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Une bonne cure de Suisse pour l’Europe

Publié le 01 mai 2013 par Lino83

DÉMOCRATIE :Une bonne cure de Suisse pour l’Europe

1 mai 2013 FRANKFURTER ALLGEMEINE ZEITUNG FRANCFORT

Une bonne cure de Suisse pour l’EuropeBurki

Un peu de démocratie directe à la mode helvétique ne ferait pas de mal à l’Union européenne. L’exemple suisse montre entre autres que, lorsque les citoyens prennent eux-mêmes les rênes de la politique, l’Etat et la dette s’allègent.

Michael Wohlgemuth | Lars Feld

Un appel à "plus de Suisse" résonne jusqu’aux confins de la gauche. C’est tout nouveau, c’est original. A l’origine de ce nouvel engouement berlino-bruxellois pour la Confédération helvétique, le référendum suisse sur l’"initiative Minder" – une initiative populaire contre les rémunérations abusives dont l’instigateur se nomme Thomas Minder, patron d’une entreprise familiale suisse et conseiller aux Etats sans étiquette.

Nous ne jugerons pas ici du fond de cette dernière initiative populaire en date : dans la mesure où elle permet aux actionnaires de décider directement de la rémunération de leurs dirigeants, il s’agit d’une mesure rectificative pertinente pour rétablir le lien entre propriété et contrôle [au sein de l’entreprise].

La même question d’ordre structurel se pose concernant les rapports entre les citoyens et les responsables politiques. Dans une démocratie, les élus sont censés agir au nom du peuple. Le citoyen est roi. En pratique, il en va comme pour le petit porteur face à la grande société de capitaux : il est ingrat et difficile pour l’électeur d’avoir prise sur les activités multidimensionnelles de ses représentants au gouvernement et au Parlement.

Deux questions de fond se posent : quels effets la démocratie directe a-t-elle en Suisse, de manière générale ? Et les méthodes de démocratie directe (le référendum et les initiatives populaires) doivent-elles être recommandées aux autres pays d’Europe – notamment sur les questions de politique européenne ?

Des résultats éloquents

Nulle part la démocratie directe n’est aussi développée qu’en Suisse. Même chose pour le "fédéralisme financier", lequel se caractérise, dans sa version helvétique, par une autonomie relativement étendue des cantons et des communes. En Suisse, des référendums financiers obligatoires ou facultatifs sont organisés plusieurs fois par an au niveau local. Les initiatives populaires permettent aux citoyens d’encourager ou de révoquer à leur guise des décisions politiques. Et tout transfert de souveraineté à un échelon supérieur doit avoir l’aval direct du peuple.

Les résultats sont assez éloquents : les collectivités territoriales sont moins dépensières dès lors que les citoyens peuvent décider eux-mêmes de l’utilisation de leurs propres deniers. Leur parcimonie a pour effet d’alléger la pression fiscale. Et la dette recule également, grâce à des référendums financiers qui permettent aux citoyens de présider eux-mêmes à la gestion des fonds publics à la place des gouvernements.

La "solidarité" ne passe pas à la trappe pour autant. Si les cantons pratiquant la démocratie directe redistribuent globalement moins, cela ne signifie en aucun cas que le niveau de redistribution est insuffisant pour les pauvres. L’inégalité sociale n’est pas plus forte dans les cantons qui pratiquent la démocratie directe. Tout porte à croire, au contraire, que les transferts sociaux y sont plus ciblés.

Tout cela entraîne un accroissement de la productivité économique grâce à des prestations publiques de meilleure qualité et à une politique financière plus saine que dans les démocraties uniquement représentatives.

Felix Helvetia ! L’opinion publique limite la dette tout en promouvant le respect des obligations fiscales, l’efficacité et la subsidiarité : n’est-ce pas là précisément ce dont toute l’Europe a aujourd’hui besoin ?

Un modèle exportable ?

L’organisation de référendums européens, par exemple sur l’introduction des eurobonds, l’extension du mécanisme d’aide aux pays en difficulté ou une harmonisation fiscale accrue, ne changerait rien au "déficit démocratique" de l’UE. D’abord parce qu’une démocratie présuppose un demos, un peuple européen capable de concevoir et d’exprimer une "solidarité" européenne et une opinion publique. Lequel n’est pas en vue pour l’instant. D’autre part, ce type de consultations pourrait facilement conduire les "majorités" à faire provision de transferts ou d’avantages particuliers au détriment d’autres – sur le thème : "c’est nous qui décidons, c’est vous qui payez".

Le déficit de démocratie européenne commence à l’échelle des Etats membres. Et la démocratie directe a ici une fonction importante en défendant la décentralisation du processus décisionnel et des responsabilités. Le gouvernement et le parlement représentent le peuple. Le risque est grand que les chefs d’Etat et de gouvernement, réunis au Conseil européen, prennent des décisions qui transfèrent la souveraineté des Etats membres à l’échelon européen et ne tiennent ainsi plus compte des intérêts de leurs citoyens.

C’est la raison pour laquelle les vastes transferts de compétences et de droits souverains à l’échelle supranationale ne doivent pas être décidés par les gouvernements à la faveur de réunions de crise nocturnes, mais doivent être légitimés directement – et donc par voie référendaire.

Sur les questions européennes, il serait bon de recourir à la démocratie directe là où la Suisse la pratique communément avec succès : les citoyens doivent pouvoir décider à l’échelon local de ce qu’il advient de leurs deniers et dire dans quelle mesure ils veulent être les garants des dettes d’autrui.

L’ensemble de l’Union européenne pourrait tirer profit d’une telle helvétisation – à condition qu’elle prenne la forme d’un programme de réforme ambitieux des institutions politiques.

Traduction : Jean-Baptiste Bor

 


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