Magazine

Ma vie a basculé...13

Publié le 08 avril 2008 par Edlin

Ma_vie_a_bascule_5J’essaie encore de parler, mais aucun son n’arrive à sortir de ma bouche. Mes yeux sont obnubilés par les deux trous noirs formés par le bout du canon. Je ressens mon sang quitter mon visage, mes épaules, mes bras, mon buste, et descendre le long de mes jambes pour se glisser dans mes pieds et s’enfoncer dans le sol.

Je ferme les yeux et vois ma vie défiler devant mes yeux. J’avais déjà entendu parler de ce phénomène, et de le vivre est fabuleux. Comme les morceaux d’un puzzle complexe qui finalement prend forme, chaque pièce venant à la suite de l’autre dans un ordre dont on comprend la logique seulement à la dernière pièce.

J’entends un bruit sourd, et mat. Je bande mes muscles, prêt à recevoir la chevrotine.

Mais aucune douleur ne suit le bruit, et un autre se fait entendre, comme si le fusil tombait sur le carrelage. J’ouvre un œil, puis l’autre, et voit Robert étendu sur le sol. Il est allongé sur le ventre et le visage planté dans une marre de sang. Ses jambes sont parcourues de soubresauts.

Véro est au dessus de lui, une main sur la bouche et dans l’autre un marteau. Je comprends rapidement qu’elle a assommé Robert au moment où celui-ci me mettait en joue et s’apprêtait à appuyer sur la détente. La petite fille est assise par terre adossée à la cuisine. Elle a le même regard dans le vide que son père il y a quelques secondes. Robert a arrêté ses tremblements et je vois dans les bulles qui se forment près de son visage qu’il respire encore. J’attrape un torchon sur l’îlot de la cuisine, retire le marteau des mains de Véro et lui donne le torchon. Sans un mot, je lui montre qu’elle doit appuyer sur la plaie pour éviter au sang de s’en échapper. La marre de sang commence à s’étendre et je me rends compte que j’ai marché dedans et semé des traces de pas ensanglantés autour de la cuisine.

Véro est à genoux dans la marre, appliquée à sa pression sur la plaie. Elle est traversée par des haut-le-cœur, et semble à deux doigts de vomir. Je dois la remplacer et faire moi-même la pression pendant qu’elle appellera les secours. Je m’agenouille à ses côtés et pose ma main sur la sienne. Le sang remonte jusqu’à son coude. Le torchon est imbibé de sang, mais il faut continuer la pression, sinon dans 20 minutes ce pauvre diable de Robert sera vidé de son sang.

-    « Je m’occupe de lui, toi, tu appelles les pompiers. »

Véro acquiesce en silence et se lève. Je soulève le torchon et essaie de voir la gravité de la plaie. Les cheveux et le sang m’empêchent d’en savoir davantage. Je pose doucement mes doigts sur ce que j’imagine être le centre de la plaie, et tâte aux alentours pour estimer les dégâts. La nausée me reprend instantanément. Je sens sous mes doigts des petits morceaux d’os éclatés. Il a la moitié du crâne totalement éclatée.

Au moment où je relève la tête pour tenter de prendre un peu d’oxygène, je sens un éclair me déchirer la tête et traverser la rétine de mes yeux. J’ai juste le temps de sentir le goût du sang dans ma bouche. Je vois le sol, Robert, l’îlot de la cuisine et Véro avec, dans les mains, une batte de base-ball qui passe au dessus de ma tête dans un fondu au noir.

[ 1  2    3    4    5    6    7    8    9    10    11    12    13    14 ]


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Edlin 3 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte