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James Wilson et sa théorie des fenêtres brisées

Publié le 01 mai 2013 par Raymond Viger

Selon James Wilson, en négligeant de réparer la fenêtre brisée d’un immeuble, on risque de voir les autres subir bientôt le même sort. Alors, des problèmes vont apparaître dans l’entourage. Des éléments négatifs vont s’emparer de l’édifice. Les crimes vont se multiplier. Prenez soin des petites choses et les grandes vont s’occuper d’elles-mêmes.

La théorie s’applique autant aux individus qu’aux quartiers. Négligez un seul détail et l’ensemble va finir par s’effondrer. Vous pouvez même prévoir quelle rue va mal tourner, seulement en observant l’état des fenêtres sur une période d’un mois, nous dit Wilson. Les apparences comptent.

De la rue à la prison

C’est le cas en prison. Un codétenu de mon bloc cellulaire se laissait aller. Chaque fois qu’il se présentait devant la commission des libérations conditionnelles, une petite manifestation se formait devant la prison. Sa demande de libération fut refusée une douzaine de fois. Après sa dernière tentative ratée, il s’enferma dans sa cellule. Il n’en sortait que pour acheter des chips ou du soda, ou pour se nourrir.

Il laissa pousser sa barbe et cessa de se laver. Il s’asseyait à ma table, à la cafétéria. C’était un jeune homme doux, calme et poli. Nous avons essayé de le faire sortir dans la cour au moins, pour qu’il marche un peu. Mais il se contentait de baisser la tête. Un jour, il mourut d’un arrêt cardiaque dans sa cellule. Alors, on emporta son corps discrètement.

Je subissais du harcèlement, dans mon coin de bloc cellulaire. On me dit que je devais m’installer dans la cellule du jeune homme décédé, si je voulais qu’on me laisse tranquille. Le lendemain matin, on m’y a conduit. Des sacs de chips, de vieux journaux et des boîtes de soda emplissaient tout l’espace jusqu’à la taille. La puanteur était insupportable. La fenêtre qui donnait sur la cour de la prison était fissurée. On me donna des torchons et une bouteille de peroxyde, puis on me demanda de commencer le nettoyage. Je devais rendre cette cellule habitable avant la nuit.

Les murs étaient brisés. Vers l’heure du lunch, j’ai trouvé une famille de souris qui vivait sous un tas de détritus, dans un coin. Au crépuscule, après avoir utilisé 7 bouteilles de peroxyde, je me suis installé dans cette cellule. L’odeur du peroxyde m’a rapidement endormi.

On ne pleura pas la disparition de l’homme mort d’un arrêt cardiaque. Deux semaines plus tard, on lui rappela par interphone son rendez-vous dentaire. Personne n’avait pris soin de rayer son nom.

L’estime de soi en prison

L’estime de soi, dans de telles conditions, demande de sérieux efforts.  En prison, personne ne va intervenir, si vous choisissez de ne plus vous laver et que vous devenez infréquentable. C’est la même chose dans votre quartier. Embellir une clôture nue, faire parler un mur vide est une noble vocation. Le graffiti apporte de la vie au quartier. Cela démontre que les gens accordent de la valeur aux petites choses comme les fenêtres brisées. C’est bon pour le moral, et pour la sécurité publique. Les lieux dont on prend soin sont plus sûrs et plus joyeux. Les gens aussi. La beauté pénètre plus profondément qu’on ne peut le croire.

Avant de mourir, James Wilson, un professeur de Harvard et un homme tranquille, écrivit que ce n’est pas la lumière des «grands phares» qui change le monde, mais plutôt chaque «petite flamme de bougie, projetant des ombres vagues et multiples». Nous pouvons tous être de telles bougies.

Le sens moral de l’homme n’est pas comme la forte lumière d’un phare qui donne à tout ce qu’elle touche des contours bien définis. Vacillante et hésitante, elle ressemble plutôt à la petite flamme d’une chandelle projetant des ombres vagues et multiples, sous les grands vents du pouvoir et de la passion, de l’avidité et de l’idéologie. Mais lorsqu’on l’approche de son cœur et qu’on la protège de ses mains, elle repousse les ténèbres et réchauffe l’âme. – James Q. Wilson.

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