Sur la base d'une étude du cabinet Score Advisor, le quotidien La Tribune affirmait hier dans ses colonnes que 15% des agences bancaires ne sont plus rentables en France aujourd'hui. Ce chiffre peut déjà paraître alarmant mais se pourrait-il qu'il soit grossièrement sous-évalué ? Quelques arguments avancés par Brett King dans son dernier ouvrage "Bank 3.0" ôtent les derniers doutes...
Mais d'abord, quels sont les faits ? Avec l'échec de la plupart des banques 100% internet de première génération, au début des années 2000, les acteurs traditionnels ont été confortés dans l'idée que leur réseau d'agences étaient la clé de leur avenir. Ils ont alors multiplié les ouvertures de nouvelles implantations, jusqu'à très récemment. Or, entre temps, les services en ligne et mobiles ont commencé à s'imposer et à induire une baisse de fréquentation des agences, qui serait désormais d'au moins 5% par an.
Avec une telle évolution, il est clair que la rentabilité du réseau devient plus fragile et que certains points de vente deviennent progressivement "déficitaires". Détail intéressant dans cette tendance, elle ne serait pas le fruit d'une véritable désaffection. Les clients continuent toujours, pour 80% d'entre eux, à visiter leur agence mais ils s'y rendent de moins en moins fréquemment. Ce constat entre d'ailleurs pour une large part dans la réticence des banques à programmer des fermetures en proportion de la baisse de fréquentation.
Maintenant, au-delà de ces observations, quelles autres réalités se cachent derrière les apparences ? Si on considère avec l'EFMA que le réseau génère (en France) 83% du revenu des banques, il ne semble pas anormal qu'il engloutisse 60% des budgets. Mais, en parallèle, on entend régulièrement que, par exemple, les interactions sont désormais plus nombreuses sur les canaux à distance qu'en agence ou que les consommateurs recherchent leur produit sur le web avant de souscrire. Se pourrait-il que la mesure soit faussée ? C'est l'hypothèse que fait Brett King.
L'auteur affirme qu'en dépit des apparences, l'agence n'aura bientôt plus qu'un rôle marginal dans la vente de produits et services. Ainsi, ce qui est comptabilisé dans les 83% de revenus qu'elle générerait serait en fait initié sur d'autres canaux et se trouverait artificiellement affecté au point de vente physique (grâce un modèle de mesure des résultats qui n'a pas changé avec l'émergence de la banque à distance), uniquement parce que le client n'a d'autre choix que de s'y rendre pour finaliser son opération...
Autre mythe battu en brèche, celui du besoin d'une relation humaine avec un conseiller. Déjà, le sondage de Score Advisor relativise l'argument : un tiers seulement des clients rencontrent régulièrement un conseiller et, parmi les 80% qui ont un conseiller attitré, la moitié ne peuvent citer son nom. La dimension "conseil" que ne saurait (supposément) remplacer un site web ? Brett King répond avec une question : "vous souvenez-vous de la dernière fois où votre banquier vous a apporté un véritable conseil ?"
Si les revenus des banques étaient "correctement" comptabilisés, combien d'agences s'avèreraient être effectivement "rentables" ? Probablement beaucoup moins de 85%... Et la baisse ne va faire que s'amplifier, sans le moindre espoir d'un renversement de situation. Ce qui n'implique pas nécessairement qu'il faudra fermer toutes les agences. En revanche, il devient indispensable de repenser leur rôle, leur organisation, leur fonctionnement... et pas uniquement de manière superficielle, comme c'est beaucoup trop souvent le cas actuellement.
Information (de La Tribune) repérée grâce à Aurélia Jaeger (merci !)