Rien de tel qu'un débat politico-économique de fond, arguments contre arguments, pour éclaircir les idées et bien comprendre les positions de chacun. Avec d'intelligentes controverses et des argumentaires fournis, on fait progresser le savoir, on peut analyser le passé, décider pour le présent et préparer le futur. Les socialistes de gauche et de droite l'ont bien compris et, sans plus attendre, nous offrent donc une polémique politicienne débile frisant le n'importe quoi au fer chaud.
Comme d'habitude, différents éléments se seront percutés pour parvenir à ce foutoir dantesque que seul un pays en pleine déconfiture politique, économique, sociale et morale est capable de proposer à son peuple. En plus de politiciens de tous bords affûtés comme du beurre chaud, il y a bien sûr, en bonne place, une presse en syntonisation parfaite avec l'équipe au pouvoir, amoureusement scotchée à la doxa en vigueur et qui relaie donc avec une précision millimétrique les moindres éjaculations oratoires maladroites des gouvernants, de leurs sbires et de leurs thuriféraires.
Ainsi, Le Monde, toujours à la recherche d'un moyen simple de faire pencher le gouvernement vers encore un peu plus de socialisme, a profité d'une fuite pour nous entretenir d'un brouillon de texte produit en interne du parti majoritaire et dont le contenu laisse planer peu de doute : les socialistes français sont contre l'austérité (surprise !) et trouvent, dans Angela Merkel, une version à peine édulcorée de l'antéchrist pleine d'intransigeance égoïste, elle qui, je cite les clowns du PS, "ne songe à rien d'autre qu'à l'épargne des déposants outre-Rhin, à la balance commerciale enregistrée par Berlin et à son avenir électoral" ; ce qui est abominable pour le socialiste moyen qui gribouille ce genre de penibleries, tant il semble évident qu'un dirigeant ne doit pas songer à l'épargne des déposants ("n'afoutr, c'est pas mon pognon"), que la balance commerciale équilibrée, c'est pour les branleurs, et que son avenir électoral est bien évidemment la dernière de ses préoccupations.
Ces gens sont formidables. C'est à ça qu'on les reconnaît.
La réaction politique n'aura évidemment pas traîné et elle est bien évidemment salée, surtout à gauche. Je passe en effet pudiquement sur les réflexions de la droite parlementaire, qui déclenchent au mieux quelques bâillements. Lorsqu'une opposition existera en France ailleurs que chez les turbo-communistes, on en reparlera.
Or donc, à gauche, c'est la curée. D'un côté, certains renchérissent, comme le brave Bartolone (patrimoine : inconnu) qui ne peut s'empêcher d'ajouter un peu de sel sur les plaies. Après tout, c'est bien là le rôle du président de l'Assemblée Nationale que de mettre le souk dans la majorité parlementaire à laquelle il appartient. Non ? Ah bon... Un coup de fil, et ce sera réglé. Non ?
L'échange de SMS et de petits mots téléphoniques entre l'oreille droite du petit Claude et les babines de Valls (patrimoine : 369.480,12€) et Sapin (patrimoine : 2.2 M€) a dû être croustillant, puisqu'en substance, on apprend ensuite, toujours par voie de presse, que les deux ministres n'entendaient pas se faire ainsi voler le droit de mettre le bordel dans la majorité par un parvenu du 9-3, et l'ont franchement remis à sa place sur le mode "Barto, Tu es un gros irresponsable", ce que tout le monde savait déjà mais qu'il est bon de rappeler, parfois.
Même Fabius (patrimoine : plus de 6M€), d'habitude très occupé par son fils et qui avait pour le moment réussi à faire oublier presque totalement qu'il émargeait aux frais de la République, est sorti de sa réserve pour rappeler qu'il fallait, autant que possible, éviter de se filer des coups de pelle dans la nuque ; même si le risque de heurter le cerveau est nul (il n'y en a pas), cela finit par faire des bosses disgracieuses qui passent mal à la télé.
La cacophonie ne serait pas complète sans qu'aux cris divers et variés de ces incompétents ne s'ajoutent les remarques idiotes et acidulées du matelot Hamon (patrimoine : 230.000 €) et les mots d'apaisement (auf Deustch, Bitte) de Jean-Marc Ayrault (patrimoine : un combi Volkswagen hors d'âge), dont on me fait savoir qu'il aurait été serait l'actuel premier ministre :
Ohne einen intensiven und ehrlichen Dialog zwischen Deutschland und Frankreich werden wir die Probleme Europas nicht lösen.
— Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) 27 avril 2013
La bonne nouvelle, c'est que, en substance, la chancelière s'en tamponne. Ou pas loin et de toute façon, Merkel sait parfaitement que tout accord de fond avec la France est illusoire, tant parce qu'elle connaît un minimum la philosophie étatiste française, biberonnant les impôts comme jamais, et tant parce qu'il y a les élections fédérales en septembre prochain ; bref, elle ne bougera pas d'un iota sur la politique de rigueur : elle aurait politiquement tort pour elle-même et économiquement, ça ne servirait à rien.
Cependant, toute cette ridicule affaire, qui n'aura au passage toujours pas permis l'émergence d'une opposition crédible, montre plusieurs choses.
D'une part, cela illustre parfaitement l'impérieux besoin de nos dirigeants à modifier leurs boucs-émissaires en fonction des saisons, sans pour autant comprendre qu'il leur faudrait plutôt et de toute urgence s'atteler à corriger leurs propres errements. Mais c'est pratique, les boucs-émissaires : ça ressoude. Enfin... Ça ressoude à condition qu'il ne soit pas trop mal choisi (ici, même Le Monde, si délicieusement socialiste en temps normal, en convient). Un bouc-émissaire mal choisi, on dirait plutôt qu'il dessoude. À présent, Hollande et sa clique de parasites désorganisés ne peuvent même plus désigner une caste de Français à la vindicte populaire, tant cette dernière s'est retournée contre eux et leur pluie ininterrompue de stupidités, de taxes et de projets sociétaux délétères. Le chef de l'Etat en est réduit, comme, du reste, ses ministres en déplacement, à fuir les réunions publiques, surtout lorsqu'elles impliquent des œuvres d'art religieuses :
Découvrant que François Hollande devait prononcer un discours devant une immense toile représentant une scène à caractère religieux, et devant l’impossibilité technique de déplacer ce tableau à la taille XXL, les autorités avaient demandé aux employés du musée de tendre une immense bâche bleue.
D'autre part, comme je l'ai évoqué précédemment, cela montre aussi l'absence pathologique d'opposition, ou tout du moins d'une opposition qui soit, même de loin, en phase avec le peuple. Ce dernier, de son côté, a très largement désavoué le chef de l’État, et la scission offerte par le consternant non-débat sur le mariage homosexuel ajoute encore à la confusion puisqu'il brouille encore un peu plus le ronronnant clivage droite/gauche que rêvait de vivre une confortable majorité socialiste. Pourtant, les tentatives de canalisations ou de récupérations par l'actuelle UMP des mouvements observés dans la société française ont tous lamentablement échoué. Ce n'est pas fortuit.
Et puis, tout ceci démontre à quel point le parti socialiste n'est qu'un patchwork d'individualités parfaitement égoïstes (comme, du reste, l'a toujours été l'opposition). Mitterrand avait laissé entendre qu'après lui, il n'y aurait que des comptables. Ce terme est encore trop bon pour le bricoleur et les autres diptérophiles qui bruissent autour et dans la majorité, mais la réalité est impossible à ignorer : le parti socialiste, le gouvernement et l’Élysée ne travaillent plus de concert. Les tensions s'accumulent au sein du parti, au sein de la majorité parlementaire, au sein même du gouvernement. Ayrault, toujours aussi invisible, persiste à se cantonner dans un troisième rôle discret, un majordome de tontons flingueurs, sans l'expérience ni le bagout de Jean, le domestique.
En creux, et c'est de loin l'enseignement le plus profond de ce merveilleux foutoir, cela montre la panique qui règne dans toutes les strates de l'exécutif d'un côté et du législatif de l'autre. Cela montre aussi que la catastrophe économique que vit la France est maintenant parvenue jusqu'à leurs oreilles. Et si pour le moment, ils en sont encore à chercher des coupables, on sent poindre le début de réalisation que les quatre prochaines années à tenir vont être longues, très longues. D'ailleurs, ce constat a aussi été dressé par les Allemands eux-mêmes ; Andreas Schockenhoff, vice-président du groupe parlementaire CDU/CSU, déclarait ainsi à la suite de cette lamentable polémique :
« (Ces attaques) montrent avant tout le désespoir dans lequel se trouvent les socialistes français du fait que, même un an après leur arrivée au pouvoir, ils ne trouvent aucune réponse convaincante aux problèmes financiers et économiques de leur pays. »
Oui, à l'évidence, ce pays est foutu. Et maintenant, les socialistes savent.
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