Magazine Humeur

Non aux caisses automatiques!

Publié le 05 juin 2013 par Demosthene @BrebisG

Récit

Cet après-midi, je vais au cinéma. Après m’être garé dans le parking, je prends l’ascenseur, me dirige vers les bornes où je sélectionne le film, je passe ma carte d’abonné dans le lecteur, je rejoins la salle et m’installe confortablement.

A la fin du film, je récupère ma voiture. Arrivé à la barrière de péage du parking, j’introduis le ticket puis ma CB, la barrière me laisse passer.

Pour rentrer à la maison, je prends l’autoroute. Je choisis la voie « télépéage », il me suffit de ralentir, je ne m’arrête même pas.

15mn après je suis à destination. Je fais seulement un crochet par l’Intermarché du coin. Je prends de quoi manger ce soir et demain. Arrivé devant les caisses, je souffle en voyant les différentes files d’attente. Je me dirige alors vers les lignes de caisse automatiques : je scanne moi-même les produits avant de les poser dans le panier sensible au poids. Une fois l’habitude prise, on n’a même pas besoin de faire appel à l’hôtesse qui supervise les 4 caisses.

Je rentre à la maison et ferme enfin la porte. Le seul contact a été la jeune fille au cinéma qui a déchiré mon ticket et m’a indiqué la salle de projection. Demain, ce sera plus difficile : j’ai rendez-vous au pôle emploi avec ma conseillère…

Les caisses automatiques nous envahissent

Ce petit récit pour illustrer ce qu’il est déjà possible de faire de nos jours : sortir de chez soi, faire des activités à côté d’autres personnes sans jamais (ou presque) leur parler ou les toucher.

caisse automatique

C’est la préfiguration de l’avenir que nous préparent (inconsciemment ?) les dirigeants des grandes entreprises de distribution, de transport, etc : tout faire tout seul face à des automates.

Les romans d’anticipation (Truong, Philip K.Dick,…) nous avertissent sur ce risque depuis des années. Je ne reviendrai pas sur la partie isolement et perte de lien social que cela engendre. Par contre, je voudrais évoquer le risque économique que cela crée.

En effet, sous prétexte de réduire encore et toujours les coûts de personnels, de nombreuses entreprises investissent de plus en plus dans les automates de « selfcare », la relation à distance via internet ou ont recours à la délocalisation des unités de production.

Si ces 3 orientations stratégiques n’ont pas la même finalité, elles ont néanmoins un point commun : elles contribuent toutes les 3 à détruire les emplois en France !

Dans un contexte de difficultés économiques, je dois avouer mon incompréhension  devant de telles stratégies. Elles permettent certes de faire des économies à court terme, mais qu’en est-il des impacts à long terme ?

En effet, tous les exemples cités (à l’exception partielle des autoroutes) sont des exemples de consommation locale : La caissière qui sort de son supermarché ira ensuite dans le parking, prendra les transports en commun, verra un film au cinéma, s’achètera une paire de basket chez Décathlon, conduira une Peugeot, prendra un abonnement internet ou téléphonique…

Il y a une forme de redistribution qui profite aux différents acteurs de l’économie. Or, avec tous ces emplois détruits, la consommation est en berne, la croissance faiblit, les dépenses sociales s’accroissent, les taxes augmentent, les entreprises cherchent à faire des économies et délocalisent, automatisent,… On entre ainsi dans un cercle vicieux qu’il faut absolument rompre.

Attention à ne pas me prendre pour un passéiste ou un allergique des nouvelles technologies! Quand ces automates apportent une vraie valeur ajoutée au consommateur (ex distributeurs bancaires accessibles 24h/24 ) ou si c’est pour augmenter une compétitivité internationale, l’automatisation a un intérêt. Mais on ne me fera pas croire que la grande distribution alimentaire ou spécialisée, les Mc Donalds, les opérateurs téléphoniques nationaux, etc.  poursuivent ce but. Le sentiment que j’ai, c’est que tous ces acteurs, sous le couvert d’une rentabilité immédiate scient en réalité la branche sur laquelle ils sont assis.

L’exemple nippon

On pourra m’objecter que c’est une tendance de fond que l’on retrouve dans tous les pays technologiquement développés. Cela n’est pas vrai. Pour  avoir voyagé au Japon, pays pourtant à la pointe sur de nombreux domaines, je peux vous garantir que là-bas le sens du service n’est pas qu’un concept :

Des « aboyeurs » incitent les passants à rentrer dans les restaurants ou les magasins ; dans les ascenseurs, des liftiers sont encore présents ; à la sortie des parkings, des employés aident les voitures à s’insérer en toute sécurité dans le trafic ; à chaque entrée du métro, un préposé est là pour surveiller les entrées mais aussi pour faciliter le passage aux handicapés, aux mamans avec une poussette,… en ouvrant un portillon.

J’y ai aussi fait des achats de Noël (qui est fêté également à l’autre bout du monde) dans un magasin de jouet. En dépit de la taille du magasin et une forte fréquentation, il n’y avait jamais plus de 2 personnes à la caisse tout en offrant un service exceptionnel sur les paquets cadeaux : la personne qui avait enregistré mes achats m’a présenté une planche avec 5 ou 6 papiers différents et 3 ou 4 rubans pour le moins qui permettaient de personnaliser chaque cadeau ! Et dès qu’elle s’est lancée dans cette tâche, une autre personne l’a relayée à la caisse pour ne pas faire patienter le client suivant. Quand je vous dis qu’ils connaissent le sens du mot service !

Bilan de tous ces emplois (pas seulement certes) : 4.1% de chômage. Soit le plein emploi.

Nous en sommes encore loin…

Pour briser cette spirale infernale, il faut que les pouvoirs publics, les dirigeants d’entreprise ou les consommateurs prennent conscience de ce problème et décident de le rompre.

Je ne crois pas à une prise de conscience collective des consommateurs ou des dirigeants. Il ne reste donc qu’une action des pouvoirs publics. Mais dans un pays qui croule déjà sous les normes et les règlements, la simplification semble un prérequis indispensable à une action dans ce sens. Une baisse sensible des charges sociales sur ces emplois peu qualifiés qu’on tend à remplacer pourraient aussi constituer une partie de la solution.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Demosthene 26 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte