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Ils font tous les deux la gueule. Nulle tension, mais l'image est saisissante, ce jeudi, avant-dernier jour de mai. Il pleut à Paris, comme depuis des mois, sans doute un an. Angela Merkel et François Hollande ne sourient pas quand ils tiennent leur conférence de presse.
Le président français revenait de Rodez, deux jours de déplacement. "Vous allez voir, ça va se lever" explique-t-il. Pour l'heure, seul le chômage se "lève". En avril dernier, le nombre d'inscrits à pôle emploi a cru de 40.000 demandeurs supplémentaires sans activité (catégorie A). La progression est plus forte chez les jeunes (+1,6% contre 1,2% en moyenne nationale). Ils sont 792.600 jeunes de moins de 25 ans à pointer à Pôle emploi en avril.
Le lendemain, François Hollande reçoit Angela Merkel. C'est leur premier "aparté". Le couple visite une exposition au Louvre, des peintures allemandes datant de 1800 à 1939. Les deux se voient remettre un rapport "sur la compétitivité et la croissance" en Europe, rédigé par Jean-Louis Beffa, président d'honneur de Saint-Gobain, et Gerhard Cromme, président du conseil de surveillance de Siemens. Ils discutent du chômage des jeunes. L'une des idées du rapport contredit la doxa libre-échangiste qui préside à Bruxelles - il s'agit, pour ses auteurs, de laisser les entreprises européennes
La ministre allemande du Travail Ursula von der Leyen du gouvernement Merkel avait terminé une tournée sur le sujet en France, en Italie et en Espagne. Le plan franco-allemand tourne autour de trois idées, "permettre aux entreprises un accès à des crédits à taux bas", "renforcer l'apprentissage en entreprises en Europe" via un système d'échange pour les apprentis similaire au programme «Erasmus», et "aider les jeunes à créer leur propre entreprise". La ministre allemande, enthousiaste, évoque un New Deal.
Mercredi, François Hollande a remis la Commission européenne à sa place. Il ne s'agissait que de mots mais les mots importent souvent. Les mots ont d'ailleurs heurté la CDU. Son patron, en campagne législative, a sérieusement grincé des dents: "la réaction de Hollande montre le désespoir considérable de son gouvernement qui, un an après son arrivée au pouvoir, n'a pas encore trouvé de réponses efficaces aux problèmes économiques et financiers de son pays".
"Nous acceptons les engagements en matière de réduction des déficits" rappelle le président français. Et d'ajouter que la Commission accorde des délais parce que certains pays, dont la France, ont accompli un "chemin incontestable", et, deuxièmement, parce que la conjoncture est mauvaise dans la zone euro. Sur la fausse polémique de veille, Hollande renchérit: "le détail, les procédures, les manières de faire relèvent de la responsabilité du gouvernement et de l'Etat, sinon il n'y aurait pas de souveraineté possible."
Sur la gouvernance économique, Hollande insiste sur trois éléments: (1) le "sérieux budgétaire"; (2) les actions communes ou convergentes en matière de croissance, d'emploi et de compétitivité; (3) la solidarité.
Sur le chômage en France, ces chiffres confirment "une tendance à l'oeuvre depuis 5 ans, aggravée depuis deux ans". Hollande récuse encore toute relance franco-française: "l'objectif de croissance, nous pensons que c'est dans l'Europe et par l'Europe que nous pouvons l'attendre." Il évoque deux faiblesses spécifiques, le "manque de solidarité à l'égard des jeunes et des seniors" et un "défaut de compétitivité". Pour "accélérer" le combat contre le chômage, il annonce un élargissement prochain des emplois d'avenir (20.000 déjà signés, 100.000 espérés d'ici la fin de l'année): "il y a des mesures d'urgences à décider pour l'emploi des jeunes et l'accès des entreprises au crédit."
Il reste optimiste: "Je maintiens l'objectif de l'inversion de la courbe du chômage avant la fin de l'année". On reboucle sur le plan franco-allemand contre le chômage des jeunes, enfin. L'Italie souhaite aussi des mesures. Tiens... revoilà enfin un semblant de convergence du Nord au Sud !
A un journaliste, Hollande rappelle: "Cessez de penser que nous voudrions échapper à la discipline budgétaire comme c'était le cas avant, pendant 5 ans."
Merkel est repartie à Berlin.
Là-bas, il pleut aussi.