant, au poste de télévision et à la 4CV Renault pour partir en vacances. Mille incitations l’encourageaient d’ailleurs dans cette voie. Les étals regorgeaient des plus modernes aspirateurs, machines à laver et fers à repasser. Les vitrines des magasins pour dames exposaient avec talent les robes les mieux ajustées, les corsages les plus affriolants et les chapeaux les plus fantaisistes. Mille produits cosmétiques se vantaient même de donner à leur peau l’éclat de l’innocence propice à attirer le futur mari. Conséquence directe de cette vaste devanture, la natalité augmentait régulièrement. Jusque dans les régions les plus pauvres de la planète. Leurs innombrables enfants levaient les yeux vers le ciel pour admirer les étoiles, les jardiniers vers la lune pour fixer la date de leurs semis et quelques aventuriers pour y poser délicatement le pied et redescendre sans s’attarder. Mais aujourd’hui l’homme s’interroge. Où va la Terre ? Dans le mur, répondent les moustaches vertes. Car la Terre s’use. Ses volcans crachent toujours le feu et la cendre, ses continents continuent de dériver et ses océans se vident peu à peu de leurs poissons tout en se remplissant des détritus les plus divers. Désormais, la Terre abrite plus de morts en son sein qu’elle n’héberge de vivants à sa surface. Ses forêts partent en fumées. Son air regorge de particules nocives et de gaz délétères. Certains pensent même qu’elle ne pourrait plus bientôt faire face au vieillissement de la population et fournir en quantité suffisante foie gras, caviar et galettes de Pont-Aven. Ses sillons qui s’abreuvaient gaillardement à chaque génération du sang impur de ses ennemis n’accueillent plus aujourd’hui que des maïs et des blés transgéniques. On a été obligé d’arrêter les guerres. La Terre n’aurait-elle plus d’avenir devant elle ? Selon le professeur James F. Kasting de l’université de Penn State aux États-Unis, elle n’en aurait plus pour très longtemps. D’ici un milliard d’années, par les effets conjugués du réchauffement climatique et du réchauffement solaire, la Terre perdra peu à peu son eau. Le jardinier ne pourra plus arroser ses géraniums, la cuisinière ses ciboulettes et le bistrotier son pastis. La civilisation se délitera et l’homme retournera à l’état sauvage. Philippe Sollers lui-même n’aura plus de lecteurs. On voit par là combien il est de la première importance que de nouveaux aventuriers établissent de nouvelles villes sur de nouvelles planètes. Pour que survive cette humanité à laquelle nous sommes tous, à tord ou à raison, si fort attachés.
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