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Berlin, avec vue sur la Spree…

Par Khatmars
          Chaque jour, une nouvelle grue raye un peu plus le ciel berlinois… Les milliers de kilomètres carré libérés il y a plus de 20 ans maintenant par la chute du mur et le no man's land se comblent, même dans les zones que certains considéraient comme "lieu historique", comme "l'East-side-gallery" menacée par un chantier de construction d'immeubles.  En effet, la zone de la La Spree, ou plutôt les rives  de ce fleuve qui traverse la ville et qui longtemps a marqué physiquement la frontière entre Berlin est et ouest sont devenues en quelques années l'enjeu de projets immobiliers : appartements de luxe, complexes de bureau et toujours ce désir d'accaparer ces berges, laissées longtemps en friche, ou au plaisir des clubs électro en plein air, de bar de "plages"… Des opposants résistent depuis quelques années en réclamant "Spreeufer für alle" (les rives de la Spree pour tous) et c'est d'ailleurs le nom de leur mouvement luttant contre le projet Mediaspree. Sur le site de Spreeufer für alle, la carte du projet est explicite. En vert, l'existant, en rouge, ce qui est prévu… Si tout se construit, il ne restera en effet pas grand chose des bords de la Spree dans Berlin, malgré les propos rassurants du consortium immobilier qui promet l'accès public aux rives. Tout cela a déjà commencé depuis longtemps et se poursuit. La fermeture l'année dernière du Kiki Blofeld où s'élève déjà la structure de béton du futur immeuble avec vue sur le fleuve et pieds dans l'eau n'est que l'énième épisode… Quelques mètres séparent l'eau de ce bâtiment en construction. Je vois mal où un chemin public se faufilera…
Quelques images de ma dernière exploration où l'on découvre que les projets alternatifs tiennent toujours tête au grand Capital du béton…
Berlin, avec vue sur la Spree…Panorama pris du club 25 se préparant à ouvrir pour la "belle" saison
Berlin, avec vue sur la Spree…Le club 25, installé sur un ancien terrain de la BSR (service des poubelles berlinoises)
Sur ce lieu va se construire une sorte de village alternatif, question d'occuper à sa manière les rives de la Spree. Ce projet est porté par le club lui-même, qui lui, a échappé de peu à la disparition. Les bières ont déjà livrées, les guirlandes de lumières faites avec des seaux en plastique colorés sont installées, ouverture prévue aujourd'hui premier mai…
Berlin, avec vue sur la Spree…La vue en face sur ce qui était le Kiki Blofeld. 
Mais au pied du chantier, un jardin urbain s'est installé et dans le petit coin de verdure restant, j'ai découvert le projet "Ackerspree" (cultiver la Spree), un projet de permaculture urbaine, développé par id22, institut pour le développement durable créatif. Dans une petite baraque de chantier, leur bureau et sur la petite plage, des bancs en palettes, un foyer en pierre pour les feux de camp, et disséminés partout des parterres de fleurs et de potagers… 
Berlin, avec vue sur la Spree…Un autre lieu qui résiste, le Kater Holzig entre autres
Berlin, avec vue sur la Spree…De l'autre côté de la Spree, vue sur les travaux du club 25
Tout de suite après avoir traversé le pont pour rejoindre l'autre rive et retourner sur ces lieux où je n'ai plus mis les pieds depuis de longs mois, j'ai fait un arrêt au Kater Holzig (le matou de bois), encore un club électro et un restau, les pieds dans l'eau et le nez dans une vieille cheminée d'usine… Le club lui-même était fermé mais pas son kiosk, une cabane de récup, un drôle de bar d'où la musique lancinante s'échappait. A Berlin, il n'y a pas d'heures pour sentir les pulsations de la musique traverser son corps et boire une bière…
Berlin, avec vue sur la Spree…Cheminée d'usine, grue, slogan, club électro…  un vrai précipité de Berlin en un seul cliché…

Berlin, avec vue sur la Spree…Une boule à facettes dans le ciel, pour être sûr d'être dans un club…
J'ai poursuivi mon chemin en évitant les camions de chantier pour rejoindre juste à côté le site de l'ancien Kiki Blofeld. Je ne m'attendais pas à découvrir le projet évoqué plus haut : Ackerspree
Berlin, avec vue sur la Spree…Plantations bien gardées par un épouvantail

