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L’État, c'est nous et malgré nous

Publié le 16 mai 2013 par Copeau @Contrepoints

Dire à l’État d'arrêter d'intervenir n'a aucun sens ; l’État, c'est nous. En revanche, cela a du sens de s'opposer à l'intervention du Gouvernement.

Par Roberto Fucile.
L’État, c'est nous et malgré nousIl est courant, dans le discours politique, de faire référence à l’État. Qu'on le blâme ou qu'on appelle à sa rescousse, on y fait référence. Ainsi, un libéral refusera que l’État intervienne dans les relations socio-marchandes, alors qu'un étatiste – de gauche ou de droite – demandera l'inverse. Mais est-ce que ces différents acteurs se sont posés la question sur ce qu'est l’État ? Qui est l’État ? L'étatiste dira que nous sommes l’État, alors que le libéral aura tendance à dire que non. Qui a raison, dans ce cas ? Nous allons le découvrir.

La plupart des historiens s'accordent à dire qu'il est difficile de définir une éventuelle date quant à l'apparition de l’État, bien qu'on puisse imaginer qu'il soit déjà là aux alentours des 3000 av. J.-C. On a par exemple les civilisations pharaoniques (Égypte) ou suméro-accadiennes (Mésopotamie) qui se développent durant les années -4000 et -3000 ainsi que les civilisations égéennes qui émergent plus ou moins simultanément – avec certainement quelques siècles de retard. Bref, il ne serait pas forcément faux de dire que, selon nos connaissances actuelles, l’État existe depuis plus de 5000 ans, si ce n'est 6000. Mais avons-nous des informations quant aux origines de ces États ? Pour tenter de répondre à cette question, on peut éventuellement lire les divers manuels traitant de l'histoire étatique d'un point de vue tant sociologique qu'anthropologique. Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié l’œuvre de Franz Oppenheimer intitulée L’État, ses origines, son évolution et son avenir. Dans cet ouvrage, il retrace toute l'histoire étatique afin d'y dévoiler ses fondements et ses mécanismes sociaux qui les composent. Très vite, dès les premières pages, on comprend une chose ; l’État naît de la violence, soit d'un conflit entre deux groupes où l'un agresse l'autre pour asseoir sa domination afin de garantir ses ressources.

Qu'est-ce donc que l’État au sens sociologique ? L’État est, entièrement quant à son origine, et presque entièrement quant à sa nature pendant les premiers stages de son existence, une organisation sociale imposée par un groupe vainqueur à un groupe vaincu, organisation dont l'unique but est de réglementer la domination du premier sur le second en défendant son autorité contre les révoltes intérieures et les attaques extérieures. Et cette domination n'a jamais eu d'autre but que l’exploitation économique du vaincu par le vainqueur. Aucun État primitif dans toute l'histoire universelle n'a eu une origine autre.– Franz Oppenheimer, 1913 : p. 6

De ce conflit, naît une organisation sociale délimitée sur un territoire défini, soit une forme d'association fondée sur l'adhésion forcée des vaincus et orchestrée par les vainqueurs. Voici ce qu'est donc l’État ; une association. Une fois l’État mis en place, des structures et des organes se développent simultanément. Au tout début, ils sont rudimentaires ; il existe une sorte d'organe unique (composé d'un individu ou d'un groupe d'individus) possédant tous les pouvoirs et faisant régner ses lois, ou ses règles, qu'il a édictés, via l'usage de la violence. Ensuite, l'histoire fait son cours et ces diverses associations s'agrandissent par absorptions d'autres associations via usage de la force ou de la menace de celle-ci. Les membres de ces associations, eux, commencent à accepter cette forme d'organisation sociale et ce parce que les divers organes exécutifs – soit les gouvernements – prétendent assurer leur protection en l'échange d'une cotisation forcée, soit l'impôt. Ou alors, on évoque des raisons religieuses en jouant sur les peurs, etc. Ceci, en fin de compte, nous démontre que rien n'a vraiment changé aujourd'hui et c'est ce qui va nous permettre de répondre à la question initiale ; l’État, c'est qui ?

Aujourd'hui, l’État – bien qu'il ait évolué dans sa forme et ses structures (cf. la "séparation" des pouvoirs) – demeure cette association existante sur un territoire bien défini. Cette dernière est composée d'individus, dont nous, qui adhèrent dès leur naissance et sans consentement aucun. En effet, l'administration gouvernementale enregistre chaque naissance et fait intégrer le nouveau-né au sein de l'association que l'on appelle "État". Cette association s'organise via l'existence de statuts – soit la Constitution – qui définissent les règles fondamentales ainsi que le fonctionnement de l'association. Ainsi, il est dit qu'il doit exister un organe législatif, exécutif et judiciaire. Le législatif est composé, selon l'association et ses statuts, soit de tous les membres privilégiés (les majeurs, les nationaux, les psychologiquement sains, parfois les blanc et/ou les hommes, etc.), soit de représentants élus par ces mêmes membres privilégiés – ou les deux. L'exécutif, qu'on peut assimiler à un comité d'association, est composé d'individus élus par certains de ces membres privilégiés de l'association ou par les représentants cités en amont. L'organe judiciaire, quant à lui, est souvent composé d'individus généralement nommés par l'exécutif.

