Que l’actuel locataire de l’Élysée soit associé au flanby est finalement une façon de rendre hommage à la tradition culinaire française.
Par Jean-Baptiste Noé.

Au XXe siècle, brille le grand aristocrate Valéry Giscard d’Estaing qui, pour faire peuple, a commandé une soupe à son nom au cuisiner Paul Bocuse. Ce qui aurait pu être une charmante potée auvergnate revisitée, comme l’on disait à l’époque de la nouvelle cuisine, ou une soupe de lentilles du Puy, fut un velouté VGE, c’est-à-dire à la truffe. Le naturel était revenu à l’Élysée. C’était oublier que la truffe est célèbre pour sa poularde demi-deuil, c’est-à-dire lardée de truffes. De fait, le septennat c’est achevé dans le deuil jamais terminé de la défaite humiliante.
Mitterrand avait ses ortolans. Oiseaux interdits de consommation, braconnés et achetés fort chers au marché noir. La morale socialiste semble s’arrêter à la teneur de la table. Chirac fut envié pour la tête de veau. C’était retrouver le plaisir des nourritures canailles, c’était amener le terroir à Paris, et faire croire que l’on était proche de la terre. Sarkozy a voulu rompre avec tout cela. Abstème, il ne boit jamais de vin, alors que la cave de l’Élysée est une des plus belles de France. Sa passion pour les laitages n’était guère propice aux enchantements. Quand le président normal est arrivé, nous sommes revenus à la normalité de la gastronomie élyséenne. De ses goûts culinaires peu de choses ont percé, sauf qu’il a dû s’astreindre à un régime sévère pour se donner l’image d’un président. Les kilos en moins lui ont permis de gagner des voix en plus.
François Hollande est arrivé à l’Élysée auréolé de surnoms gastronomiques de haut vol, attribués à lui-même par ses camarades socialistes. Ce fut d’abord le fruit, avec l’appellation fraise des bois, car, disaient les socialistes, il n’y a pas d’éléphants derrière les fraises des bois. Chacun à son humour. Puis, quand il fallut durcir les attaques, on prit une comparaison plus molle ; vint le tour du flanby. Voilà notre président associé à un dessert enfantin, un flan, écrit avec un n, non un m comme l’exige normalement l’orthographe française. Dans l’association avec le flanby on a retenu la mollesse quand il fallait surtout y voir le hiatus avec la règle.

Pur produit de l’industrie agroalimentaire, aliment flasque et sans saveur, si ce n’est un léger arôme vanillé, le flanby est le produit type du mélange de la publicité, du marketing et de la consommation de masse. Ce faisant, s’il n’apporte aucune gloire sur le plan culinaire, il est bien un témoin de son époque, compagnon idéal d’enfants au palais immature et non éduqué. Le flanby est sucré et mou, il est à la gastronomie ce que la langue de bois est à la politique. Consensuel, il convient à tout le monde puisqu’il n’a pas d’aspérité, sans pour autant susciter l’adhésion. Il n’est pas clivant, comme on dirait en bon style sociologique.
Que l’actuel locataire de l’Élysée soit associé au flanby est finalement une façon de rendre hommage à la tradition culinaire française, et montre que celui-ci répond bien à la culture de son époque, gavée de télévision et de publicité, et ignorante des splendeurs de la table. S’il veut lui faire plaisir pour fêter les un an de son entrée au Château, le cuisiner du palais pourra concocter un dessert à la Hollande : un flanby fourré aux fraises des bois. Ce serait une façon charmante de détourner l’attaque en fierté, et de pouvoir laisser quelque chose de positif à la postérité.
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