Petit dictionnaire des idées reçues: “Argumentaire des dogmes patronaux a combattre”
Notre sondage CSA sur les retraites est sans ambigüités : les Français sont inquiets, prêts à se mobiliser contre des mesures qui menaceraient leurs droits et ils souhaitent qu’on s’en prenne aux revenus financiers plutôt qu’aux salariés et aux retraités pour équilibrer les comptes du système.Les experts patronaux abonnés aux écrans de télévision en déduiront avec cette réprobation attristée qu’ils savent si bien répéter que nos concitoyens sont égoïstes et se moquent bien des générations à venir. C’est tout le contraire. Les Français sont lucides et ne mordent pas à l’hameçon des idées reçues dont voici un petit échantillon. 1) « La part des retraites dans les richesses créées va exploser d’ici à 2060. » Faux. Pour la France, la Commission européenne anticipe une augmentation de 0,5 % du PIB en cinquante ans, alors qu’elle sera de 2,6 % en Allemagne, de 3,6 % en Espagne, de 1,5 % au Royaume-Uni et de 3,6 % au Pays-Bas.
2) « Les retraités vivent mieux que les actifs. » Faux. La pension moyenne représente 74 % du salaire moyen net et 62 % du salaire moyen net à temps complet. Leur niveau de vie moyen s’est, en comparaison, dégradé entre 1996 et 2008.
3) « Les réformes Fillon et Sarkozy ont été trop généreuses pour les salariés. »Faux. Entre 2001 et 2010, c’est en France que l’âge de la retraite a le plus reculé (de 2,1 %) contre 1,6 % dans l’ensemble de l’Union européenne et les futurs retraités toucheraient, en 2060, 20 % de moins en moyenne que les retraités actuels, rapportés à la richesse produite dans le pays, vient de montrer Alternatives économiques. La durée de cotisation nécessaire pour toucher une pension complète (41,5 ans en 2020) est l’une des plus longues d’Europe. Seules l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche et l’Italie font pire parmi les 27 pays membres de l’Union européenne.
4) « Il faut suivre l’exemple allemand. » Surtout pas ! On compte 20,6 % de retraités outre-Rhin et le taux de retraités en situation de pauvreté monétaire est de 40 % supérieur à la France. Un salarié, ayant cotisé quarante ans pour un salaire brut de 2 200 euros y touchera 688 euros par mois en 2030 ! L’Allemagne compte 761 000 retraités en mini-jobs, des emplois payés moins de 450 euros par mois. Et 120 000 d’entre eux auraient plus de 75 ans. On n’est pas loin de la prescription donnée par Richard Liscia dans le Quotidien du médecin du 30 mars 2005 : « Si nous étions extrêmement cyniques, nous dirions que le moment arrive où, du point de vue de la dépense publique, il vaudrait mieux que meurent les gens qui veulent rester oisifs… » Déjà, en France, les plus de 75 ans sont plus frappés par la pauvreté qui, ajoutée à la solitude, les pousse au suicide plus que les autres catégories.
5) « Une nouvelle réforme des retraites améliorera la situation économique. » Archifaux. Augmenter les cotisations sociales des salariés ou baisser les pensions des retraités réduirait le revenu des ménages et diminuerait le produit intérieur brut et la croissance. Une impasse couteuse. C’est une politique de Gribouille se jetant dans la Seine pour éviter d’être mouillé par l’averse. La recette efficace consiste à bannir l’austérité, à relancer l’emploi et à taxer les revenus financiers. L’Humanité s’attachera à le démontrer dans les semaines qui viennent.