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Retraites: de quoi faut-il avoir peur ?

Publié le 15 mai 2013 par Letombe
Retraites: de quoi faut-il avoir peur ?

La réforme des retraites est une formule politique à haut risque. Depuis quelques décennies, par petites touches, elle n'a consisté qu'à rogner sur les droits sans pour autant assurer une meilleure visibilité aux actifs.

Quand Hollande, il y a plusieurs mois, a prévenu qu'il se mettrait à son tour à l'ouvrage sur ce sujet périlleux, la machine à fantasmes a redémarré.

Mais que faut-il craindre ?

Un régime en déficit.
En janvier dernier, le 22, le Conseil d'Orientation des Retraites (COR) livre son dernier bilan. Il fallait le lire.

1. Notre système de retraite "légalement obligatoire" est incroyablement compliqué: c'est le "fruit de l'histoire sociale," qui l'a caractérisé "par une multiplicité de régimes de base et par le développement de régimes complémentaires, structurés en fonction de critères d'appartenance socioprofessionnelle et financés en répartition". D'un régime à l'autre, tout ou presque diffère. Sans même parler d'alignement ou de convergence - une sale formule qui veut occulter la pénibilité - la réforme de 2010 n'avait rien simplifié.

2. Le montant moyen de la pension "de droit propre" (i.e. hors réversion et hors majoration pour trois enfants et plus) s’élevait à 1 216 € par mois fin 2010. C'est largement moins que le salaire moyen du pays (2.410 euros).

3. Ce montant progresse d’année en année "plus vite que l'inflation" - ce qui est insuffisant mais factuel.

4. Il subsiste des disparités incroyables, notamment entre hommes et femmes: 1 552 € versus 899 € en moyenne mensuelle.

5. Le taux d'emploi des 55-64 ans a bien progressé depuis une douzaine d'années: +10 points environ depuis 2000, pour atteindre 64%. Il a même, "jusqu'à maintenant, plutôt bien résisté à la crise". Mais plus de 800.000 chômeurs sont seniors. Et les seniors restent plus longtemps au chômage.

6. L'âge effectif de de départ recule: 62 ans pour les salariés du régime général, 57 ans en 2010. En janvier dernier, le gouvernement a rétablit l'Allocation Equivalent Retraite, supprimée par Nicolas Sarkozy, pour les chômeurs de 59 et 60 ans (à compter du 1er mars).

7. La crise a aggravé une crise de financement qui était déjà structurelle: les besoins de financement du système de retraite s’élevaient à 14 milliards d’euros en 2011. Ils sont prévus à plus de 20 milliards à la fin du quinquennat. Pire, rappelle le COR, "dans les scénarios économiques les plus favorables, le retour à l’équilibre ne pourrait être atteint, à législation constante, que vers les années 2040". Dans les scénarios les plus favorables...

En d'autres termes, l'ancien monarque n'avait pas sauvé le système. Injuste, sa réforme de 2010 était aussi inefficace.

On appelle cela la double peine.

Les pistes sur la table.
Jean-Marc Ayrault a reçu les partenaires sociaux lundi 13 mai, quelques jours avant une nouvelle conférence de presse de François Hollande, prévue jeudi. Au menu, la "nouvelle nouvelle" réforme des régimes de retraites. En cause, leur déficit toujours chronique, financé en conséquence par un surcroît d'endettement.

Sans attendre le début du commencement des premières rencontres ou communications, voici que quelques journalistes croyaient savoir des meilleurs sources ce que le gouvernement mijotait. On salivait d'inquiétude. Voici donc Europe1 qui nous l'assure assurément dès ce lundi 13 mai au petit matin: "C'est une certitude : pour assurer le financement des retraites jusqu'en 2020, l'Elysée veut agir sur le niveau des pensions. Première piste : l'alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs. Leur CSG passerait ainsi de 6.6% à 7.5%. Seconde piste : la désindexation."

Fichtre ! Quelle assurance dans le propos ! Pas même l'emploi du conditionnel... Ils sont trois journalistes pour nous exposer ainsi les "pistes de l'Elysée": "c'est donc la durée de cotisations qui va être allongée. L'Elysée souhaite pousser le curseur assez loin, à 44 annuités contre 41 annuités et demie aujourd'hui." Et boum !

Avant même que la négociation ne débute, il y avait déjà le Front de Gauche, via Jean-Luc Mélenchon, quasiment certain de la menace d'une réforme injuste. Et, ce lundi encore, il y avait même quelques UMPistes, et pas des moindres, pour accuser le gouvernement de "manque de courage".

La vie est ainsi faite. Rien n'était encore discuté, ni même suffisamment fuité. Mais tout était dit, commenté et analysé. En 2010, François Fillon s'était planqué. Eric Woerth était à la manoeuvre. Il avait lui aussi démarré par des "consultations", mais plus étalées dans le temps. A l'Elysée, Raymond Soubie, le conseiller social de Sarkozy, adorait faire fuiter quelques propositions précises pour "tester" une opinion syndicale ou politique à cran dans des médias complaisants - le Figaro ou LCI.

Et maintenant ? Imagine-t-on l'équipe hollandaise faire ainsi fuiter ? A quoi bon ? Les pistes sont connues, tout comme les positions des uns et des autres. La réforme de Sarkozy est encore proche.

En matière de prestations publiques, il y a peu de place pour le miracle, mais les options sont plus variées qu'on ne le croit: accroître les recettes; et/ou réduire les charges. Sur le premier volet, on pensera à augmenter les cotisations, pas nécessairement de tout le monde; à élargir l'assiette de ces mêmes cotisations; ou à faire cotiser plus longtemps encore. Le second volet est plus explosif encore. Il s'agira de réduire le montant des pensions, pas nécessairement de tout le monde; ou de reculer encore davantage l'âge minimal et/ou l'âge à taux plein (indépendemment de la durée de cotisations).

Première reçue, lundi matin, par le premier ministre, Laurence Parisot annonce sa couleur: un allongement de la durée de cotisation à quarante-trois années d'ici à 2020 et un recul de l'âge légal à "au moins 65 ans à l'horizon 2040". Une double peine, comme l'explique notre confrère Slovar. Jean-Claude Mailly, pour Force Ouvrière, enchaîna sur un autre registre, plus frontal et opposé à presque tout: pas d'allongement de la durée de cotisations, ni recul de l'âge de départ; pas davantage de "désindexation" même partielle des pensions sur l'inflation; pas de retraites à points. Bref, il ne restait qu'une chose, l'augmentation des recettes. La CFDT est plus mitigée, presque favorable à un allongement de cotisations; et la CGT préfère des manifestations pour le 20 juin, tout en posant deux refus de principes, contre un "nouveau recul de l'âge de la retraite ou une baisse du montant des pensions".

Bref, si l'on résume, ce premier lundi d'une première session de rencontres "sociales" sur un sujet épineux, il y avait beaucoup de déclarations de principes, quelques détails, peu de chiffres.

Sauf les mauvais, les pires: nos retraites ne sont pas financées.

A suivre...

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