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Comme convenu, je reviens vous parler de Lucy de William...

Publié le 04 mai 2013 par Mmepastel
Comme convenu, je reviens vous parler de Lucy de William Trevor.
C’est un magnifique livre. L’histoire est terriblement cruelle, je peux en révéler les principaux ressorts sans déflorer, je pense, le plaisir de la lecture. 
Lucy, petite fille habitant avec ses parents et un couple d’agriculteurs en Irlande dans les années 1920, refuse de quitter sa maison, son pays, sa plage, sa forêt, lorsque, suite à une attaque contre sa famille (dont la mère est anglaise), son père blesse un délinquant et redoute les représailles. Ses parents décident alors de quitter le pays pour l’Angleterre. Ils organisent le départ, voyant bien que leur fille supporte mal ce chamboulement. Mais ils prennent peu au sérieux cette rébellion, la considérant comme une bouderie d’enfant, forcément éphémère. Pourtant, la fillette est plus que têtue. Par bravade, pour faire passer un message sur la violence de ses sentiments, elle prépare sa fugue. Un malheureux concours de circonstances fait qu’elle se retrouve piégée par une blessure loin des siens. L’exil a déjà commencé. Tous la croient noyée. Des recherches s’organisent, en vain. Le deuil difficile commence pour les époux Gault ; leur départ en devient encore plus nécessaire. Et les voilà, doublement douloureux, qui quittent leur pays et leur fille considérée comme morte. Ils entament un périple qui devient voyage apparemment sans retour, sans plus aucune connexion avec leur foyer irlandais. 
Pourtant, Lucy n’est pas morte, même si ses mésaventures l’ont considérablement affaiblie. Elle est retrouvée maigre et choquée, dans une cabane dans la forêt, avec une cheville abimée pour toujours. Les fermiers la ramènent à la maison. Un vie presque normale reprend… même s’il devient impossible de prévenir ses parents que Lucy est vivante.
C’est cet exil inversé qui fait toute l’histoire marquée par la souffrance. Lucy est exilée de sa vie d’avant car elle est privée de ses parents, culpabilisée par la souffrance qu’elle a infligée aux siens, tout en étant pourtant parvenue à ses fins : demeurer sur la côte qu’elle aime tant, avec ses falaises et sa mer envoûtante. Sa vie devient une expérience de la solitude, de la différence, puisque son histoire se raconte dans le coin, jusqu’à devenir quasiment légendaire. Elle grandit, murit, vieillit même avec ce poids sur les épaules qui lui donne une conscience aiguë de son devoir. Quand l’amour vient frapper à sa porte, elle l’entrouvre à peine, et se refuse le bonheur que sa faute originelle, sa loyauté envers ses parents (qui peuvent revenir à tout instant pense-t-elle) lui interdisent.
C’est tragique, beau, sensible, subtil. Le caractère de Lucy, humble et douloureux, en fait une héroïne de roman du XIXème siècle. Une expiation éternelle, une erreur qui n’en finit pas d’être payée. Et pourtant, rien d’inutile dans ce récit. Pas de pathos. Juste la relation d’une vie ombrageuse, éclairée ça et là par l’amour de la nature, de choses humbles et silencieuses. La beauté sauvage de son pays tant aimé pour seul réconfort dans sa prison psychique. Puis, enfin, une sorte de syndrome de Stockholm assez étonnant qui vient clôre l’histoire, comme si, après une vie de tristesse, le pardon était la seule consolation.
Un très grand livre.
Peinture de Catherine Hyde.

Comme convenu, je reviens vous parler de Lucy de William Trevor.

C’est un magnifique livre. L’histoire est terriblement cruelle, je peux en révéler les principaux ressorts sans déflorer, je pense, le plaisir de la lecture. 

Lucy, petite fille habitant avec ses parents et un couple d’agriculteurs en Irlande dans les années 1920, refuse de quitter sa maison, son pays, sa plage, sa forêt, lorsque, suite à une attaque contre sa famille (dont la mère est anglaise), son père blesse un délinquant et redoute les représailles. Ses parents décident alors de quitter le pays pour l’Angleterre. Ils organisent le départ, voyant bien que leur fille supporte mal ce chamboulement. Mais ils prennent peu au sérieux cette rébellion, la considérant comme une bouderie d’enfant, forcément éphémère. Pourtant, la fillette est plus que têtue. Par bravade, pour faire passer un message sur la violence de ses sentiments, elle prépare sa fugue. Un malheureux concours de circonstances fait qu’elle se retrouve piégée par une blessure loin des siens. L’exil a déjà commencé. Tous la croient noyée. Des recherches s’organisent, en vain. Le deuil difficile commence pour les époux Gault ; leur départ en devient encore plus nécessaire. Et les voilà, doublement douloureux, qui quittent leur pays et leur fille considérée comme morte. Ils entament un périple qui devient voyage apparemment sans retour, sans plus aucune connexion avec leur foyer irlandais. 

Pourtant, Lucy n’est pas morte, même si ses mésaventures l’ont considérablement affaiblie. Elle est retrouvée maigre et choquée, dans une cabane dans la forêt, avec une cheville abimée pour toujours. Les fermiers la ramènent à la maison. Un vie presque normale reprend… même s’il devient impossible de prévenir ses parents que Lucy est vivante.

C’est cet exil inversé qui fait toute l’histoire marquée par la souffrance. Lucy est exilée de sa vie d’avant car elle est privée de ses parents, culpabilisée par la souffrance qu’elle a infligée aux siens, tout en étant pourtant parvenue à ses fins : demeurer sur la côte qu’elle aime tant, avec ses falaises et sa mer envoûtante. Sa vie devient une expérience de la solitude, de la différence, puisque son histoire se raconte dans le coin, jusqu’à devenir quasiment légendaire. Elle grandit, murit, vieillit même avec ce poids sur les épaules qui lui donne une conscience aiguë de son devoir. Quand l’amour vient frapper à sa porte, elle l’entrouvre à peine, et se refuse le bonheur que sa faute originelle, sa loyauté envers ses parents (qui peuvent revenir à tout instant pense-t-elle) lui interdisent.

C’est tragique, beau, sensible, subtil. Le caractère de Lucy, humble et douloureux, en fait une héroïne de roman du XIXème siècle. Une expiation éternelle, une erreur qui n’en finit pas d’être payée. Et pourtant, rien d’inutile dans ce récit. Pas de pathos. Juste la relation d’une vie ombrageuse, éclairée ça et là par l’amour de la nature, de choses humbles et silencieuses. La beauté sauvage de son pays tant aimé pour seul réconfort dans sa prison psychique. Puis, enfin, une sorte de syndrome de Stockholm assez étonnant qui vient clôre l’histoire, comme si, après une vie de tristesse, le pardon était la seule consolation.

Un très grand livre.

Peinture de Catherine Hyde.


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