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Cérémoniie du 10 mai au regard de la déclaration de François Hollande

Publié le 12 mai 2013 par Micheltabanou

Cérémonie du 10 mai commémorant l’abolition de l’esclavage. Je n’y étais pas. Mais y être et relater le fait par un commentaire lénifiant, bateau, n’étant pas le modèle maison je m’en tiendrai à un évènement essentiel, le jour même, avec le discours de François Hollande qui mérite que l’on s’y attarde. Oui la république est née avec le combat contre l’esclavage. La république a aboli en 1794 et 1848. Sont de par la Loi esclavagistes l’Ancien Régime et l’ Empire. Pas de repentance et encore moins de réparations au menu du discours présidentiel. Les réparations ? Se borner au refus de la réparation financière et se détourner de la réparation morale est une erreur. Il est pourtant des réparations financières à envisager car les repentances ont laissé libres les esclavagistes. Réparation financières d’industriels ayant constitué leur fortune sur l’esclavage, réparation financières de « grandes familles » qui toujours aujourd’hui pour certaines demeurent influentes ou appartiennent aux classes dirigeantes. Voyez des iles comme la Réunion où l’économie était tenue par des familles comme les Desbassayns, les Coat de Keveguen,les Poivre d’Arvor,… Je veux citer le cas des frères de Villèle qui se lieront avec les filles de la fameuse Mme Desbassayns, l'une des six grandes fortunes de l'île. L'une des descendantes épousera à son tour un jeune métropolitain salarié d'une usine sucrière: J.-S. d’Armand de Chateauvieux et près de deux siècles plus tard, un héritier, J. de Chateauvieux est à la tête de la plus grosse entité économique de l'île: le groupe Bourbon, qui a définitivement rompu avec le sucre - et dernièrement avec la grande distribution - pour se concentrer sur ses activités maritimes, bien loin des côtes réunionnaises. Des dynasties du sucre et de l’esclavage s’entrecroisent comme les Bellier de Villentroy qui cousinent avec les Adam de Villiers, les Boyer de la Giroday ou de Heaulme...L'empire Kerveguen avec D. le Coat de Kerveguen débarqué à Bourbon pendant la Révolution, qui se mariera deux fois, avec de très riches jeunes filles, et donnera à sa propriété une ampleur inégalée: en 1860, son fils Gabriel possède plus de 3 000 hectares, 1 500 esclaves, 16 usines et introduit même sa propre monnaie sur son domaine. Chateauvieux, Lagourgue, Kerveguen... ces dynasties, un jour, ont eu entre leurs mains les destinées de l'île. Elles ont possédé des milliers d'hectares de terre, employé des centaines d'esclaves, sont entrées en affaires ou en politique, en sont ressorties grandies ou anéanties. Quand est-il aujourd’hui par rapport aux descendants d’esclaves ? Il faut pouvoir comme aux Etats-Unis où des lois obligent des entreprises à révéler si elles avaient tiré un profit de l’esclavage. Ainsi certaines contribuent à financer des programmes sociaux… Il faut pouvoir aujourd’hui nommer les responsabilités, nommer les familles. Il faut entreprendre le travail de fond de la mémoire. Il faut que l’Etat s’emploie à développer un grand musée de l’esclavage et pas seulement en Guadeloupe mais ici en métropole. Il faut faire ce travail culturel et d’éducation. Il faut permettre aux hommes et femmes issus du monde ultra-marin de rentrer enfin dans l’histoire. Il faut en terme de réparation développer le budget de la culture et de l’éducation sur les questions liées à la mémoire, à l’histoire… Il faut retrouver les généalogies, les traces des noms, retrouver les territoires d’origine, retrouver les identités liées à ces territoires perdus, retrouver les hérédités. Il ne faut pas fuir ce travail, il ne faut pas entrer dans la confusion qui fait dire au chef de l'Etat que l'intervention au Mali est une autre manière pour la France d'être solidaire! Car le Mali est une terre d'esclavage certes mais au regard de ce crime il faut remettre les pendules de l'histoire à l'heure. Croyez- vous qu'un ultra-marin se sente lavé de ce mal lorsque nous intervenons au Mali? Et qu'en est-il des descendants d'esclavagistes maliens? Je rebondi sur la question du Mali pour dire bien haut qu'

il faut aussi assumer que l’esclavage a été un commerce avec deux parties contractantes : l’acheteur et le vendeur. Il faut pouvoir assumer que l’esclavage est une pratique bien plus ancienne en Afrique que l’arrivée des premiers européens et qu’elle s’est développée et continue à se développer malgré, concernant la France l’abolition de 1848. Aujourd'hui au 21ème siècle alors que les sociétés tendent à une plus grande démocratie et à plus de liberté, dans les cas Mali, du Niger, de la Mauritanie et certainement du Tchad et du Soudan, l’article 4 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 qui stipule que « Nul ne sera tenu en esclavage, ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes » n’est pas encore d’actualité. Les esclaves ne sont plus achetés ou revendus mais continuent de subir les pires formes d’exploitation et d’humiliation. Tous les attributs du droit de propriété s’exercent sur eux. Même si ces états ont tous aboli l'esclavage, jusqu'à très récemment en Mauritanie! Je vous invite à consulter les travaux de l’association TEMEDT qui lutte inlassablement pour éradiquer l’esclavage et les discriminations afin de donner un espoir réel aux victimes au Mali. C'est édifiant. Je prépare pour le blog un papier sur cette situation en vue d'apporter un soutien à ces infatigables abolitionnistes qui luttent contre le poids de traditions, des comportements difficiles à éradiquer. Je parlerai aussi du combat des Haratines de Mauritanie.

