La Cour de Cassation est particulièrement attentive à la protection de la liberté d’expression du salarié sur son lieu de travail. Ainsi, dans son arrêt du 27 mars 2013, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel ayant fondé un licenciement pour faute grave en raison de propos alarmistes sur la situation d’une entreprise.
En l’espèce, un salarié avait été licencié pour faute lourde pour avoir envoyé aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère de son entreprise une lettre dénonçant des pratiques qui, selon lui, relevaient de la mauvaise gestion.
La Cour d’appel a considéré que ces propos justifiaient un licenciement pour faute grave car le salarié avait, entre autre, fait « une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l’entreprise, répandu des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation des salariés(…) ».
Voici certains des propos tenus par le salarié et retenus par la Cour d’appel pour justifier sa décision :
- « Décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise » ;
- « Désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » ;
- « Leur usage a pour seule finalité de caractériser l’incurie et l’impéritie du président de la société ».
L’arrêt d’appel est toutefois cassé par la Cour de cassation pour avoir retenu que les propos fondaient un licenciement pour faute grave alors que la lettre litigieuse ne comportait, selon la Haute Cour, aucun « terme injurieux, diffamatoire ou excessif ».
La Chambre sociale rappelle à cette occasion que, « sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression ». La liberté d’expression trouvera ainsi ses limites dans les seuls cas abus suivant la règle générale de l’article L.1121-1 du Code du travail.
Cet article précise en effet que “nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché“.
De manière constante (Cf. pour un exemple : Voir en ce sens : Cass. soc., 15 dec. 2009, n° 07-44.264, FS-P+B+R), la jurisprudence considère que des propos justifiant un licenciement pour faute grave doivent correspondre à :
- des termes injurieux (insultes) ;
- des termes diffamatoires (propos portant atteinte à l’honneur d’une personne) ;
- des termes excessifs.
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Cette décision démontre l’importance accordée à la protection de la liberté d’expression des salariés.
Pour concilier la liberté d’expression avec la nécessaire protection des intérêts de l’entreprise et de ses dirigeants, la Cour de cassation rappelle en effet le principe suivant lequel pourront être sanctionnés valablement les abus d’expression dès lors que ces abus relèvent de l’injure de la diffamation ou de l’excès.
Sur ce point l’attention des entreprises doit particulièrement se porter sur les nouvelles technologies, sources de problématiques nouvelles pour les employeurs qui voient se multiplier les tribunes permettant aux salariés de s’exprimer (réseaux sociaux, courriels, usage d’Internet).
Dans le cadre d’une bonne gouvernance et pour une sensibilisation efficace des salariés, l’encadrement de ces outils et espaces de discussion pourra utilement passer par la mise en place d’une Charte « Utilisateurs des SI » ou encore de Conditions Générales d’Utilisation.
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