Comme toute association, il faut des revenus pour financer ses activités. Ainsi, on a maintenu une vieille méthode ; l'extorsion des membres de l'association de la part du Gouvernement (on peut aussi emprunter à des membres de l'association, à des membres d'autres associations ou directement à d'autres associations – donc à leurs Gouvernements). On peut assimiler cela à une cotisation, mais une cotisation qu'on pait de force et uniquement à l'âge de la majorité – même si d'autres cotisations cachées (la TVA, par exemple) se paient dès le début et à chaque achat. On en fait une règle, donc, inscrite dans les statuts de l'association. Et comme toutes les règles, on part du principe qu'elles ont été votées et acceptées par la majorité – d'autres existent depuis des millénaires et s'imposent de fait (l'existence même de l'impôt). Cependant, si certaines sont effectivement votées par une partie privilégiée des membres vivants (cf. paragraphe précédent), une bonne partie des règles ont été votées par des gens qui sont actuellement morts, mais dont ces règles sont toujours en vigueur – même des centaines d'années après ! Et pour faire respecter ces règles, l'exécutif s'appuie sur une règle fondamentale ; le gouvernement est propriétaire exclusif de la force et peut user de celle-ci pour faire respecter les règles – même les plus horribles et les plus liberticides. On réalise ici, soit-dit en passant, toute la perversion, l'horreur et l'absurdité de l'organisation sociale étatique.

Mais alors, l’État, c'est qui ? Eh bien, on se rend compte que l’État c'est nous et malgré nous. Nous faisons partie de cette association et ce indépendamment de notre volonté future de quitter l'association (ou de la voir disparaître). Au mieux, nous pouvons quitter une association pour une autre, fondée sur les mêmes principes, mais peut-être un peu moins contraignante. Ainsi, lorsqu'on veut critiquer l'interventionnisme ou l'étatisme, il faut s'attaquer au Gouvernement et utiliser ce terme. Dire à l’État d'arrêter d'intervenir n'a aucun sens ; l’État, c'est nous. En revanche, tout a plus de sens lorsqu'on s'oppose à l'intervention du Gouvernement puisque ce dernier est composé d'individus conscients ayant le pouvoir d'exécuter des règles et de les faire respecter. Bien sûr, certains pourraient me dire que ces règles ont été votées par les citoyens et/ou les parlementaires et que les membres du Gouvernement (ou le Président de ce dernier) ont (a) eux (lui) aussi été élus (élu) par ces mêmes citoyens et/ou parlementaires. Mais qu'importe ; cela n'enlève rien au fait qu'on puisse revendiquer la disparition de ces règles violant nos libertés et qui sont finalement imposées par le Gouvernement – que ce dernier ait édicté les lois, ou non, n'a pas d'importance.

Bref, cela peut sembler finalement anodin, mais la sémantique est une arme fondamentale dans le débat et une clé nécessaire si l'on veut comprendre le monde. L'étatisme n'est donc pas l'idée que l’État doit intervenir, mais bien celle que le Gouvernement doit le faire et ce via les règles émanant soit du corps législatif (les citoyens et/ou leurs représentants) – ou même du corps exécutif. Quand on (donc les libéraux) combat l'étatisme et l'interventionnisme, on combat donc des mentalités, celle de l'esclave aveuglé et celle du maître (parfois aveuglé, aussi), ainsi que des faits, soit l'usage de la force – ou de la menace de celle-ci – pour imposer et faire respecter des règles. On combat le Gouvernement, ses agents, ses collaborateurs, ses sponsors volontaires, une partie de ses créanciers (l'autre étant également composée par nous), ses supporters, ses admirateurs, ses fanatiques, etc. Mais on combat également l'idée et l'existence même de cette association. Pour combattre cela, on peut utiliser les urnes, en décidant d'abroger tous les statuts, de supprimer tous les organes (dont le Gouvernement) et demander – finalement – la dissolution de l'association nommée "État" et de laquelle nous faisons obligatoirement tous partie. Ou alors, on peut désobéir, avec les conséquences connues ; l'ostracisme, la prison ou la mort. Dans les deux cas, il faut alors obtenir une large majorité et celle qui serait capable de se défendre contre une minorité lourdement armée. Et, aujourd'hui, hélas, les étatistes sont majoritaires et armés jusqu'aux dents. Il y a donc du chemin à faire avant la dissolution finale.

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