Durant le Moyen-âge et les débuts de l'Islam, la traite des Noirs en Afrique ne déboucha pas sur des déportations massives, violentes et traumatisantes des populations. Déjà soumis à des us et coutumes ségrégationnistes, les prisonniers ou les victimes de rapts acceptaient leur condition d'esclave avec résignation. D'autre part, il était vain de se révolter car les marchands d'esclaves étaient armés et ne faisaient pas de quartier. Au début de l'Islam, donc longtemps avant que les îles atlantiques (Madère, Canaries, São Tomé) et l'Amérique ne soient reliées au commerce négrier, des chefs noirs se mirent au service des marchands négriers arabes pour vaincre leurs ennemis et leur fournir des prisonniers. Ceux-ci étaient ensuite revendus comme esclave en Afrique du Nord ou sur les marchés du Moyen-Orient, d'Inde et l'Insulinde (Malaisie, Indonésie, Philippines). Ceci explique pourquoi aujourd'hui nous retrouvons des populations noires dans toutes ces régions. Les marchés d'esclaves se développèrent surtout au Maroc, en Lybie (Tripoli), en Egypte et dans le sud de l'Arabie (Yemen). La traite transsaharienne passait notamment par l'aristocratie Touareg et Mangas qui exportaient principalement les Noirs vers le nord de l'Afrique et l'Arabie. La valeur des esclaves variait selon qu'il s'agissait d'une fille pubère (80 à 100000 cowries, un enfant (60 à 80000 cowries), un jeune pubère (50 à 60000 cowriess) ou un adulte (30 à 40000 cowries).Cette traite débuta avant le commerce triangulaire au XVIeme siècle et finit au XIXeme siècle. Au total, on estime que près de 8 millions d'esclaves furent ainsi déplacés vers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient entre le VIIIeme et le XIXeme siècle.

Ces marchés d'esclaves possédaient leurs propres caractéristiques. Ainsi, en Afrique subsaharienne le prix des femmes esclaves dépassait celui des hommes car elles étaient plus nombreuses et pour ainsi dire polyvalentes (elles pouvaient s'acquitter des tâches ménagères, être épouse, prostituée, ouvrière, etc..). En revanche, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le prix des femmes était encore plus élevé que dans la région subsaharienne alors que les hommes esclaves travaillaient également dans l'agriculture et dans l'armée. 

Quant à l'Amérique, les fermiers avaient surtout besoin d'une main-d’œuvre robuste et donc d'esclaves masculins. Mais malgré la maltraitance ou le choix du sexe, rien n'explique qu'il y eut deux fois plus d'hommes que de femmes esclaves dans le Nouveau Monde. Une chose est sûre, les femmes esclaves étaient surtout demandées sur les marchés esclavagistes africains.

Avant 1650, on estime qu'il y eut jusqu'à 10000 esclaves par an exportés en direction des pays musulmans du  Moyen-Orient sinon au-delà. Il y en eut autant exportés vers le Nouveau Monde. Le langage courant à conserver une trace de cette époque; le mot arabe abid qui désigne un serviteur ou un esclave est devenu synonyme de Noir.

Plus de 160 ans après l'abolition officielle de l'esclavage, le 27 avril 1848, des cas d'esclavage sont pourtant régulièrement encore recensés en France. Pour le seul début d'année 2013, cinq procès ont déjà eu lieu en France pour des faits d'esclavage moderne. Le 15 mars dernier par exemple, un homme a été condamné par le tribunal d'Avignon à six mois de prison pour avoir acheté 4.500 euros une jeune ivoirienne, qu'il employait comme domestique. Cet esclavage revêt la plupart du temps un caractère domestique mais il y a celui par rapport aux enfants qui sont amenés à voler, ou à mendier ou encore tout ce qui est autour de l’esclavage sexuel !

Il grand temps de dépasser le stade de la journée commémorative et d’entreprendre le grand travail d’éducation, de culture et cela « carte sur table ». La dimension de recueillement, le 10 mai aura ainsi tout son sens. Voyez vous je n’étais pas présent et je me suis obligé à penser cette heure d’absence par une approche de fond de la question. Aujourd’hui j’attends de voir les réactions aux déclarations de F. Hollande. J’attends les analyses sur la question – j’ai dit analyses et non le chant des grenouilles de bénitier. Il faudra bien que sur cette question ceux qui ambitionnent de diriger la ville prennent part au débat et sortent des schèmes tracés par les états-majors !

PS : il m’est venu en travaillant ce texte l’idée qu’il nous faudrait également demander quelques réparations sur un esclavage qui fit des centaines de milliers de victimes en France lors d e l’occupation allemande : le S.T.O. ! Car jamais nous n’avons été indemnisés de cette traite organisée sur notre sol. Jamais.


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