Un regain nationaliste frappe la communication publicitaire des constructeurs automobiles ces derniers temps. 5 spots publicitaires à voir dans cet article et répondant à cette problématique.
Opel
EN 2010, Opel nous propose un spot en langue allemande, heureusement sous-titré pour les non-germanophones.
Le message linguistique :
Même si nous ne comprenons pas l’allemand, notre oreille décèlera des mots que nous pourrons tout de même aisément comprendre :
- « deutsch qualität » (le ä est prononcé é, ce qui en facilite la compréhension)
- « Bordcomputer » (la proximité avec l’anglais « board computer » facilite la compréhension de cette expression
- « deutsch » répété à plusieurs reprises.
- »Multifunktions »
Ce message audio est doublé d’un message écrit : les sous-titres. Ils permettent de s’assurer de la compréhension complète du message et permettent d’agir avec une certaine redondance pour les mots dont la compréhension ne nécessite pas de traduction.
Le message iconographique
Il faut noter l’économie des moyens iconographiques et vidéos employés pour ce spot. La scène est tournée en intérieur. La voiture, à l’arrêt, prend place dans un décor incolore, seul le bouton « warning » à l’intérieur se détache grâce à sa couleur rouge.
La sobriété du message iconographique est incontestable mais ça ne l’empêche pas d’être signifiante.
Opel et les codes de la germanité
Ce spot pour Opel reprend un certain nombre des codes de la « germanité »1. Si nous nous attachons à la même démarche que R. Barthes, la germanité est un signifié, un concept lié à ce que représente l’Allemagne, sa culture, son peuple, sa géographie, etc. Il mobilise un savoir typiquement français.
La nationalité allemande du constructeur est un atout évident qu’il entend bien mettre en avant. L’Allemagne est la terre natale de Porsche, Mercedes, BMW ou encore Schumacher. N’oublions pas Audi, Volkswagen et Opel. La réputation des automobiles allemandes n’est plus à faire, elles sont reconnues pour leur fiabilité, la qualité de leurs finitions et leurs performances. Mais la véracité de cette réputation m’importe peu. Ce qui m’importe c’est la manière dont elle s’est ancrée dans les imaginaires, relayée par l’imagerie publicitaire.
Ici, la germanité imprègne la totalité du message :
- le message linguistique avec la langue allemande employée tout au long du spot ainsi que l’accent allemand très prononcé lorsque le personnage parle français en fin de spot ;
- le message iconographique : la sobriété est censée traduire l’efficacité et par conséquent la fiabilité des automobiles allemandes. Nul besoin d’artifice quand la qualité allemande est là, tel le est la signification de tous les éléments iconographiques employés ici ;
- le personnage présentant la voiture : blond, sérieux, avec un discours pragmatique.
Renault
Le constructeur français rebondit sur cette publicité et lui apporte une réponse sur le ton de la parodie. Ce qui nous permet de débusquer à la fois les codes de la germanité tournés en dérision, mais aussi les codes de francité, ou plutôt la french touch – expression beaucoup plus à la mode surtout dans le milieu musical. Notons que Renault met presque 3 années avant de répliquer avec ce spot.
Une parodie
L’environnement est rigoureusement le même : voiture blanche, fond blanc, même costume sans cravate pour le personnage masculin.
Tous les codes du spot d’Opel sont repris mais détournés avec humour. Le personnage parle en français avec un accent allemand prononcé mais artificiel. Il se permet l’adjonction de quelques mots allemands pour rendre son discours encore plus parodique.
Ici, nous sommes dans le registre de la parodie.
Il conclut par l’expression « C’est la french touch chez Renault »
La French touch
La French touch est bien plus populaire en musique que dans le secteur automobile. Cette expression fait immédiatement penser à Daft Punk, Air, David Guetta, Justice, Woodkid ou Phoenix.
Comment Renault traduit-il la French touch?
Ici, la French touch est d’abord une attitude. L’attitude décontractée du personnage. Même s’il arbore les mêmes signes extérieurs : costumes sans cravate, environnement similaire, son attitude est empreinte d’une certaine nonchalance.
Le ton humoristique du message et la parodie sont deux autres composantes essentielles de ce spot et de la French touch. Par ce biais, le message publicitaire ne se prend pas au sérieux mais effectue habilement un parallèle avec la pub pour Opel et le secteur automobile allemand.
L’humour en publicité permet surtout de créer un lien de connivence avec le consommateur et d’avoir un coefficient de sympathie plus élevé.
Communication automobile et nationalisme
Les Allemands ont bien mesuré le poids de la renommée de leur secteur automobile. Ainsi la plupart de leurs marques signent leur communication en allemand :
Opel signe « Wir leben autos », Volkswagen « Das Auto » et Audi « Vorsprung durch Technik ».
A contrario, Mercedes signe ses pubs françaises en français : « Le meilleur ou rien » tout comme BMW « Le plaisir de conduire ». Les deux marques plus haut de gamme ne semblent pas avoir besoin de revendiquer plus que nécessaire leur nationalité.
Les Italiens, les Belges et les Anglais vus par Renault, la French touch continue sur son succès
Fort d’un certain succès, Renault décline cette campagne avec différentes nationalités. En utilisant le même ton humoristique, Renault se moque des Italiens, des Belges et des Anglais.
La French touch chez Audi
Pour boucler la boucle, notons une des dernières publicités Audi qui utilise Daft Punk, pionniers de la French touch en musique. En plus d’utiliser comme fond sonore le duo électro français, Audi entretient une savante ambiguïté en reprenant le territoire graphique de Citroën. Pour aller plus loin, je vous invite à lire l’article consacré à ce spot : ici
1 Ce néologisme est directement en lien avec l’Italianité de Roland Barthes, BARTHES, Roland, « Rhétorique de l’image », Communications, novembre 1964