Premier billet de notre série Horizon 360 : "Startups du web : combattre les copycats en partant à l'international au plus tôt"
Nous reproduisons ici un article du journal The Globe and Mail. Cet article a été traduit par Perrine qui est en stage chez nous pendant quelques mois. Nous avons fait suivre cette traduction de quelques commentaires sur le sujet traité.
Le quotidien canadien Globe and Mail met ici le doigt sur un phénomène intéressant d’expansion mondiale des start-ups américaines. Et qui dit expansion, dit le plus souvent traduction (*).
En voici la traduction que nous vous proposons :
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Les start-ups américaines se lancent à l'international pour faire obstacle aux clones venus de l'étranger.
Brian Chesky, directeur exécutif d'Airbnb, a déclaré récemment que le cap récent des 10 millions de nuits réservées sur sa plateforme représentait un « écart grandissant » entre son site et ses rivaux-clones.
Les start-ups américaines sur internet comme Airbnb, Uber et Fab.com accélèrent leurs efforts pour étendre leur activité au niveau mondial, en utilisant des plateformes de distribution internationales comme Facebook et l'App Store d'Apple, L’un des objectifs étant de faire obstacle aux copycats (plagiaires) en Europe et dans le reste du monde.
À l'origine, la taille et l'envergure du marché américain permettaient à de grandes sociétés de technologie de s’établir sans envisager un développement sur les autres marchés. À présent, les dirigeants à la tête des entreprises se lancent à l’international très rapidement après leur création : ils ont appris leur leçon de Groupon, qui a déboursé 100 millions de dollars en 2010 pour acheter MyCityDeal, un « clone » vieux d'un an, créé par les frères Samwer d'Allemagne, qui dirigent à présent leur commerce à l'international.
L'année dernière, Airbnb, le site de location de logements de particulier à particulier, a pu être témoin du lancement en Europe de Wimdu, leur concurrent conçu par les Samwer. Mais le site américain n'a pas perdu de temps pour renforcer son implantation en Europe, en partie grâce à des acquisitions au Royaume-Uni et en Allemagne. Brian Chesky, le directeur général d'Airbnb, a déclaré récemment avoir dépassé le cap des 10 millions de nuits réservées, ce qui représentait un « écart significatif» entre son site et ses rivaux-clones : « Il y a un an, de nombreux nouveaux entrants se sont signalés dans notre secteur. Depuis, nous avons creusé l’écart. Au final, nous ne regardons pas dans le rétroviseur, mais vers l'avenir. »
Sur un modèle similaire, Fab.com, un site de décoration et d'ameublement design lancé aux États-Unis il y a tout juste un an, a déjà réalisé des premières ventes dans 20 pays différents et fait l’acquisition de LLUSTRE, un e-commerçant spécialisé dans le design. Fab.com, qui a acquis l'allemand Casacanda en février, a déboursé près de 8 millions de dollars pour LLUSTRE, selon certaines personnes proches du dossier, même si Fab.com n’est opérationnel que depuis quelques mois.
Jason Goldberg, le directeur exécutif de Fab.com, a déclaré qu'il voulait établir le site comme une franchise internationale, aussi durable qu'Ikea ou Apple. « Les grandes marques sont des marques mondiales, qui ont une identité et une offre uniques dans le monde entier. Pour réussir, nous devions penser international dès le tout début. Nous sommes sans aucun doute arrivés sur le marché européen plus rapidement que la plupart des commerces en ligne. C’est en partie dû à l’ambiance actuelle qui semble être aux « copycats » . »
Zach Sims, le directeur général de Codeacademy, un site d’apprentissage des langages de programmation, lancé il y a 10 mois, vient d'obtenir 10 millions de dollars via un programme de financement mené par Index Ventures. D'après lui, le clonage est « un phénomène préoccupant ». Il a décidé en conséquence d’initier une stratégie d'expansion mondiale en pensant que « plus tôt serait le mieux ». La moitié des utilisateurs du service ne résident pas aux États-Unis. « Nous soutenons ce que nos utilisateurs font déjà. »
Fab.com et Codeacademy, ainsi que les autres start-ups américaines Uber, une application qui facilite la réservation de taxis, et Box.com, un site de stockage de données ont choisi l'évènement Le Web, qui a eu lieu cette semaine, pour annoncer leur plan d'expansion internationale. Le Web, créé par Loic LeMeur, un entrepreneur français basé à San Francisco, se tient à Londres pour la première fois, après plusieurs années durant lesquelles le salon a attiré les grands de la Silicon Valley à Paris.
