Magazine Médias

L'UMP joue la carte Mélenchon : analyse

Publié le 05 mai 2013 par Copeau @Contrepoints

L'UMP joue la carte Mélenchon. Mais ce qui ressemble à un coup de poker tactique est un pacte inconscient avec le Mal.

Par Pascal Avot.

L'UMP joue la carte Mélenchon : analyse
Hier matin, le Figaro décrivait le projet de VIème République de Jean-Luc Mélenchon comme s'il s'agissait d'une feuille de route signée Fillon : avec attention et respect. C'est si énorme que c'est plutôt drôle. Et cela confirme la stratégie absurde de Copé, selon laquelle favoriser le Front de Gauche permet d'affaiblir à la fois le PS et le FN. Merveilleuse droite française, incapable de comprendre que Mélenchon est un agent idéologique et non électoral, et que les dégâts qu'il occasionne sont plus profonds qu'un simple coup de gueule dans l'isoloir : ils imprègnent la pensée politique française entière, aggravent nos vices communs et atténuent nos vertus. Donner du champ au Front de Gauche dans le discours de la droite, c'est offrir à la haine de classe et à l'anti-libéralisme une marge de manœuvre inespérée. Mélenchon ne veut pas l'Élysée, il veut le 20 heures et la rue, il veut les livres d'histoire de la gauche et les âmes des pauvres. Il ne désire pas vaincre au sens statistique, mais posséder au sens théologique. Or, sur le champ de bataille métaphysique, la droite contemporaine est un eunuque éventant le vide. Elle arrose la plante carnivore rouge, sans voir que dans même le pot, pousse également la fleur carnivore blonde. En ajoutant du kérosène dans le réservoir de Mélenchon, Copé se condamne à adopter les thèses du FN pour survivre. Nous souhaitons bien du plaisir à la démocratie.

Le vieux proverbe "les extrêmes se rejoignent" sous-estime les vases communicants idéologiques. Car les extrêmes n'ont pas besoin de se rejoindre : ils sont indivisibles depuis l'origine. Nous ne reviendrons pas ici sur les origines profondément socialistes de Mussolini, Goebbels, Déat, Doriot et tant d'autres personnages damnés deux fois : commençant trop à gauche et finissant trop à droite. Nous ne rappellerons pas l'admiration de Hitler pour le léninisme. Nous ne rabâcherons pas davantage que le terme nazisme comprend le mot socialisme. Nous n'entrerons pas dans le détail du Traité de Rapallo (16 avril 1922), qui fait de l'URSS une machine à réarmer l'Allemagne en secret. Nous ne parlerons pas du Pacte Germano-Soviétique, ni de la création de SOS Racisme par Mitterrand, épaulée par les trotskistes du PS. Nous nous contenterons de dire que Jean-Luc Mélenchon a donné pour mission au Front de Gauche – je cite – de "pourrir la vie à Marine Le Pen". Pourquoi cette mission ? Parce que Mélenchon est un bon idéologue, un bon dialecticien, et qu'il dessine au tableau noir un schéma simple : plus le FN monte dans les sondages, plus le Front de Gauche est légitime. Et plus le Front de Gauche est légitime, plus le duel Mélenchon-Le Pen peut monopoliser l'attention, prendre en tenaille les démocrates et troubler le débat national. Copé tente de refaire avec Mélenchon le coup que fit Mitterrand avec Le Pen. Mais Jean-François, grand impatient, ne voit pas que Mélenchon s'alliera au PS au second tour de toutes les élections, sans poser de conditions et quoi qu'il arrive – confiant qu'il est en son cher "rapport de forces" –, tandis que le FN ne s'alliera pas à la droite et la laissera se débrouiller seule, boiteuse et nue, dans la dernière ligne droite. Alors, la droite devra s'approprier les thèses du FN pour rattraper le territoire perdu, et elle passera pour fasciste. On connaît la suite : l'addition est douloureuse, payable en cinq annuités. Il y a bien, pour rassurer les cyniques, la thèse "Marine sera au second tour, donc Hollande n'y sera pas !". Wishful thinking über alles ! Et si Copé n'y était pas, lui ? Il en prend le chemin. Applaudir Mélenchon, c'est mécaniquement faire gagner la gauche.

Pourquoi Copé commet-il une aussi grosse faute ? Pour une raison qui devrait nous inquiéter autant que la dette publique : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont aujourd'hui nos deux politiciens les plus cultivés, les plus rusés et les plus déterminés. Copé n'est tout simplement pas à la hauteur de cette adversité-là, pas plus que ne le sont Fillon, Bayrou ou Borloo. Il manque à nos démocrates la connaissance des classiques, le flair, la rage – peu importe que cette dernière soit feinte ou sincère, car à force de singer toujours la même colère, on finit par la ressentir : le plus probable est que les deux hérauts de l'extrémisme français sont empoisonnés par leurs propres imprécations. Il manque également à nos modérés la capacité à sortir du politiquement correct pour tenir un discours absolument vrai dans un français parfait : "Quelques heures passées dans l'hémicycle du Parlement européen sont totalement démoralisantes. Non seulement c'est une addition de pleurnicheries sans conséquences face au désastre qui s'avance, mais l'adjonction d'une couche épaisse de vœux pieux achève de démoraliser" (Jean-Luc Mélenchon, sur son blog cette semaine). Il leur manque enfin le courage d'avoir la moitié du peuple contre soi, sans lequel la France est ingouvernable. Nous courons vers 2017 sur un tapis roulant en sens inverse de nos intentions. Le tapis roulant de l'UMP – le parti aux 50 millions d'Euros de dettes. Nous allons suer beaucoup, perdre des kilos, souffler comme des bœufs, sans progresser d'un mètre. Il faudrait dire à Copé qu'il se trompe, mais il n'est probablement pas assez subtil pour croire une telle chose possible.

Ce matin, M, le magazine du Monde, consacre un long dossier à Jean-Luc Mélenchon, agrémenté de superbes photos. À le lire, on s'aperçoit que la rédaction du Monde est infiniment plus critique à l'égard du leader du FdG que ne l'est celle du Figaro. Il est trop tard pour renverser cette vapeur délirante : le grand bonneteau des valeurs aura bientôt avalé la politique française. Il est encore temps de s'en étonner, de s'y intéresser et de l'expliquer autour de nous. Prions pour qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il grêle et qu'il neige cet après-midi, place de la Bastille. Prions pour que les prières de Jean-François Copé ne soient pas exaucées.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Copeau 583999 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte