Dans cet arrêt , la Cour administrative de Lyon précise les éléments devant être pris en compte pour le calcul de l’estimation sommaire des dépenses devant figurer au dossier d’enquête publique lors d’une procédure d’expropriation.
Par arrêté du 28 janvier 2010, le préfet de l’Ardèche a déclaré d’utilité publique l’élargissement de la voie communale de Montréal (département de l'Aude), puis a déclaré cessible les parcelles nécessaires à la réalisation de cette opération. Monsieur C, propriétaire de l’une de ces parcelles a alors contesté l’arrêté déclarant d’utilité publique l’opération et l’arrêté de cessibilité devant le Tribunal de Lyon. Sa requête est rejetée par jugement en date du 25 avril 2012, Monsieur C saisit alors la Cour administrative de Lyon.
Monsieur C soutient en appel que l'appréciation sommaire des dépenses devant figurer au dossier d’enquête publique est manifestement sous-évaluée.
Rappelons qu’en application des dispositions de l’article L.11-1 du Code de l’expropriation, l'expropriation ne peut avoir lieu, que si elle a été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête publique, et qu’aux termes des dispositionsde l’article R.11-3 du Code susmentionné, le dossier soumis à enquête publique doit notamment contenir une appréciation sommaire des dépenses engendrées par l’opération.
Cette estimation a pour objet de permettre à tous les intéressés de s'assurer que les travaux ou ouvrages, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à l'époque de l'enquête, ont un caractère d'utilité publique.
Il s’agit du coût global de l’opération comprenant non seulement le coût des acquisitions foncières menées en vue de la réalisation de l’opération déclarée d’utilité publique mais également le coût des travaux rendus nécessaires par cette opération. (CE 13 janvier 1984, Méline, n°28230 ; CE, 22 juin 2012, Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, n°33743).
En l’espèce le requérant arguait que l’évaluation sommaire des dépenses n’incluait pas le coût de démolition d’un mur lui appartenant, ni l’indemnité de reconstitution d’une clôture, ni le coût lié aux autres phases du projet d’élargissement de la voie en cause, sur des parcelles riveraines, réalisées sans recours à l’expropriation.
Afin de déterminer les éléments devant figurer au dossier d’enquête publique, les juridictions apprécient le caractère de chaque dépense exposée.
Si ces dépenses sont nécessaires à la réalisation du projet alors elles doivent figurer au dossier d’enquête publique. Si au contraire elles ne sont pas nécessaires ou sans lien avec le projet, elles n’ont pas à figurer dans le dossier d’enquête publique (v. notamment : CE 19 octobre 2012, Commune de Levallois Perret, n° 343069).
L’importance de la dépense par rapport au coût global du projet fait également l’objet d’un examen. La jurisprudence considère ainsi de manière constante que l’omission d’une dépense minime, compte tenu du coût total représenté par le projet ne constitue pas une irrégularité susceptible d’entraîner l’annulation de la déclaration d’utilité publique (v. notamment : CE, 30 décembre 1998, Moulidars, n° 183530).
Enfin les dépenses exposées doivent présentées un caractère certain (cf. notamment CE, 30 juin 1986, Monnier, n°73265).
En l’espèce, la Cour constate que les dépenses concouraient à la réalisation de la même opération et qu’il n’est pas établi que l’omission de leurs coûts serait sans incidence sur l’information du public.
En l’absence d’estimation de ces dépenses, l’évaluation sommaire des dépenses était sous-estimée, La Cour annule par suite les arrêtés portant déclaration d’utilité publique et cessibilité des parcelles:
« 5. Considérant que l'appréciation sommaire des dépenses figurant au dossier d'enquête publique retient un montant de 9 442 euros ; que, cependant, il n'est pas contesté que ce montant n'inclut ni le coût de démolition du mur appartenant à M. C..., pourtant nécessaire à la réalisation du projet, ni l'indemnité de reconstitution de clôture, ni le coût lié aux autres phases du projet d'élargissement de la voie en cause, sur des parcelles riveraines, réalisées sans recours à l'expropriation, et qui concourent à la réalisation de la même opération ; qu'il n'est pas démontré, ni même allégué, que ces sommes seraient tellement minimes que leur omission serait sans incidence sur l'information du public ; que, dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que l'appréciation sommaire des dépenses était manifestement sous-estimée ; que l'illégalité de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêté de cessibilité, en tant qu'il concerne la propriété de M. C..., et de la décision rejetant son recours gracieux ; que le requérant est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; (CAA Lyon ; 18 avril 2013, n°12LY01588)