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Afghanistan : les raisons d’une défaite

Publié le 07 mai 2013 par Copeau @Contrepoints

Les raisons de l’échec de la coalition sont peu débattues alors que nous aurions besoin d’analyses contrastées et bien renseignées sur ce qui s’est passé.

Par Alex Korbel.

Afghanistan : les raisons d’une défaite

Pourquoi l’État français a-t-il échoué en Afghanistan ? Je sais que le gouvernement prétend avoir gagné mais il s’agit surtout de camoufler l’embarras d’un gigantesque gâchis se soldant par une défaite qui était prévisible. Depuis 2001, ce sont près de 70 000 militaires, soit la quasi-totalité des effectifs opérationnels de l’armée de Terre, qui ont été engagés en Afghanistan. Quatre-vingt-huit soldats français sont morts dans ce pays dans une guerre qui a coûté environ 20 milliards d’euros aux contribuables et qui n’est toujours pas terminée après 11 ans (la Seconde Guerre mondiale a durée 6 ans ; la guerre d’Algérie en a duré 8). Mi-2013, si tout se passe comme prévu, il n’y aura plus que 500 soldats français à Kaboul.

11 ans de guerre

Les raisons de l’échec de la coalition et de l’État français en particulier sont actuellement peu débattues alors que nous aurions besoin d’analyses contrastées et bien renseignées sur ce qui s’est passé.

Le problème structurel de notre engagement militaire était que l’objectif poursuivi par la coalition ne pouvait pas être atteint sans un plus grand engagement de ressources, mais les enjeux liés au conflit ne justifiaient pas un tel niveau d’engagement.

En d’autres termes, remporter la victoire n’en valait pas la peine et le véritable échec des gouvernements successifs (Jospin, Raffarin, de Villepin, Fillon, Ayrault) a été de ne pas reconnaitre ce fait beaucoup plus tôt et d’en tirer les conclusions politiques appropriées.

Pas assez de troupes

Premièrement, pour décrocher une victoire significative en Afghanistan – que l’on peut définir comme vaincre définitivement les Talibans et créer un gouvernement efficace de style occidental à Kaboul – il aurait fallu envoyer beaucoup plus de troupes sur le terrain. Ce déficit a été aggravé par les divisions ethniques qui animent l’Afghanistan, son terrain montagneux, son isolement géographique, l’insuffisance des infrastructures et ses frontières poreuses.

Le refuge pakistanais

Deuxièmement, la victoire était insaisissable parce que le Pakistan a continué à soutenir les Talibans et son territoire leur a fourni des sanctuaires efficaces. Un rappel en guise d’exemple : Oussama Ben Laden se trouvait au Pakistan, pas en Afghanistan. Les Talibans combattant en Afghanistan pouvaient toujours traverser la frontière et revenir se battre un autre jour.

Paris et Washington n’ont jamais été prêts à forcer le Pakistan à cesser de soutenir les Talibans et il n’est pas certain que cela aurait été possible sans entrer en guerre contre le régime pakistanais lui-même, soulevant la question de la stabilité d’un État doté d’un arsenal nucléaire.

Le gouvernement afghan

Troisièmement, la coalition n’a pas pu obtenir du gouvernement afghan d’HamidKarzai qu’il réforme le pays à l’occidentale parce que ce dernier était le seul gouvernant presque crédible et qu’il le savait.

À moins que l’OTAN n’ait été prête à prendre en charge l’ensemble du pays et à essayer de le gouverner directement – une tâche qui aurait fait passer l’occupation de l’Irak pour un jeu d’enfant – la coalition était forcée de travailler avec HamidKarzai, malgré ses nombreux défauts.

Les opérations militaires anti-insurrectionnelles réussies exigent des partenaires locaux efficaces et légitimes ; ces derniers n’existaient pas en Afghanistan.

Une inadéquation fondamentale

Les forces de la coalition ont fait d’énormes sacrifices personnels en s’efforçant de gagner dans des conditions difficiles. Mais si cette guerre avait été une véritable priorité stratégique, les États auraient lutté de façon très différente.

Ainsi, la véritable raison du fiasco de la guerre en Afghanistan est due au fait que l’ensemble des décideurs et analystes ont omis de reconnaitre l’inadéquation fondamentale entre a) les intérêts de l’État français et de la coalition qui étaient très limités dans la région, b) les objectifs déclarés qui étaient bien trop ambitieux (créer une démocratie à l’occidentale en Afghanistan) et c) les vastes ressources et la patience qu’il aurait fallu avoir et mobiliser pour atteindre ces objectifs.

Compte tenu de ce décalage entre les intérêts, les objectifs et les ressources, il était malavisé de continuer à essayer de gagner une guerre à un niveau d’effort qui n’était pas suffisant pour réussir. Pourtant, personne n’a jamais soulevé cette contradiction. Ou bien leur avis n’a pas été entendu. Il est plus que temps de réformer la politique étrangère de l’État français.

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Publié initialement sur 24hgold.com.


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