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TICAD : On se bouscule pour l'Afrique

Publié le 05 juin 2013 par Unmondelibre
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La TICAD, Conférence Internationale de Tokyo pour le Développement de l’Afrique s’est achevée le 3 juin à Yokohama au Japon. Le premier ministre japonais Shinzu Abe a promis 3200 milliards de Yens, soit l’équivalent de 24 milliards d’euros, dont 1400 milliards de Yens (10,8 milliards d’euros) d’aide publique. Un bon deal pour l’Afrique ?

La TICAD, lancée en 1993, se déroule tous les cinq ans. Depuis la dernière édition en 2008, les choses ont bien changé en Afrique, la croissance économique relativement dynamique fait pâlir d’envie certaines grandes puissances, occidentales comme asiatiques, engluées dans la stagnation. Du point de vue du Japon plus spécifiquement, les choses ont aussi bien changé.

La Chine, l’autre grande puissance asiatique et grand rival du Japon, a encore pris de l’avance, notamment sur le continent africain dont elle est devenue le premier partenaire commercial en 2009 - et a depuis doublé ses échanges avec le continent. Il s’agissait donc pour l’État nippon de contrer l’empire du milieu par une stratégie relativement offensive. En dépassant l’aide chinoise par exemple ou en boostant les IDE (Investissements Direct Étrangers) japonais en Afrique qui ne représentent que 2% seulement.

En outre, la catastrophe de Fukushima a mis presqu’à l’arrêt le secteur nucléaire nippon. Le pays a ainsi un besoin crucial d’assurer son approvisionnement énergétique. Or, de ce point de vue l’Afrique regorge de pétrole. Il ne serait ainsi pas étonnant que l’aide nippone implique bientôt aussi de nouvelles concessions pétrolières à des entreprises japonaises.

Le premier ministre japonais a insisté sur l’éthique traditionnelle nippone, rappelant que « le Japon est un pays qui tient parole et qui tiendra ses promesses ». Sans doute. Mais comme avec la Chine, comme avec la France, les africains ne doivent pas se leurrer en croyant que le développement viendra de l’extérieur. Les grandes puissances ont des intérêts à défendre. Leur altruisme n’est qu’apparent. C’est la raison d’État qui commande (d’ailleurs, le premier ministre japonais n’a pas manqué de demander à ses invités de soutenir la candidature de Tokyo pour les Jeux Olympiques de 2020 !).

Lors de ces grandes réunions entre élites au pouvoir, on parle volontiers de gagnant-gagnant, de win-win… Malheureusement il y a les africains et les dirigeants africains, et ce n’est pas exactement la même chose. Les intérêts des uns et des autres ne sont encore que trop rarement convergents… Notamment lorsqu’on parle d’aide publique - celle-ci ayant pu alimenter la corruption et couper le lien démocratique entre une population et un dirigeant qui n’a pas à rendre compte à sa population puisque les ressources budgétaires ne viennent pas essentiellement de l’impôt levé. Il s’agirait que ce soit enfin les populations qui soient gagnantes.

Cela ne pourra être le cas que lorsque la croissance africaine sera inclusive et pas simplement extractive. Cela implique des efforts en matière de climat des affaires, de sorte que la création d’entreprise – cœur du développement - ne soit pas réservée à des riches qui peuvent payer. Cela implique aussi l’abaissement plus rapide des barrières à l’échange entre pays africains, pour enfin re-créer ce grand continent de routes commerciales grâce auxquelles la division du travail pourra faire, comme ailleurs, des miracles.

Une partie du deal avec le Japon porte sur cette dernière problématique, ce qui est encourageant. 650 milliards de yens (5 milliards d’euros) seront en effet consacrés lors des cinq prochaines années au développement des infrastructures, notamment de « corridors internationaux » pour le transport à l’intérieur même du continent, facilitant « la création d'un marché commun » noté par le Président sud-Africain.

Ensuite, le fait que les grandes puissances se bousculent en Afrique permet sans doute au « continent » de choisir ses partenaires et de faire monter les enchères. Mais encore une fois, il faut que cela se fasse en faveur des populations – et non pas à leur détriment. Les dirigeants ne sont pas les populations. L’investissement étranger est le bienvenu. Mais que les « investisseurs » ne puissent pas se servir, par exemple, en ressources foncières ou halieutiques (et le Japon est traditionnellement un grand consommateur de ces dernières).

De ce point de vue, il est grand temps que, au-delà de la « démocratie », on parle enfin d’état de droit en Afrique. Et notamment de protection des droits de propriété (des populations locales) qui sont un rempart contre l’oppression, contre la pauvreté mais aussi contre la surexploitation des ressources.

Emmanuel Martin, analyste sur LibreAfrique.org, le 5 juin 2013.


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