Les gelées de Saint Pancrace sont aujourd’hui moins à craindre que les averses de saint Médard. Même si, parfois, le doute peut s'installer. Quoi qu'il en soit, la belle Séléné, bien qu’en phase croissante, s'inscrit dans une trajectoire descendante qui la conduit directement dans la constellation de la Vierge. Le jardinier est pratiquement autorisé à faire ce qui lui plait en son potager. Sauf à semer ses laitues et ses épinards, bien sûr, puisqu’on est en période lunaire favorisant les racines. En réalité, vous vous contenterez tout benoîtement comme tout un chacun de tondre la pelouse de votre courtil aussi régulièrement que possible. Lorsque le ciel, du moins, daignera contenir ces pluies incessantes qui aboutissent sans cesse sur nos têtes. Mais imaginons que les nuées ont été clémentes et que vous y êtes enfin parvenu. Vous remisez votre tondeuse autoportée au flamboyant rouge publicitaire, (344 cm3, 6,2kw et 90 cm de largeur de coupe), et vous revenez sur le chantier pour admirer votre gazon. Égal et peigné jusqu’au moindre recoin, il déroule à vos pieds un délicat vert tendre aux reflets printaniers. Du bel ouvrage. Las ! Absentez-vous une semaine et tout est à refaire. Comme si, dès que vous avez le dos tourné, l’herbe poussait plus drue et plus abondante que jamais. Rassurez-vous, ce n’est qu’une impression. C’est cependant une certitude en ce qui concerne les mauvais regains installés presque à demeure au milieu de vos oignons et de vos échalotes. Encore une ondée suivie d’une belle éclaircie digne d’un vrai mois de mai et ils étoufferont les pieds de tomate qui grimpent déjà gaillardement au long de leur tuteur. Prévoyez une matinée entière pour les éradiquer pour quelques jours de vos platebandes. Et rappelez-vous que vous n’avez pas achevé l’élagage vos haies. Le vent étant en cette saison d’un naturel aussi paresseux que vous, il renâcle la plupart du temps à ressuyer rapidement les feuilles qui tapissent à présent le plus menu buisson. Un infime frisson traverse-t-il les airs que vous voici arrosé comme l’arroseur de Louis Lumière. L’élagage n’avance donc qu’à petits pas prudents. Vous pouvez, bien entendu, faire appel à quelques unes de ces entreprises qui exposent fièrement leur raison sociale sur les portières de leur camionnette brinquebalante achetée à vil prix aux services des Domaines : "Entretien des pelouses et des haies", "Taille et tonte en toute saison" ou, pire, "Les pros du jardin". Contre une coquette rémunération, elles interviendront sans rechigner. Mais attention. Ces gens parlent fort et leurs machines plus encore. Les oiseaux s’éparpilleront en tous sens abandonnant un nid où piaillent quatre ou cinq petits éternellement affamés qui risquent alors de mourir de faim. Les écureuils s’enfuiront en trois bonds. Les faisans s’égareront dans les bois, les perdrix se blottiront entre les rangs d’avoine et les chevreuils s’enfonceront dans l’ombre des halliers. Toute vie aura disparu de votre courtil. De longues semaines vous seront nécessaires pour la ré-apprivoiser. Alors, suivez plutôt le conseil du célèbre proverbe bantou qui dit que si vous craignez de ne pas digérer la soutane, ne mangez pas le missionnaire. On voit par là combien la sagesse ancestrale de nos anciens est aussi indispensable au jardiner que la pluie, la lune et le beau temps.
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