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Bambous et dal bhat

Publié le 18 avril 2008 par Yvan

Bambous et dal bhat 

La bambouseraie de la Modi Khola

Trekker des jours durant engendre une sorte de routine. Tout adepte de cette façon spartiate de voyager va  bientôt adopter des comportements, limite maniaques, visant à aménager au mieux ses conditions de vie nomade. Et chacun de se conformer dorénavant à des rituels élaborés au fil des étapes. Repères, balises... Les us et coutumes des trekkers sont parfois étonnants. Moi, ce serait les pauses-thé : là où d'autres tracent obstinément leur route, en dépit même des intempéries, je prise de visiter en chemin une flopée de maisons de thé, occasions surtout de rencontrer quelqu'autre pékin , qu'il soit touriste, villageois, porteur, pour échanger sur les aléas de la vie de marcheur.

A partir de Chomrung, les randonneurs se font plus nombreux, l'ABC (Annapurna Base Camp) attire les foules car c'est un trek que quiconque peut effectuer en moins de dix jours en partant de Pokhara. Je parcourrai pourtant l'étape en solitaire. Franchi l'un de ses affluents, l'inexplorée Chomrung Khola, je rejoins la vallée de la Modi Khola, voie naturelle de pénétration au sein du Sanctuaire de l'Annapurna . Le sentier à flanc de versant surplombe, de quatre cents mètres par endroits, le lit de cette puissante rivière issue des glaciers. La nature est luxuriante et sauvage, la vallée originellement inhabitée n'abrite que quelques lodges qui s'échelonnent à intervalles réguliers tout au long de l'itinéraire. A force d'y être quotidiennement confronté, je commence de les aimer mes chères ambiances tropicales, noyées des eaux du ciel puis fumantes au soleil revenu. La forêt mixte comprend une flore fort variée du fait de l'interpénétration des étages sub-alpin et tropical : des pins bleus, diverses espèces de rhodo aux fleurs roses, rouges, blanches, des génévriers et, essence précieuse entre toutes, des bambous, aux innombrables usages.
 
Je ne me suis fixé aucun plan de marche, l'hébergement ne me cause aucun tracas. En fonction de son humeur et de sa fatigue on peut au choix faire étape à Khuldi Ghar, Bambou, Doban, Himalaya Hotel (!), Deorali, Bagar... autant de lieux successifs pourvoyant gîte et couvert. 
 
Les plus forts rallient MBC (Macchapuchare Base Camp) d'une traite, ceux qui atteignent ABC le jour même sont des sportifs de haut niveau ou des montagnards népalais.
Mon humeur à moi est belle et sereine, après plusieurs jours passés au-dessus de quatre mille je suis parfaitement acclimaté ce qui procure à mon organisme un bon stock de globules rouges, dopant naturel qui vous fait pousser des ailes dès que s'abaisse l'altitude. Avantage indéniable sur ceux qui en sont aux prémices de leur longue montée depuis la plaine de Pokhara : Chomrung est à 2000 mètres, ABC à 4100.
Ce sera Himalaya Hotel, bien que l'après-midi ne soit pas très avancé. N'était-ce la pluie drue qui s'est mise à verser, je poursuivrai sans doute... Or, à quoi bon se tremper inutilement ! Je me sens déjà bien humide et des frissons ne tardent à me gagner. Sous l'auvent du lodge, je partage une longue table avec une équipe de slaves enjoués qui carburent à la bière sans lâcher leur webcam. Ceux-là continuent après s'être couverts de leurs capes de pluie intégrales : l'enjouement fait place à la résignation. J'ai horreur des capes, sous les tropiques ça doit être un calvaire !... Rien ne vaut un bon parapluie népalais, de ceux que l'on peut acquérir dans les bazars pour quelques centaines de roupies. De sorte de voyager le plus léger possible je m'en suis pourtant privé. Je m'arrête donc le temps qu'il faut en regardant tomber la pluie... Ici, je passerai la nuit.
A l'arrière de la bâtisse, chauffe un brasero, fait d'un bidon recyclé percé de deux ouvertures pour l'alimenter en bûchettes de rhododendron. Je m'accroupis sur la plate-forme où il trône pour me sécher en finissant mon thé, tandis que sous mes yeux le gardien du lodge et un jeune ado sont occupés à la fabrication d'un doko - la hotte de transport népalaise. Dans ces contrées, chacun dès son jeune âge exerce cent métiers. Les industrieux habitants des collines et des montagnes savent tout faire, garantie de leur survie dans un environnement sévère qui ne laisse aucun répit. J'observe l'incroyable adresse des "vanniers" - gestes mille fois refaits - à manier le khukri et la faucille pour débiter les longueurs de bambou, à tresser ensuite les souples rubans de bois. Ils en sont là au dernier stade, le cerclage de l'ouverture de la hotte.
Pendant ce temps, l'on s'active aussi auprès du fourneau et bientôt mon dîner est servi : un dal bhat bien copieux qui est l'ordinaire de la maison. Le dal bhat de base est composé d'une montagne de riz (bhat), d'une sauce claire aux lentilles (dal), de légumes verts bouillis, genre épinards (tarkari), d'épices ou de sauces épicées (kursani). Mais ce n'est jamais le même goût, c'est comme les nepali teas : tous différents. Chacun a sa recette... Un appréciable point commun : c'est à volonté. On vous en ressert des louchées tant et plus... Le dal bhat se mange normalement avec les doigts de la main droite en façonnant des boulettes de riz mouillées de sauce. J'ai adopté cet usage bien qu'en tout lieu fréquenté par les touristes des couverts soient diponibles.



La vallée de la Modi Khola, vue de Landrung

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