Le lundi 8 Avril 2013, l’association « le collège culinaire de France » fondée par 15 grands chefs français, a annoncé la création d’un nouveau « label » dénommé : « Restaurant de Qualité ».
Par Ulrich Génisson.
Quand des piliers de la gastronomie française tels que : Yannick Alléno, Alain Ducasse, Paul Bocuse, Thierry Marx, Joël Robuchon, Pierre Troisgros et d’autres, s’associent pour faire vivre et défendre la cuisine française de qualité, le gastronome défenseur de la liberté que je suis est immédiatement intéressé. Rapidement, je me prends à imaginer une prise de conscience de la profession pour créer une dynamique permettant d’accroître la qualité, la satisfaction du client, la fréquentation des établissements, sans passer par une nouvelle réglementation d’État !
Voici ce que « Le Collège Culinaire de France » nous présente :
Le Collège Culinaire de France a été créé à l’initiative de 15 grands chefs français. Il est ouvert à tous les professionnels de la gastronomie qui partagent en France et à l’étranger les mêmes valeurs.
Le Collège Culinaire de France a pour objet de représenter, de promouvoir et de transmettre l’identité, la diversité, la tradition et l’innovation qui caractérisent la gastronomie, auprès des professionnels du secteur, auprès des politiques et auprès du grand public.
Depuis quelques années maintenant, on constate, à regret, que de nombreux restaurants ne réalisent plus ce travail d’artisans. Ils laissent bien souvent aux industriels de l’agroalimentaire, ayant développé une gamme de produits destinés aux professionnels, le soin de transformer ces matières qu’ils cuisinaient eux-mêmes, il y a peu.
Une majorité de cuisiniers ouvre des boîtes et des sachets, dégèle et réchauffe, plus qu’elle ne découpe, cuit et assaisonne. Si ces procédés sont adaptés à la cuisine de collectivités, ils ne sont pas tolérables dans le cadre de restaurants indépendants, revendiquant souvent une carte traditionnelle et des desserts prétendument « faits maison ».
L’ambition de l’association de ces chefs, est d’offrir grâce au label « Restaurant de Qualité » qui délivrera contre une cotisation mensuelle de 30€, la garantie que les professionnels s’engagent à "transformer des produits de qualité et d'origine connue à partir d'un savoir-faire culinaire professionnel", à proposer "une hospitalité de qualité et un rapport qualité-prix cohérent".
Nous voici donc dans un label privé, auquel le professionnel de la restauration se soumet librement. Voilà une démarche plus qu’intéressante, en remplacement des innombrables labels d’État, tous plus inefficaces les uns que les autres. Pour rappel, le dernier en date étant « maître restaurateur » décerné par le préfet après la réalisation d’un audit effectué par un organisme indépendant. Ce label regroupant à ce jour 2700 professionnels est clairement inconnu du commun des mortels. Label qui comporte un cahier des charges indiquant que la cuisine doit être faite « sur place », avec une « majorité » (51% ?) de produits frais et qui exige au moins 4 entrées / 4 plats et 4 desserts à la carte… Sans commentaire…
Il est très facile de faire une analogie avec l’hôtellerie. Qui de nos jours porte la moindre attention aux étoiles anciennement décernées selon une grille administrative ? En 2013, si vous voulez avoir la garantie d’un service haut de gamme vous vous tournez vers un établissement faisant partie des « relais & châteaux » ou alors vous utiliserez les classements établis par Tripadvisor.com à titre d’exemples, deux systèmes totalement différents mais qui permettent de se faire une bonne idée de la prestation que l’on va recevoir avant d’entrer dans l’établissement (chose impossible avant l’arrivée d’internet). Autre exemple, la fourchette.com qui est une centrale de réservation pour la restauration, qui permet de déposer « une note » uniquement aux clients réels, ce qui fera taire les grincheux qui accusent Tripadvisor.com d’accepter les avis de faux clients. C’est désormais – grâce à la technologie – très facile à éviter avec par exemple la géolocalisation.
Comme on peut le voir dans ces différents exemples, il est tout à fait possible de créer un label privé fiable, reconnu et très largement utilisé ce qui sera le triptyque d’un label de qualité.
La France possède clairement un patrimoine gastronomique unique au monde. Des millions de personnes viennent chaque année pour avoir le privilège de déguster ce que nos chefs ont créé. Seulement la cuisine française, « la signature France » est une sauce avec 3 ingrédients :
- De bonnes matières premières issues de plusieurs siècles de recherches, évolutions, cultures, croisements, sélections, préservations et influences du monde entier.
- Un savoir-faire, lui-même issu de très nombreuses générations.
- Du temps !
La recherche du profit (on ne peut plus légitime) incite le professionnel de la restauration à optimiser ces 3 postes dans l’espoir de dégager un bénéfice. Je ne développerai pas aujourd’hui un chapitre sur le coût de la main-d’œuvre en France, mais il faut rappeler qu’entre ouvrir une préparation faite par des industriels (poudre déshydratée, boite de conserve, sous vide, surgelé) et faire travailler artisanalement des individus polyvalents dans un restaurant, les coûts sont totalement différents. Or tout ce qui fait la richesse, la valeur ajoutée de la gastronomie française, se concentre justement dans le temps que ces artisans vont utiliser. Finalement le problème de la gastronomie française pourrait se résumer ainsi : « Art culinaire nécessitant du temps, se pratiquant dans un pays où le temps est lourdement taxé ». Le client souhaitant avoir le maximum pour un prix minimum, il devient très tentant de substituer un ingrédient par un autre sachant que peu feront la différence… Cette divergence étant plutôt normale, essayons de trouver l’équilibre avant que le fossé ne se creuse donnant pour perdant tout le monde.