Uber vient d'être lancé à Londres et a recruté un directeur européen, Kees Koolen, comme chef des opérations « pour nous aider à nous internationaliser, a déclaré Travis Kalanik, le fondateur du service de réservation de taxis. Le monde ne se résume pas à la Silicon Valley. »
Le trafic n'est pas à sens unique. Jay Bregman, directeur général de Hailo, une application britannique de réservation de taxi concurrente d’Uber, explique que les sociétés européennes sont tout aussi désireuses de s’internationaliser :
« Notre but est de proposer notre service au plus grand nombre, dans le plus de villes possibles dans le monde entier, et aussi vite que possible. »
Brent Hoberman, investisseur internet de PROFounders Capital et vétéran britannique des sociétés du web, pense qu'éviter les plagiaires est important pour le développement de l'écosystème technologique européen :
« Si vous voulez plus d'entreprises comme Autonomy et de contrats à 10 millions de dollars, vous n'allez pas l'obtenir en copiant le commerce d’autrui et en le lui revendant. »
Tim Bradshaw et April Dembosky
Pour The Globe and Mail
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Quelques commentaires :
Ce point de vue est intéressant et parle d'une douleur vécue par certains acteurs d’Internet depuis quelques années. La copie et reproduction quasi à l'identique d'un site ou d'un début de succès dans un autre pays, avec des ressources importantes (humaines et financières), est un vrai danger. Cette technique est loin d'être récente. Des sites tels que le célèbre (en France) Priceminister n'ont été à leur début qu'une reproduction d'un concept venu des Etats-Unis. Petite nuance tout de même, on parle ici de concept et de non de copycat ou mee-too quasi identique. Les derniers exemples, surtout à l'initiative des fameux frères allemands, sont des reproductions non pas du concept uniquement, mais du design, du discours et du positionnement de l'offre.
Mais attention, entre "penser international" et "aller à l'international", il y a un gouffre… en l'occurrence, tout ce qui relève de l'opérationnel.
L'exemple d'une nouvelle startup et d'une équipe que je suis de près dans un autre univers que Trad Online. Avec un service de particulier à particulier, qui cible les étudiants.
"Mon marché est européen, donc je souhaite ne proposer qu'un site en version anglaise et non une déclinaison dans différentes langues".
Nous en avons discuté (la discussion n'est pas close) et voilà quelques points de vue que j'ai partagé avec cet entrepreneur.
1 – L'équipe est aujourd'hui basée en France, les premiers utilisateurs payants seront français et les relais institutionnels français également. Pour moi, il est impossible que le site n'existe pas en français. Il est très compliqué aujourd'hui en étant une société ou startup française établie en France de s'adresser à ses utilisateurs uniquement en anglais. Dans un premier temps, il faut lever les freins à l'adoption d'un nouveau service. Et la barrière de la langue, même auprès d'une population d'utilisateurs "jeunes" est réelle.
Ou alors, il faut non pas défendre ce point de vue et expliquer clairement ce parti pris et l'intérêt pour les utilisateurs (et non l'entrepreneur et ses finances nécessairement limitées) mais mettre en avant cette spécificité comme une des composantes incontournables de l'offre, une des valeurs au cœur même de la startup… ne pas s'excuser ou se justifier mais "créer une évidence".
Attention toutefois aux partenaires et financeurs institutionnels qui certainement, là encore, ne seront pas les plus ravis par l'absence de français sur le site en question.
2 – Une startup doit dans un premier temps définir un segment bien défini de son marché sur lequel faire ses preuves pour ensuite, une fois ce premier retour d'expérience terrain (le terrain, il n'y a que ça de vrai) acquis, une fois l'offre, le modèle économique (et donc la rentabilité), le processus de commercialisation affinés et enfin, une fois la "scalabilité" (ou évolutivité) démontrée, passer à la vitesse supérieure en investissant (après une levée de fonds ou pas) plus massivement pour passer à une notion de volume. Donc par exemple, lancer la localisation de son site, la recherche de partenaires locaux, etc.
3 – Spotify s'adresse au monde entier et a longtemps opté pour une version unique de sa plateforme de musique en streaming, en langue anglaise (cette stratégie a été remise en cause récemment, Spotify ayant recruté récemment un responsable localisation). Deezer, dont le service et l'auditoire sont de même nature, est né en France et pendant longtemps, ne proposait son site qu'en français, puis en anglais. Deezer a ensuite très rapidement choisi l'option d'un site localisé par pays et langue. On voit clairement que les investissements n'étaient pas les mêmes, toute comme la façon de s'adresser aux utilisateurs. Global d'un côté, local de l'autre.
Il n'y a donc pas de règle unique(*)… mais dans tous les cas, comme on le voit ici ou dans l'article que nous vous proposons en traduction française, pour une offre Internet, la question des langues et de la présence internationale est réellement stratégique et doit être pilotée comme telle.
(*) : une illustration : d’après un article de FrenchWeb, la traduction est une étape dont Fab.com semble vouloir se passer, puisque son site « sera maintenu en anglais »