Magazine Société
- Moi j’ai le cœur en plein décembre. L’ami Pierrot s’en est allé, chantait Yves Duteil (Les gens sans importance).
C’est ce que peuvent ressentir tous les Lillois (et je m’inscris dans le nombre) après la mort de Pierre Mauroy. Celui qui fut leur maire de 1973 à 2001 vient de mourir ce vendredi 7 juin à l’âge de 84 ans.
Aîné d’une famille de sept enfants Pierrot voulut imiter son père instituteur. Il sera donc enseignant dans un lycée technique. Mais la sève politique nourrit ses veines et le souffle gauchiste l’emmène à la SFIO. En 1966 il en devient le secrétaire général avant que ce parti ne soit piqué par une rose socialiste.
En 1971, Augustin Laurent, maire de Lille, ne tient pas à finir son mandat et passe le flambeau à Pierrot. C’est le grand début dans l’arène politique. Désormais l’ascension ne cessera plus.
Au cours des années 70 (les années Giscard, bon choix madame, bon choix mademoiselle etc…) il devient le second couteau de Mitterrand avec qui il va réformer la gauche française. Il collabore au programme commun avec les communistes de Marchais et la mayonnaise prend si bien qu’en 1981 Tonton, et sa bande, gagne les élections présidentielles.
Mitterrand nomme son fidèle lieutenant premier ministre. Pierrot devient donc le chef d’un gouvernement de gauche, le premier de la Vème République.
Il sait que le temps passe vite et met diligemment en application le programme commun : nationalisation, semaine de 39 heures, 5ème semaine de congés payés, abolition de la peine de mort (merci aussi Badinter !).
Mais déjà la conjoncture le rattrape. Les entreprises françaises souffrent d’un mal de compétitivité (pathologie chronique), les salaires indexés sur l’inflation l’alimentent, le franc est menacé et risque de faire s’effondre le système monétaire européen…
La mort dans l’âme et avalant son chapeau Pierrot s’attelle à la « rigueur ». Avec courage il annonce les mauvaises nouvelles : abandon des canards boiteux (sidérurgies, mines…), freinage des salaires pour restaurer les marges des entreprises devenues exsangues, mise au rencart de la réforme sur l’enseignement.
L’homme est courageux mais désabusé. Il laissera sa place à Laurent Fabius en 1984 et rejoindra son Nord et surtout la ville de son cœur : Lille !
Il se consacrera pleinement à son beffroi altier, entreprenant de grands chantiers de rénovation dans le centre-ville (ah ! l’Hospice Comtesse et ses alentours) et postulant même pour une candidature à l’organisation des Jeux olympiques de 2004. L’échec du projet l’amène à postuler pour une autre candidature toute aussi prestigieuse et qui sera, cette fois-ci, auréolée de succès : Lille devient en 2004 la capitale européenne de la culture.
La ville opérera, sous la conduite du maestro, une reconversion dans le tertiaire. Les usines de grands papas cèdent le terrain aux grands ensembles : Euralille et ses galeries marchandes, tours à bureaux, banques… Certains se plaindront de cet urbanisme tentaculaire qui réduit en peau de chagrin les espaces verts. D’autres applaudiront au nom du réalisme économique.
En 2001, celui qu’on nomme « gros quinquin » passera le témoin à Martine Aubry, la parachutée mais déjà follement amoureuse des gaufres Meert de la rue Esquermoise !!
Un peu sur ses réserves il sortira de temps en temps pour critiquer untel (Jospin en 2002) ou encourager une telle (Ségolène en 2007).
Il peut désormais dormir en paix après avoir vu son club de football (Lille Olympique Sporting Club) gagner le double titre de Champion et de Vainqueur de la Coupe de France en 2011 et s’être émerveillé du retour de la Gauche aux plus hautes marches du pouvoir en la personne de Flamby.
Dors min gros quinquin Not' maire aimé, qu'étot min coin In a trop d''chagrin In brairot jusqu'à d'main...