Résumons la situation qui pousse vers une demande de certification/label. D’un coté nous avons un professionnel de la restauration qui souhaite rassurer ses clients en leur fournissant une garantie sur la prestation qu’il vend. De l’autre nous avons un client souhaitant être rassuré d’être « livré » de la prestation qu’il a acheté, voire plutôt l’assurance que la prestation offerte – par exemple sous forme de menu – est bien ce qui va lui être servi. On peut s’apercevoir de la totale légitimité de cette demande, de la part des deux parties.
Maintenant voyons comment il est très facile de mettre en place un système capable de contenter à la fois le professionnel et son client. Il est indispensable de créer une 3e partie, dont le rôle sera de vérifier, de contrôler. Un label, ce n’est rien d’autre qu’une charte (un cahier des charges) qu’une partie s’engage volontairement à respecter et dont l’application est contrôlée soit en interne par un service dédié (on peut imaginer une équipe de contrôleurs mandatée par le label), soit par un organisme de contrôle externe (par exemple une société de contrôle accréditée elle-même par le COFRAC pour la France). On privilégiera un contrôle par un tiers dans le but d’une reconnaissance, mais il existe des exemples où un contrôle interne est tout aussi efficace, sachant que tout le sérieux du label est en jeu à chaque contrôle (c’est ce qu’on peut constater chez « relais châteaux » par exemple, où chaque année les établissements qui ne rentrent plus dans le cahier des charges en sont exclus). Dans ce dernier cas c’est directement le gardien du label qui joue ce 3e rôle entre le client et le professionnel. Tout l’enjeu étant la « crédibilité » de la marque « relais & châteaux ».
Ce rôle de 3e partie, pourrait aussi être joué par le client lui-même. Il est facile d’imaginer avec les nouvelles technologies, un site dédié au label où chaque client « noterait » le professionnel, comme on l’a vu plus haut avec tripadvisor.com et lafourchette.com. Immédiatement, nous vient alors l’idée de donner par exemple des « formations » à certains clients volontaires. Par exemple, l’association du « Collège Culinaire de France » pourrait mettre en place avec son label privé, la possibilité pour certains clients volontaires et « avisés », une formation pour auditer selon des critères standardisés. Ainsi ce « client inspecteur » après avoir déjeuné dans l’établissement et réglé sa note, effectuerait un audit de suivi du cahier des charges. Le rapport d’audit serait soumis à l’association gérant le label, qui validerait ou pas l’audit et éventuellement déclencherait une inspection plus poussée en cas de suspicion.
Voici un label privé, facile à mettre en place, efficace et totalement légitime car accepté par toutes les parties, basé sur le volontariat et créant une émulation vers le but recherché.
À ce niveau, il est plutôt aisé d’aller encore plus loin et de remplacer la totalité des normes sanitaires et réglementations déjà en place. On peut voir les excès de normes comme le système HACCP élaboré par la NASA pour ses astronautes et qu’on retrouve partout y compris dans votre assiette, qui asphyxie l’artisan aux bénéfices de l’industrie, seule capable d’amortir les investissements demandés. Le HACCP permet d’aller sur la lune mais pas au 7e ciel de la gastronomie !
On peut très bien imaginer des labels de « niches » comme « le bien-être animal » qui, des prés à l’assiette, garantirait un traitement dépourvu de maltraitance envers les animaux destinés à la consommation. On peut aussi imaginer un label « Végan », « Local » ou « Gluten Free ». Tous ces nouveaux labels pourraient être contrôlés de différentes façons comme énoncées ci-dessus, ou pourquoi pas par des associations comme 60 millions de consommateurs qui pourraient se voir confier de nouvelles missions toujours dans le cadre de la défense des intérêts des consommateurs. Entre payer des fonctionnaires pour garantir une « sécurité alimentaire » ou payer une cotisation à une ou des associations de défense du consommateur, quel modèle serait le plus efficace ?
Le fugu est un poisson très apprécié au Japon. Seulement, une mauvaise préparation est mortelle pour celui qui le mange, croyez-vous possible d’en déguster en France avec les normes qui y sont imposées ? Avec les normes de traçabilité, il devient impossible d’utiliser des matières premières qui ne sont pas dûment identifiées comme l’administration le demande. L’époque du jardin potager qui alimente le petit restaurant de village est révolue. Le temps de la mayonnaise maison, de la chantilly, de l’œuf en neige ou du brun de veau qui mijote au coin de feu, sont en voie d’extinction, mais au bénéfice de qui ?
Refaisons confiance à la liberté et donc à la responsabilité pleine et entière de chacun. Tout le monde s’en portera mieux !
On peut palper une crainte et un manque d’imagination de la part des détracteurs des labels privés. Ceci est facile à comprendre dans le pays qui tue les entreprises, qui jalouse la réussite et critique tout ce qui vient de l’État tout en discréditant la moindre initiative privée. Les personnes qui ne font pas confiance à l’organisation du secteur par des labels privés sont les mêmes personnes qui dénoncent l’incapacité de l’État à mettre en place un système fiable et reconnu par tous, efficace et qui ne coûte pas une fortune à gérer.
Laissons la liberté à des associations de consommateurs de délivrer et gérer des labels totalement privés. Laissons des professionnels s’associer, décider de se plier à un cahier des charges et se faire contrôler, à la fin ce sera le consommateur qui jugera ! Certains labels remporteront un grand succès et d’autres disparaîtront. N’est-ce-pas là exactement le but le recherché ? Un consommateur satisfait, dans un secteur fier de ses artisans et un business pérennisé ?
---
Sur le web.