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Vous reprendrez bien un morceau de cancer ?

Publié le 01 mai 2013 par Guy Deridet

Un article de Charlie Hebdo du 29 avril 2013 qui nous rappelle les effets néfastes de la malbouffe et nous informe surtout d'une découverte récente de la toxicologie : moins égale plus, c'est à dire que, contrairement à ce qu'on pensait depuis le 16e siècle, la dose ne fait pas le poison. Les poisons "modernes" agissent à dose infinitésimale, et en sont d'autant plus toxiques.Ce qui signifie, entre autres, que les normes actuelles devraient être divisées par ... deux millions ! Bon appétit.



Vous reprendrez bien un morceau de cancer ? Les cancers explosent sans qu’on parvienne à bien expliquer pourquoi. Selon l’OMS, l’alimentation joue un rôle considérable dans le phénomène, mais il reste difficile de relier les saloperies ingurgitées à l’apparition d’une maladie.

Avant de plonger tout à fait au fond du trou, quelques repères sur notre bon ami le cancer. Un, le crabe flambe et fait des cabrioles. En France, selon les chiffres les plus officiels (INVS), le nombre de cas est passé de 170000 en 1980 à 320000 en 2005. Soit une augmentation de 93% pour l’homme et de 84% pour la femme. Deux, de nombreux travaux scientifiques assurent que de 30 à 40% des cancers pourraient être évités en modifiant son régime alimentaire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ajoute même: «Cette proportion atteint les 70% pour les cancers du tractus gastro-intestinal.»

L’alimentation joue donc un rôle très important, mais, au-delà des généralités, tout le monde s’engueule et s’étripe. Pour une raison assez simple: il est presque impossible de relier de manière convaincante l’apparition d’un cancer et la consommation de certains aliments. Ce qui n’empêche pas de dépasser le café du Commerce.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître une évidence: l’industrialisation de la bouffe s'est accompagnée d’un bouleversement des habitudes alimentaires. En seulement un peu plus de deux générations, on a basculé en France d’un régime largement végétal à un autre, basé sur des protéines d’origine animale. Non seulement la consommation de viande a doublé depuis 1950, mais celle de yaourts, de boissons lactées et de fromages a explosé, et avec elle les sodas, les gâteaux sucrés ou salés, les desserts industriels. C’est fou, mais à une époque encore proche, Coca et McDo ne régnaient pas sur les assiettes et les verres.

Dans le même temps, la consommation de pain, de céréales, de pommes de terre, de légumes secs s’est logiquement effondrée. Question neuneu: de tels changements — moins de fibres et de plus en plus de lipides et de sucres rapides — n’auraient-ils pas eu des conséquences sur l’état de santé général?

Chimio ou resto, on ne choisit plus
Un début de réponse se trouve dans les pays du Sud, et notamment dans les villes où l’obésité, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les cancers se répandaient en même temps que les régimes industriels venus du Nord. Mais essayons de donner des exemples, tirés d’une vaste collection. Pour la viande, il n’y a plus guère de doute.

Sur l’infarctus: l’étude Interheart, menée dans 52 pays, montre que le régime alimentaire basé sur la viande, les œufs, les aliments frits et salés augmente le risque d’infarctus de 30 % (revue Circulation, 2008).

Sur le diabèt: une étude de février 2007 portant sur 6161 femmes atteintes du diabète de type 2 montre qu’elles ont 50% de risques supplémentaires de souffrir de maladies coronariennes quand elles consomment régulièrement de la viande rouge (revue Diabetes Care).

Sur le cancer: on ne dressera pas ici l’interminable liste d’études concordantes qui montrent un lien entre consommation de viande rouge et cancer. On fera quand même une exception au sujet de l’étude menée sous la direction d’Elio Riboli, dans le cadre du réseau Epic («European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition»). Publiée en 2005, elle porte sur le cancer du côlon et un nombre impressionnant de 521000 personnes suivies.

Le cancer du côlon est en France le deuxième le plus fréquent chez les femmes, et le troisième chez les hommes. Il touche chaque année autour de 33000 personnes, dont un peu moins de la moitié meurent, ce qui n’est pas tout à fait rien. Or Epic a montré que les plus gros consommateurs de viande rouge de l’échantillon augmentent de 35% leur risque de développer un cancer du côlon par rapport à ceux qui en mangent le moins.

Constatant une accumulation d’études publiées dans les meilleures revues scientifiques, l’Institut national du cancer (INC) a publié en février 2009 des recommandations révolutionnaires — pour lui — sur la consommation de viande. Après avoir reconnu l’existence de liens entre viande et cancer, l’INC note: «Sachant qu’en France plus d’un quart des adultes (principalement des hommes) consomment plus de 500 g de viandes rouges par semaine et plus de 50 g de charcuteries par jour, il convient d’inciter ces forts consommateurs à réduire leur consommation.» Ce sera difficile, pour un organisme aussi prudent, d’être plus clair.

Moins égale plus
Si la consommation de viande pose donc d’évidents problèmes de santé, il est plus difficile d’en dire autant du reste de l’alimentation. Au stade actuel des études scientifiques, il n’est pas possible d’être aussi affirmatif, car un grand nombre d’entre elles se contredisent. Mais se posent-elles les bonnes questions? Ne marquent-elles pas les limites du savoir humain? L’interminable liste des molécules chimiques qui entrent aujourd’hui dans la composition des aliments industriels fait réfléchir.

Dans les additifs de toutes sortes — colorants, exhausteurs de goût, conservateurs, anti-agglomérants, gélifiants, épaississants, pesticides, etc. —, beaucoup sont des cancérigènes prouvés, entre autres belles qualités.

Or une révolution est en cours dans la toxicologie, cette discipline qui observe les effets des produits toxiques. Depuis Paracelse, grand alchimiste du XVIe siècle, des générations de spécialistes ont répété après lui que la dose faisait le poison. Plus un produit était présent, plus il était actif. Ce paradigme est en train de voler en éclats.

Ainsi, les perturbateurs endocriniens, présents dans de nombreux plats alimentaires, agissent à des doses si faibles — on vient de s’en rendre compte — que les normes anciennes devraient être divisées, pensent certains chercheurs, par... deux millions! Et, comble de tout, ces molécules dérangeantes semblent avoir plus d’effets délétères à une très faible concentration qu’à plus forte dose. Paracelse est simplement en train d’être dépassé.

La suite de l'enquête sur Charlie Hebdo

Charlie Hebdo
N° 1089 du 29 avril 2013


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