Le gars. La fille.

Un temps mauvais ce jour là, il tombe quelques gouttes, mais cela ne semble pas les déranger.

Je les ai toujours croisés séparément. Ils travaillent en face du théâtre où je bosse.

Ce jour là, ils discutent ensemble devant la grande porte de leur boulot. Ils semblent aimantés.

Le gars, un costume gris, une petite cravate. Il boit ses paroles.

La fille, une petite chemise unie, un petit jean bleu foncé, des ballerines. Elle le regarde avec tendresse.

Elle parle, parle, parle. Elle monopolise totalement la conversation (du moins au début). Elle parle avec les mains. Des petits gestes, calmes et distingués. Elle rit aussi. Beaucoup. Il fait le zouave et ça lui plaît. Quand elle ne parle pas, elle le regarde bien droit dans les yeux, mais baisse rapidement les yeux, troublée.

Il la regarde, fasciné. Il reste focalisé sur sa bouche. A un moment, il plisse les yeux, prend un petit air séducteur et commence à se toucher le cœur et fait signe qu’il a le cœur brisé. Ça la fait rire. Leur langage des corps est une évidence. Ils se plaisent sacrément.

Un gamin passe avec son père. Le petit se faufile entre eux. Ils ne l’ont même pas vu.

Elle fait signe qu’elle doit partir, ils se font la bise pour se dire au revoir. Elle pose une main timide sur son épaule. Elle la laisse quelques secondes, puis la retire délicatement. Ils rient encore. Puis ils semblent reprendre leur conversation comme si de rien n’était.

Ils se rapprochent légèrement. Ils continuent à se parler. Elle pose sa main quelques instants sur son épaule. Elle la retire rapidement, mais lui sourit.

 Je sors de ma torpeur. Je me fais la réflexion que je dois tout de même retourner bosser. Même si ce n’est pas urgent. Même si j’ai aussi la curiosité de savoir ce qu’il va se passer après. Finalement, j’ai été sage et je suis retournée travailler, me disant que bien sûr j’aurais voulu connaître la suite,  mais que ce moment leur appartenait voilà tout.