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tu vois le tableau

Publié le 14 mai 2013 par Pjjp44

tu vois le tableau
Drôle d'impression
sur le dos
des façons
de se véhiculer
  
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Philippe à la projection:
 Pays de Loire en classe de mer
Pays de Loire Pays bidons ! from Yves PRIOU on Vimeo.
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"Voilà encore quelque chose que j'ignore, un partage que je ne sais pas faire: j'ai passé l'âge de rêver d'un père-héros (n'importe quel héros d'ailleurs, un grand poète, un grand résistant, ou l'un des personnages de ces films qu'il nous emmenait voir le dimanche après-midi à l'Odéon: James Bond, Indiana Jones, Luke Skywalker),. Cet âge-là, je crois d'ailleurs que je ne l'ai jamais eu. Et il m'a fallu de longues années avant d'essayer d'imaginer ce que pourrait être d'avoir un père "normal". En fait, je n'ai pratiqué l'exercice qu'une ou deux fois, au prix d'un grand effort, et pour un résultat désastreux: une espèce de vignette publicitaire, insistante, cependant, et d'une grande netteté, un homme mûr, grisonnant et hâlé, assis dans son jardin un soir d'été avec, à portée de main mais hors cadre, une femme, un chien et des outils de jardinage. Cet homme ne ressemble pas à mon père. Il est grand, mince, sportif, le regard ferme et clair. Je ne crois pas l'avoir jamais rencontré. Ce cliché, il me semble que je l'ai composé à partie d'images auditives, de ce mélange d'assurance et d'enfantillage qu'ont dans la voix les filles-qui-ont-un-père (ou, pire encore, qui écrivent sur leur père),. Mais le plus difficile, et le plus intéressant, c'était d'essayer d'en capter l'effet: autour de cette image, le monde était raffermi, recomposé, sillonné de routes droites et claires, et j'avais la sensation précise, quoique fugace, que sur ces routes je pouvais avancer, droite, moi aussi et ferme, et campée, sans inquiétude ni curiosité, ignorante des marges et des dérives, radieuse et bornée.
J'ai eu un père. Ce père n'était ni un héros, quoique sa vie entière il ait combattu l'ombre en lui, ni un homme ordinaire. Mais il m'a légué un monde héroïque, un monde infini et labile, opaque et foisonnant, plein de chausse-trapes et de coulisses, de bas-côtés  et de lignes de fuite, de monstres, aussi, et de spectres plus ou moins arrangeants, et avec ce monde le désir de l'arpenter et de le dire."
Extrait de: "Personne" de Gwenaëlle Aubry-Editions Mercure de France
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