Kinshasa Symphony

Par Kinopitheque12

Martin Baer, Claus Wischmann, 2010 (Allemagne)

Kinshasa Symphony met en scène l’Afrique de la débrouille. Les quartiers de Kinshasa sont différents de ceux de Benda Bilili ! de Renaud Barret et Florent de La Tullaye (2010). Les bâtiments sont moins hauts et les lieux moins centraux. Pas d’immeubles ni de routes goudronnées, les habitations ne dépassent pas un ou deux niveaux. Martin Baer et Claus Wischmann restent dans la commune de Ngiri-ngiri qui, avec des kilomètres d’habitats informels et sa structure orthogonale, tire loin la capitale vers le Sud. Le documentaire met en évidence l’effervescence des quartiers et leur économie souterraine (petits boulots tels que glaciers, cireurs, réparateurs ou revendeurs en tout genre…). Il montre aussi les problèmes qui sont les mêmes dans tous les bidonvilles et les solutions apportées par des habitants qui s’arrangent, s’entraident, se tirent d’affaire ou font avec. Baer et Wischmann n’évitent donc pas les lieux communs mais laissent aussi apparaître à l’image les téléphones portables dans les mains de chacun et, au détour d’un plan, un écran géant suspendu dans la rue qui témoigne devant trois pauvres boutiques d’une saillie technologique tout à fait dérisoire.

Claus Wischmann et Martin Baer sont des spécialistes de la captation de concerts de musique classique. Plusieurs reportages auxquels le second a participé traitent aussi de l’Afrique. Pourtant, il y a des maladresses dans Kinshasa Symphony qui me paraissent énormes. Les membres de l’orchestre sont en effet filmés par le duo d’Allemands de telle manière qu’à plusieurs reprises le spectateur qui a en tête le travail exigé par les pièces musicales interprétées remarque l’absence de rigueur des répétitions. Pour la Neuvième de Beethoven, les choristes ne comprennent pas la langue chantée et redoublent d’efforts pour prononcer correctement les paroles de Friedrich von Schiller. Les instruments de musique sont confectionnés et rafistolés comme tout le reste dans les bidonvilles, avec les moyens du bord. On se doute par conséquent de l’approximation de certains sons. Bref, avec ce documentaire, le spectateur aurait vite fait de se dire que ces musiciens d’Afrique n’entendent rien à la musique classique. Et puisque le regard porté sur eux est celui d’Occidentaux, l’image de l’Afrique une nouvelle fois en pâtit.

En outre, les documentaristes se dispensent de nous expliquer les origines et le financement de l’orchestre kimbanguiste. Sur le site des Cafés géo, Catherine Fournet-Guérin (spécialiste entre autres des villes en Afrique) nous renseigne davantage : l’Église Kinbanguiste fondée au début du XXe siècle compte plusieurs millions de fidèles au Congo-Kinshasa et se trouve à l’origine d’un grand nombre d’initiatives locales (E.J.C.S.K., Église de Jésus Christ sur la Terre selon Simon Kimbangu). Comme le précise le maître de conférence, le reportage manque de nous donner les renseignements qui nous permettraient de comprendre les motivations des musiciens.

Benda Bilili ! a ses défauts (l’apitoiement frôlé ou ressenti dans un ou deux plans), le film nous entraîne pourtant dans l’aventure de tous ses musiciens. Dans Kinshasa Symphony, même si le film donne à la ville africaine la possibilité de s’afficher en grand dans les cinémas, et même si le propos reste positif (ce qui avec de tels sujets n’a pas souvent été le cas), les défauts demeurent et nous mettent quelque peu mal à l’aise.


DVD sorti le 10 mars 2013 et distribué par Les films du paradoxe. D’autres films à découvrir sur Cinetrafic dans les catégories bande annonce et meilleur film.