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Lettre-type de réclamation à un éditeur pour un livre présentant des défauts d'impression rédhibitoires

Publié le 24 mai 2013 par Francisbf

J'ai fait la malheureuse expérience, il y a un couple de semaines de cela, de faire l'achat (dans une grande surface culturelle, évidemment. Préférez vos librairies de proximité, sauf celles tenues par des dames effrayantes entre deux âges) d'un livre auquel il manquait des pages, nommément l'Expédition du Kon-Tiki, de Thor Heyerdahl, publié chez Libretto. Si je me permets de citer des noms, c'est bien parce que cette triste affaire a connu un heureux dénouement, et que la suite contient de tels passages de lèche-bottage que je ne voudrais pas que vous vous méprisassiez sur l'objet de ces abjectes professions d'amour : c'est bien Libretto, et pas Harlequin. Mais j'anticipe.

Devant ce coup du sort*, je pris l'option la plus évidente, à savoir demander l'avis de mes amis facebook sur la marche à suivre. Il me fut répondu « mais bon sang, pourquoi que t'appelles pas l'éditeur, tête de nœud ? » Ce que je fis. Pas par le téléphone, bien sûr, étant toujours aussi téléphobique, mais par mail.

Mail que je vous cite texto ci-dessous, au cas où vous vous trouveriez dans la même situation que moi, et que ça puisse vous servir. N'hésitez pas, c'est gratuit, c'est modèle, et surtout, ça marche, j'ai reçu dans les jours qui suivirent une charmante lettre d'un éditeur de Libretto, suivie, quelques jours plus tard, d'un nouvel exemplaire de mon bouquin.



Voici donc (attention, mots-clés pour google) une « lettre-type de réclamation à un éditeur pour un livre présentant des défauts d'impression rédhibitoires »

Cher (chère ?) Libretto,

c'est le cœur plein d'amertume que je prends la plume pour t'écrire aujourd'hui. Je te suis depuis longtemps, te laisse me guider par monts et par flots, fidèlement, parce qu'il faut dire les choses comme elles sont, je t'aime. J'irais même jusqu'à dire que je te kiffe grave, Libretto, parce que tes livres sont beaux.

Tu peux donc imaginer la détresse qui m'envahit lorsque hier, dans mon lit, seul avec mon célibat, je saisis ma dernière acquisition, à savoir l'Expédition du « Kon-Tiki », de Thor Heyerdahl, et réalisai, arrivé à la page 192, alors que Thor et ses copains commençaient à s'ennuyer et à discuter de l'île de Pâques (aussi appelée Te-Pito-te-Henua, ou encore Rapa-Nui, ou encore encore Mata-Kito-Rani, mais je me doute bien que tu le sais déjà), qu'il me manquait la page 193.

Sapristi ! Me dis-je – je suis une des rares personnes à encore dire Sapristi, parce que je considère qu'il faut préserver ce patrimoine vocabulesque - Sapristi (j'aurais aussi pu me dire Palsambleu, mais je me suis dit Sapristi), voilà qui est bien fâcheux !

Attention, je ne voudrais pas que tu croies que je me contrarie pour si peu, hein ! J'ai juste froncé un peu les sourcils, comme ça. Mais je me suis rendu compte, très vite, que la page 193 n'était pas la seule à manquer à l'appel ! Il manque également la page 194, la 195, la 196, la 197, la 198, la 199, la 200 – alors que je n'aime rien tant que voir deux zéros en haut de ma page ! - la 201, la 202, la 203 (alors que je me suis laissé dire qu'elle était peut-être la meilleure du livre !), la 204, la 205, la 206, la 207, la 208, la 209, la 210, la 211, la 212, la 213, la 214, la 215, la 216, la 217, la 218, la 219, la 220, la 221, la 222, la 223 et la 224. Là, j'ai froncé un peu plus, et ça m'a fait éternuer.

Tu reconnaîtras que c'est un peu frustrant, alors qu'ils commençaient à s'embêter, et que sans doute il y allait avoir des scènes de promiscuité dans la cabine en bananier entre ces beaux messieurs blonds et barbus aux corps d'athlètes !

Du coup, au lieu de ça, j'ai dû refermer mon livre, et je me suis retrouvé des violons sanglotant monotonement dans mon cœur, ce qui ne l'a pas du tout bercé, parce que je n'arrêtais pas de me demander ce qui se passait entre ces fichues pages 193 et 224.

Mais ce matin, au petit-déjeûner, j'ai pris de grandes tartines d'espoir, et, sur les conseils avisés d'un tas d'amis facebook, je suis venu te voir. Te voir pour savoir. Te serait-il possible, ô beau Libretto, de faire quelque chose pour un fidèle entre les fidèles ? Je sais, je sais. Il n'est pas agréable de voir un inconnu s'amener devant vous et pointer qu'il manque des boutons à votre braguette. Je comprendrais que tu m'envoies paître.

Mais si l'on pointe ta braguette, c'est aussi pour que tu ne sortes pas la quéquette à l'air sans t'en rendre compte, Librettino mio !

Enfin. Si tu ne peux m'aider, je saurai prendre les mesures qui s'imposent. Je retournerai à ma librairie, dont j'ai malheureusement perdu le ticket de caisse, et je tenterai de lire furtivement les pages 193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223 et 224, à croupetons entre deux rayons, dans l'espoir d'éviter les patrouilles de la libraire. Sachant qu'elle porte un chignon serré et des lunettes à monture métallique, je ne sais quel sera mon sort si elle me surprend, et je préfère ne pas le savoir.

Je t'en supplie, Libretto. Ne me pousse pas à cette extrémité.

Grosses bises,

Francis B.

* en français dans le texte


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