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Daniel Barenboïm et les sonates de Mozart

Publié le 10 mai 2013 par Rolandbosquet

Mozart

   Pour célébrer mon retour, César, mon chat-donné, s’est empressé, ce matin, de réclamer sa pâtée dès le lever du jour. Ce qui me vaut d’être réveillé tôt et tôt levé. J’en profite pour aller donner leur crouton de pain dur aux chèvres naines. Un petit vent de bise a presque chassé les nuages pendant la nuit. Un milan, à moins qu’il ne s’agisse d’une buse partie à l’assaut du ciel, dessine de larges cercles au-dessus des frondaisons. Sur le chemin de retour, je rencontre un faisan qui se réfugie dans la haie. Je me dis que je devrais bien en commencer l’élagage. Comme chaque année. Mais comme chaque année, je n’en éprouve guère le courage. Deviendrai-je paresseux ? Je décide de dédier plutôt ma journée au "Mystère français" d’Hervé Le Bras et Emmanuel Todd arrivé pendant absence. Peut-être, sûrement même, en apprendrai-je plus sur cette France et ses Français si énigmatiques parfois. J’y reviendrai un jour prochain. Le temps de le digérer. Pour soutenir ma lecture, je glisse les sonates pour piano de Mozart dans le lecteur de disques. Par ma fenêtre ouverte, j’entends le concert sauvage qui anime buissons et futaies. Moineaux, rouges-gorges, tourterelles, fauvettes, mésanges, hirondelles et autres pinsons rivalisent d’imagination pour séduire leurs belles, imposer leur territoire ou rassurer leurs premiers petits. Tout un monde disparate et varié qui explose en grand désordre de vie. Mais le monde du génie de Salzbourg n’est pas moins divers. Ses premières sonates ont été écrites pour le clavecin. Elles révèlent malgré tout au piano un paysage aimable et presque galant. Les suivantes sont réputées plus classiques et s’insinuer tout à fait dans la texture de nos instruments modernes. C’est sur un piano-forte que les dernières expriment le mieux leur romantisme. Cette hétérogénéité devient une gageure pour qui veut les interpréter l’une après l’autre. Quels tempi adopter ? Faut-il voiler les ornements ou les porter en avant ? Faut-il privilégier l’expression ou choisir de demeurer neutre devant la partition au risque de se transformer en mécanique ? Faut-il jouer toutes les reprises à l’identique ? Christian Zacharias avait résolu toutes ces questions en choisissant, en bon non-conformiste qu’il est, de plier la volonté du compositeur à son style propre. J’ai eu le privilège de l’écouter en 2006 dans la sonate en si bémol majeur (K281), au parc du château de Florans dans le cadre du festival de La Roque d’Anthéron. Son interprétation, magistrale et sensible à la fois, avait cependant le défaut d’ignorer l’influence de Joseph Haydn sur l’encore jeune Mozart. Je préfère de beaucoup celle de Daniel Barenboïm empreinte d’une riche humanité sous sa brillante virtuosité. Comme Mozart, Barenboïm est un charmeur. Il sait le retrouver et nous le faire rencontrer. Mais ma sonate favorite reste assurément la huitième en la mineur (K310) composée à Paris. Un premier mouvement élégant et raffiné mais déjà nimbé de ténèbres. Un andante cantabile soyeux et presque enfantin mais voilé par de sombres accords en polyphonie imposés à la main gauche. Un presto plein d’une sobre énergie conduit le troisième mouvement avec son thème presque unique aux harmonies typiquement viennoises. Daniel Barenboïm se joue avec éclat de toutes les difficultés, notamment le fameux passage dit de la ritournelle, et il nous éblouit avec le dramatique point d’orgue final. C’est la sonnerie du téléphone qui me renvoie sur terre. On vient manger avec vous,m’avertit la voix d’Hélène, ma voisine. On apporte tout ! Sauf le vin, bien sûr ! Je m’aperçois alors que j’ai oublié le repas de midi et que, tout à coup, j’ai grand faim.

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