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La France en Syrie: mais que veut-on ?

Publié le 28 mai 2013 par Juan
La France en Syrie: mais que veut-on ?
François Hollande est revenu d'Ethiopie. Il y célébrait les 50 ans de l'Union africaine. Pupitre trop haut, salle à demi-vide, discours tardif et un temps égaré, et l'inévitable pluie qui brouille les lunettes et mouille le costume... les ingrédients étaient là pour alimenter les ricanements du Petit Journal de CANAL+. L'affaire était effectivement drôle, mais sacrément futile. Le décryptage du monde qui nous entoure mérite mieux.
A Addis-Abeba, Hollande n'a pas commis l'impair d'un discours moralisateur comme son prédécesseur à Dakar, en juillet 2007.  La France se désengage du Mali. Il souhaite que l'Afrique se dote d'une force d'intervention. Justement, les chefs d'Etats locaux ont décidé de s'y atteler. Ce sont les Africains qui demain devront assurer la sécurité de leur continent. La France sera toujours à leurs côtés, (...). Les Africains ont confiance en la France et la France fait confiance aux Africains, parce que c'est un continent d'avenir". A Addis-Abeba, Hollande a pu converser sur la Syrie.
La preuve apportée, samedi dernier par le Monde, que les autorités syriennes ont bien recours aux armes chimiques contre les rebelles a fait grand bruit.
"Pas d'odeur, pas de fumée, pas même un sifflement indiquant l'éjection d'un gaz toxique. Puis sont apparus les symptômes. Les hommes toussent violemment. Les yeux brûlent, les pupilles se rétractent à l'extrême, la vision s'obscurcit. Bientôt, surviennent les difficultés respiratoires, parfois aiguës, les vomissements, les évanouissements. Il faut évacuer les combattants les plus touchés, avant qu'ils n'étouffent."
Source: Le Monde
A Paris, Laurent Fabius rencontre le secrétaire d'Etat américain John Kerry. Lundi soir, après des heures de tractations et de diplomatie officielle ou officieuse, les 27 gouvernements européens ont décidé de lever l'embargo sur les armes pour les rebelles syriens. Et de prolonger l'ensemble des sanctions contre le régime de Bachar al-Assad.
En France, les critiques sont éparses, floues ou contradictoires, comme souvent. 
1. Cette levée d'embargo reste timide. Un ministre luxembourgeois a relativisé la portée de la décision: les 27 "se sont engagés à s'abstenir d'exporter des armes à ce stade et, en tout état de cause, à appliquer un certain nombre de critères stricts à d'éventuelles exportations futures". Aucune arme ne devrait être livrée aux rebelles d'ici le 1er août, date d'une prochaine réunion. En d'autres termes, ce conclave européen a simplement élargi les marges de manoeuvre des Etats, au cas où la situation se détériorerait. La France et le Royaume Uni sont plus actives que d'autres de leurs voisins européens en la matière.
2. Cette levée d'embargo est jugée trop dangereuse. Par exemple, c'est la position du Parti de Gauche ou du PCF. On craint "l'escalade": "Encourager cette militarisation est un choix consternant et dangereux qui peut engendrer l'escalade dans une région sous haute tension car, au demeurant, il est impossible de savoir dans quelles mains ces armes finiront pas tomber."
3. Certains fustigent ce soutien européen en arguant que les rebelles sont pires que le régime d'el Assad. Nombre de rebelles sont aussi des islamistes qu'ailleurs les mêmes gouvernements qualifient de terroristes. Les rebelles ne sont pas blancs comme neige. C'est l'habituelle antienne qui servait à justifier le maintien des autocrates tunisien, égyptien et même libyen, avant les printemps arabes. Un argument de courte-vue qui finit par lasser. Il est bien difficile d'établir une "gradation" de l'horreur. Faut-il compter le nombre de morts civils ou d'exactions ? Tuer des enfants par gaz est-il plus grave que par balles ?
La réalité est grise. Les combats du "Bien contre le Mal" sont rarissimes dans ce bas monde. On peut toujours couiner que celui que l'on soutient n'est pas assez innocent. C'est facile. Le courage est autre chose. Il consiste à prendre parti, sans risquer de critiquer ceux que l'on soutient quand ils font fausse route.
4. Une autre critique porte sur l'instrumentalisation du conflit. Quand Israël s'est permis quelques raids aériens du côté syrien de sa frontière, le Parti de Gauche a ainsi accusé la France de participer à une internationalisation du conflit pour ses propres intérêts: "Toutes ces puissances étrangères, que ce soit les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie et Israël d’un côté, ou la Russie et l’Iran de l’autre, semblent déterminées à perpétuer ce conflit sanglant et à sacrifier le peuple syrien sur l’autel de leurs intérêts géopolitiques." La diplomatie est un mélange de principes et de géopolitiques. La question est moins de savoir si la France défend ses intérêts (on l'espère), que de mesurer l'équilibre de sa position étrangère. Prenez nos rapports avec la Chine. Rares sont ceux qui réclament une rupture diplomatique avec la plus grande dictature du globe. Mais on n'est pas obligé de sur-investir dans les honneurs et les tapis rouges comme l'ancien monarque aimait à le faire.
5. Une variante de cette dernière critique porte sur la prétendue soumission française aux Etats-Unis: la France se serait "couchée" devant les Américains. Elle serait "humiliée". Pourtant, la France de Hollande a plutôt tenu l'initiative depuis bientôt un an. N'en déplaise à ces détracteurs, elle fut la première à contester officiellement la légitimité du régime de Bachar el Assad; la plus insistante à réclamer des sanctions, puis une levée de l'embargo; l'une des première à envoyer de l'aide humanitaire aux frontières du pays pour les milliers de réfugiés. Comme souvent en matière diplomatique, la seule attitude intégralement indépendante du reste du monde consiste à s'en couper. Est-ce l'isolationnisme que l'on veut ?
6. Dernière critique, l'attitude française à l'égard des réfugiés syriens... en France. Le gouvernement a discrètement durci les conditions d'octroi de visa. Le Gisti et quelques associations de soutiens aux sans-papiers s'en sont émus, à juste titre. Depuis janvier 2013, selon plusieurs consulats français (Liban, Turquie, Koweït) "les ressortissants syriens se dirigeant vers un pays hors de l’espace Schengen en transitant par les aéroports français devront être munis d’un visa de transit aéroportuaire". Le Gisti s'indigne: "Devant la difficulté pour obtenir un tel visa, cette obligation entrave sciemment la possibilité pour les Syriens d’échapper au conflit qui fait rage dans leur pays. Surtout, elle permet à la France de renvoyer vers leur pays de départ les personnes dépourvues de ce visa et, par la même occasion, elle restreint la possibilité pour certains Syriens de déposer une demande d’asile auprès de la France, à l’occasion de leur transit par un aéroport français."

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