Berlin, avec vue sur la Spree…Clin d'oeil à Brouettes et Cie - Au fond, dans les caisses bleues, des ruches…
En parlant avec Mickael, un Berlinois américain du projet id22, j'ai appris l'existence du camp de yourtes et de tipis, leurs voisins installés depuis 7 mois sur un espace encore public. Il m'a fallu juste me faufiler sur un petit chemin, pousser quelques branches d'arbre pour le découvrir. Leur camp a des frontières bien marquées : la Spree d'un côté et des barrières métalliques qui les séparent d'une vielle usine de briques, sur un terrain privé donc. J'ai été accueillie par Oliver, un Anglais et Roh (je ne sais pas si son prénom s'écrit comme ça), un Lituanien qui m'ont fait visiter leur territoire… Trois yourtes, cinq tipis, une cabane pour la cuisine collective et servant aussi de refuge aux hôtes de passage. Seul un tipi n'avait pas de foyer pour se chauffer. Ils m'ont montré l'emplacement d'une cabane détruite et qui était occupée par des punks allemands mais qui ont été priés de déplacer leur manque de sociabilité ailleurs… Une nouvelle yourte sera prochainement montée à cet emplacement. Comme la vie dans le camp se veut communautaire, tous choisissent d'accueillir ou non un nouveau résident. "To be friendly" est le critère n°1. Question confort, c'est sommaire : pas de toilettes, ils vont pisser dans le terrain alentour ou vont dans les toilettes publiques de l'Ostbahnhof, de l'autre côté de leur camp. Peut-être que leurs voisins d'Ackerspree pourraient les aider à installer des toilettes sèches…
Berlin, avec vue sur la Spree…L'entrée du camp en venant de Ackerspree. Au premier plan, un practice de golf, fait maison…
Berlin, avec vue sur la Spree…Deux tipis, dont le blanc appartient à une jeune femme
Berlin, avec vue sur la Spree…Le camp vu du premier étage de l'usine. A droite, la yourte de Roh qu'il partage avec un ami, mais il a le projet d'installer sa propre yourte.
Berlin, avec vue sur la Spree…L'entrée officielle du camp - Oliver peint l'autre côté du panneau, tandis que Roh tient l'échelle.Dans le fond, assis à la table, les voisins de l'usine, des Roms de Bulgarie, en visite
Berlin, avec vue sur la Spree…L'humour d'Oliver. Mais, quand je suis repassée plus tard, le friendly était barré et remplacé par "sexy" So british…Il faut donc  lire maintenant : "You are leaving the friendly sexy quarter"
Berlin, avec vue sur la Spree…L'usine, la fabrique, le dinosaure industriel du siècle passé - Tout à gauche au fond  on distingue un des tipis
Berlin, avec vue sur la Spree…
L'intérieur de l'usine dont tous les murs sont taguées
Berlin, avec vue sur la Spree…
Fenêtres avec vue 


Berlin, avec vue sur la Spree… Détail mécanique
Berlin, avec vue sur la Spree…La grande salle, vue de l'autre côté


Berlin, avec vue sur la Spree…
Dehors, des bombes de peintures jonchent le sol au milieu de rats et de pigeons crevés, tandis que des Roms rejoignent leur "tannière" dans l'usine avec leurs trouvailles - Au loin passe un groupe d'architectes en séminaire, venant voir sur le terrain, "l'effet Berlin". 
Ces lieux présentés ici auront déjà changé d'ici quelques semaines, quelques mois : l'immeuble en construction sera fini, les plantes auront poussé, le club 25 sera envahi de clubbeurs du monde entier et le camp pourra peut-être passer un deuxième hiver à l'ombre de la grande fabrique…  Berlin change et reste malgré tout la même (même si parfois j'ai eu des doutes) : Berlin est bien une ville vivante, alternative, optimiste et rebelle… "Berlin, du bist so wunderbar", comme le proclame une pub pour une bière berlinoise et une chanson que j'adore… Une sorte de rap multikulti et un clip, euh, comment dire… kitsch  und trash à souhait !C'est le premier mai aujourd'hui, je me prépare à retourner sur ces lieux qui ouvrent leur saison aujourd'hui et à me joindre ensuite à 18H00 à la manif… Presque un jour normal à Berlin…

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