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‘My father, my lord’ : l’obéissance religieuse en question

Publié le 12 avril 2008 par Yguerda

My father, my lord‘, de David Volach, Israël, 2007, 76 mn.
Avec Assi Dayan, Sharon Hacoen Bar et Ilan Grif.
Sortie : le 23 avril 2008 en France.

CRITIQUE. Il y a un nid sur une fenêtre de la yeshiva (école religieuse). Avec des oisillons et leur maman. Et puis il y a le rabbin, Abraham, qui pousse la mère à s’envoler, laissant les oisillons sans personne pour les nourrir, ni les protéger. Il y a aussi le fils du rabbin, Menachem, qui ne comprend pas. Qui demande pourquoi le père a fait cela. La réponse est simple : “la mitsvah du renvoi du nid” ; le père n’a rien fait d’autre que d’appliquer la loi divine. Le destin des oisillons doit être laissé entre les mains de Dieu. Décidément, l’enfant, porté par sa sensibilité naturelle et encore détaché de tout précepte exogène, ne comprend pas… Cette scène, infiniment cruelle, cristallise le combat mis en scène dans ce film : celui de l’humanisme face aux dogmes religieux. 

Avec ‘My father my lord‘, David Volach dresse une critique acerbe de la religion et de la désobéissance aveugle qu’elle prône. Et il pose la question : que se serait-il passé si l’ange n’avait pas arrêté la main d’Abraham ? Le fondateur du monothéisme serait-il allé jusqu’à tuer son propre fils ?

On dit souvent que les idées religieuses sont sublimes mais qu’elles sont détruites par l’homme. Moi, j’ai tendance à croire que l’homme est sublime, alors que ses idées le sont un peu moins“, explique le réalisateur du film dans une interview.

La première partie du film se déroule dans une lumière veloutée, intime et chaude, et montre, scène après scène, la petite vie familiale de Rabbi Abraham, de son épouse Esther et de leur fils de six ans, Menachem. Ces scènes, dans lesquelles rien de significatif ne semble se passer, sont l’occasion de dresser de véritables portraits filmés des personnages et de leurs relations. Chaque regard, chaque geste de la mère et du père expriment l’amour inconditionnel qui unit cette famille  ; des relations très affectueuses et tendres ; une harmonie qui, d’ailleurs, ne prospère que dans le silence. Et pourtant, il y a cette distance entre le père et le fils. L’existence d’Abraham tourne autour de l’étude des textes sacrés ; Menachem est un petit garçon imaginatif, curieux, qui s’amuse dans la synagogue, et qui se sent investi de la mission de protecteur de tout être vivant qu’il rencontre.

Mais la loi de Dieu étant aussi celle du père, une image représentant des hommes de tribus africaines devient un objet d’idolâtrie qui doit être déchiré ; et les animaux ne méritent pas qu’on s’intéresse à eux, au même titre que tout être vivant non-juif ; d’ailleurs, ils n’ont pas d’âme.

Un monde clos et renfermé que le réalisateur de 37 ans connaît bien pour y avoir vécu jusqu’à l’âge de vingt-deux ans. Il a grandi dans une famille de 19 enfants, dans un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem avant de décider de s’en extraire et de partir à Tel-Aviv pour étudier le cinéma.

Dans la deuxième partie du film, la petite famille de Rabbi Abraham décide de partir en excursion à la Mer Morte. Menachem est arraché à sa mère (thème récurrent dans le film) qui doit aller se baigner séparément, avec les autres femmes. Ce jour-là, une fois de plus, le père est pris dans ses prières, oubliant de prêter la moindre attention à son fils.

“Dans cette religion, la sensibilité à la douleur de l’autre est inférieure à la loi de Dieu”, regrette David Volach.

Et pourtant, le réalisateur a fait le choix de ne pas le diaboliser, ce père ; le religieux est aussi un homme qui doit se faire violence pour appliquer la loi divine et ne pas céder à ses propres sentiments. On le voit dans la scène qui ouvre et qui clôt le film : les larmes du père face au pupitre vide. Toute la puissance et la finesse de ‘My father, my lord‘ résident sans doute dans ces plans, qui empêchent le film de David Volach de verser dans un discours manichéen.

My father, my lord‘, servi par trois très grands acteurs, rappelle le film de Jeroen Krabbe, ‘Left Luggage‘, (avec Isabella Rosselini et Chaïm Topol) par son intrigue (la perte - immensément douloureuse - du fils) et par les interrogations qu’il dresse sur l’orthodoxie religieuse. Avec la simplicité du conte sans fées, Volach évoque à son tour les limites de la foi et la place qu’elle oublie d’accorder à l’Homme. Et le cri final, l’acte de rébellion, dans ce poème de 76 minutes, c’est à la femme, autre déshéritée de la religion, que David Volach le laisse.

Yasmina Guerda


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