Magazine Poésie
CLAUDE GAVREAU (1925 - 1971)
La banalité est la loi. L'unique est tabou.
Les hommes justes souhaiteraient qu'il fût possible d'expier d'être unique. Hélas, l'unicité est inexpiable.
Malheur à l'ange diaphane qui s'égarera dans l'auge de boue!
Je l'imagine, toute petite, avec sa chevelure rouquine. Elle était déjà une beauté baroque.
Bien entendu, elle ne pouvait pas plaire.
Elle n'était pas jolie, comme un calendrier est joli.
Ses attraits à elle n'avaient rien de vulgaire, donc de plaisant. L'expressive intensité de sa face, sa faim d'ogresse tendre, voilà qui ne pouvait pas rassurer.
Elle avait l'art de radier.
Elle n'était pas semblable aux autres. Hélas, on n'est jamais trop petit pour acquitter la taxe de transcendance.
Les faux qui nivellent n'ont point été dotés d'organes sommeillants. Sus à la grandeur irrégulière!
Les écoles de souffrance n'ont pas affiché de programmes uniformisés. On apprend à souffrir comme on peut. Souvent, on apprend mal.
Un petiot qui souffre, comment peut-il savoir que sa souffrance est objective ou point? «On me disait que j'étais laide. Sincèrement ou insincèrement, on me faisait sentir que je ne plaisais pas. Devant mes cheveux rouges, les bouches ricaneuses riaient».
Son énergie, pourtant, n'a pas connu de frontières : sans défense contre l'implacable unanimité des condamnateurs écervelés.