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Jules laforgue - la complainte des montres

Par Ruedelapoesie @ruedelapoesie

JULES LAFORGUE - LA COMPLAINTE DES MONTRES

Jules Laforgue, né à Montevideo le 16 août 1860 et mort dans le 7e arrondissement de Paris le 20 août 1887, est un poète français. Wikipédia


1

Je suis, avec mon tic-tac grêle,
Vade-mecum rond et têtu,
Indispensable sentinelle,
Le sacré cœur d’or revêtu.

Voici le soir,
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs.


2

Partout, je veille dans vos poches,
Je trône en vos appartements,
Et fais valser éperdument
Sur les cités folles les cloches !

Et puis le soir,
C’est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.


3

Chacun aux foules que je mène,
Sent battre mon cœur sur son sein (!)
Chaque maison m’a par dizaines,
Et je remplis des magasins.

Partout, le soir,
C’est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.


4

Maisons, horloges, clochers, foules,
Milliards d’échos à mon appel
Scandé d’un tic-tac éternel
L’orchestre fou des choses roule.

Et chaque soir,
C’est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !


5

Allez coucous, réveils, pendules,
Bataillons d’insectes d’acier,
Jouez sans fin des mandibules
Dans un concert très-familier.

Sûrs, chaque soir,
De la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !


6

Triturant bien l’heure en secondes
Par trois mil six-cents coups de dents,
De leurs parts au gâteau du temps
Ne faites qu’un hachis immonde

Et puis le soir,
Hop ! la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.


7

Ah ! plus d’heures ? N’avoir pas d’âge ?
Voir les saisons, les jours, les nuits
Flotter dans le halo sauvage
D’un vague éternel aujourd’hui !

Voici le soir !
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs !

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