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Une minerve, un gros pansement sur le nez et un plus petit sur l’arcade sourcilière. Thomas Drouet, 29 ans, est méconnaissable. Mardi, dans l’Equipe, ce beau brun, qui faisait parfois un peu de mannequinat pour boucler ses fins de mois, affichait son portrait dans la rubrique tennis… après se l’être fait refaire par un dangereux individu. Point de raquette ni de balle dans les mains. Point de polo ni de short, juste un t-shirt bleu à manches longues et deux mains posées sur une table. Il n’était ici plus question de jeu et de plaisir, mais de violence, insupportable.
Le Monégasque Thomas Drouet était depuis six mois le sparring-partner (partenaire) du joueur australien Bernard Tomic, 53e mondial, coaché par son propre père John. Rabaissé et humilié systématiquement par cet homme, il a fini par réagir, la semaine dernière, en s’opposant au père tout puissant. Mal lui en a pris car John Tomic n’a pas vraiment apprécié. Coup de boule dans la tête, salut, au-revoir. Drouet a été trouvé par terre, ensanglanté. Papa Tomic a été trop loin. L’affaire sera jugée ce mardi en Espagne, pays où s’est déroulée la scène, surréaliste.
De son côté, le fils Tomic, 20 ans, est désolé. Champion du monde à 12, 14 et 16 ans, ce grand espoir du tennis subit cette violence depuis son plus jeune âge. « C’est difficile pour lui parce qu’il n’a connu que ce mode de fonctionnement », témoigne Drouet. Saura-t-il sortir de l’emprise du paternel comme l’a fait si courageusement Aravane Rezaï début 2011 ? « Il a développé un syndrome de Stockholm », ajoute Drouet. Comment ne pas aimer celui qui vous a donné la vie ?
Tomic n’est malheureusement pas le premier, dans le tennis, à subir les foudres d’un père, obnubilé par la réussite de son fils. Ce sont d’ailleurs plutôt des filles qui supportent généralement cette exigence folle : Graf, Capriati Pierce, Dokic et plus récemment Rezaï. Toutes ont dû, plus ou moins, rompre les liens avec leur père pour poursuivre leur carrière avec davantage de sérénité.
Chez les hommes, les cas sont plus rares, même si on sait qu’Agassi a eu un paternel très dur, avant de retrouver un semblant de liberté à l’académie de Nick Bollettieri.
Pourquoi existe-t-il tant de pères tyranniques dans le monde du tennis ? Est-ce l’appât du gain qui les rend fous ? Est-ce le système qui permet de telles déviances ? Que peut-on faire pour protéger ces jeunes, malgré tout passionnés de tennis, qui ne demandent qu’à prendre du plaisir ?
Dès les tournois minimes ou cadets, on peut repérer les parents qui abusent. Peut-être faut-il les empêcher d’être au bord des courts, en les mettant face à leur comportement intolérable. Toutes les instances de tennis, nationales et internationales, ont un devoir de réflexion et d’action, maintenant.
Anne-Julie