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Y'A Bon Awards 2013

Publié le 10 juin 2013 par Diesemag @diesemag

Ce soir aura lieu la cinquième édition des Y’A Bon Awards qui décernera 6 peaux de banane dorée en guide de trophées pour "récompenser" une fois encore les pires dérapages xénophobes et racistes dans les médias.

Cette année le jury est composé de : l’animatrice TV Enora Malagré, le géopolitologue Pascal Boniface, l’humanitaire Rony Brauman, l’humoriste Océanerosemarie, les journalistes Denis Robert, Yasmine Chouaki, Anasthasie Tudieshe et Nadir Dendoune, le fondateur d’Act Up Didier Lestrade , la Présidente de la Fondation Frantz Fanon Mireille Fanon-Mendès-France, les musiciens DJ Pone, DJ Cut Killer et Marco Prince, la championne de boxe et écrivaine Aya Cissoko, l’entrepreneure Laurence Méhaignerie, l’initiateur de la Marche pour l’Egalité de 1983 Toumi Djaidja et enfin le producteur et auteur du film “la Cité Rose” Sadia Diawara.

#DieseMag a voulu en savoir un peu plus sur l’organisation de cette cérémonie. Rencontre avec Davon, responsable de la veille médiatique !

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DM : Bonjour Davon ! Peux-tu te présenter rapidement à nos lecteurs, ton parcours et ce qui t’as poussé à t’investir dans l’association "Les Indivisibles" ?

Davon : Bonjour, je suis Davon, j’ai fait des études d’anglais qui m’ont permis de traverser l’Atlantique et découvrir l’étendue du travail réalisé sur les «races». De façon assez intéressante, j’ai pu y découvrir des auteurs de la francophonie qui n’avaient été qu’évoqués dans ma scolarité en France. A mon retour, j’ai poursuivi mon travail de recherche et j’ai surtout fait de belles rencontres. Aujourd’hui, je suis enseignant. Les Indivisibles, c’était le plus grand hasard (Merci Twitter !). J’ai découvert l’initiative des Y’a Bon Awards et j’ai tout de suite adhéré. Avant même d’être membre de l’association, je vantais les mérites et la nécessité de l’existence d’une voix pour contredire ou souligner les propos déplacés que l’on peut entendre en toute impunité dans les médias. Depuis que j’ai rejoins l’association, je m’y sens à ma place.

Tu es le responsable de la veille "médiatique", en quoi consistent ces fonctions concrètement tout au long de l’année ? Tu effectues ce travail de veille à titre bénévole ?

Il s’agit d’une tâche partagée par toute une équipe de bénévoles. Nous avons tous une activité principale en dehors de l’association. Seul l’intérêt pour la cause permet un investissement aussi assidu même s’il est, à certaines périodes de l’année, difficile de combiner les deux. Les échanges se font par mail. Plus qu’un guet, il s’agit de partager les propos choquant que l’on a pu entendre pendant nos activités quotidiennes. Les uns écoutant un peu plus la radio, les autres lisant la presse ou d’autres regardant la télé, chaque membre du groupe dédié au travail d’écriture s’investit et apporte sa pierre à l’édifice. Nous travaillons par mail et partageons les propos que nous avons pu entendre dans les médias. Les échanges peuvent être très fournis (il n’est pas rare d’échanger une vingtaine de mails sur le même sujet). Ces propos sont compilés toute l’année.

À l’approche des Y’a Bon Awards, nous discutons des citations collectées et faisons un tri, impliquant des choix parfois très difficiles. Des réunions régulières permettent de faire ce tri, de retrouver certaines sources manquantes et de proposer des catégories afin d’innover chaque année et s’adapter au propos tenus dans l’année.

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L’année 2012-2013 a été, de notre point de vue, plutôt riche en matière d’actes éligibles aux Y’a bon Awards, est-ce que tu trouves qu’on assiste à une résurgence de propos racistes dans les médias en général ?

Elle l’a été, effectivement. Le plus dur dans notre sélection a été d’évincer certains propos malgré leur base arriériste. Pourtant la quantité n’est pas ce qui m’a le plus frappé. Ce qui m’a le plus frappé est plutôt la prolifération de ces propos dans des milieux dans lesquels on ne les attend pas. Alors que la parole raciste a tendance à être reléguée à des personnes dont la notoriété même est due à leur idées racistes, force est de constater que des personnes plus «mainstream», à forte notoriété pour des raisons autres que leurs idées (écrivains, présentateurs TV, journalistes, etc.) tendent à récupérer ces idées et les divulguer en y ajoutant presque une touche de neutralité.

Nous avons l’impression que la tendance actuelle avec l’apparition de courants aussi aberrants que la notion de "droite décomplexée" ou la résurgence de pseudo-théories sur le "choc des civilisations" laisse le champ libre aux expressions ouvertement racistes, qu’en penses-tu ?

La première fois que j’ai lu l’article de Huntington sur le «choc des civilisations», le plus surprenant a été le fait que ce soit un professeur renommé de Harvard qui l’ait écrit. Je me suis donc interrogé sur l’influence qu’il a pu avoir auprès de ses élèves et ai tenté de me représenter sa salle de classe. J’ai également le même ressenti aujourd’hui quand des propos, sous couvert de «droite décomplexée» frôle l’absurde mais que les voix pour le démontrer sont tellement peu médiatisées qu’il n’y a pas de contrepoids médiatique. L’idée principale du «racisme anti-blanc» ne fait qu’utiliser les fantasmes des uns et frustrations des autres à des fins politiques.

Le succès des nouveaux médias d’expression "éphémères" qui consistent à s’exprimer sur l’instant en privilégiant la passion à la raison (ex: Twitter) laisse-t-il un champ plus libre à ce genre de dérapages ?

Twitter est un couteau à double tranchant. C’est une aubaine géniale pour lutter, à titre individuel et en tant qu’association contre la banalisation de ces propos. C’est également un outil sur lequel on a pu voir les pires propos racistes (islamophobes, antisémites, négrophobes…) ou homophobes relayés à une vitesse inouïe. Ici, c’est le racisme latent sous couvert d’humour qui inquiète. Les personnalités, elles, tombent dans un autre piège. Se voulant plus vraies et proche de leur public, elles finissent par révéler le fond de leur pensée. Ces ratés médiatiques rappellent que personne n’est à l’abri d’une pensée raciste sans faire un réel travail sur soi.

L’interminable polémique sur le mariage gay mérite peut-être la premières place dans votre sélection 2013? Les préjugés homophobes (navrants) sont-ils placés dans le même registre que ceux dénoncés par les Y’a Bon Awards ? [NDLR : Bien que certains s'amusent à varier les plaisirs en panachant allègrement leur homophobie d'une xénophobie bien marquée, tout particulièrement dans leurs propos à l'encontre de Christiane Taubira !]

Gardons le mystère jusqu’au jour J. Les différentes catégories permettent précisément d’éviter que la cérémonie ne tourne qu’autour d’un sujet. La polémique (et son ridicule) du mariage gay a été révélatrice du manque d’ouverture latent en France. Certaines personnalités publiques n’ont fait qu’enfler la polémique dans un but de glorification personnelle. Les préjugés homophobes tout comme les préjugés racistes sont le fruit d’un manque de travail éducatif sur le sujet. À ce titre, nous luttons activement contre cette forme d’ignorance qui, comme tu le rappelles, peut être empreinte de racisme.

L’arrivée de la gauche au gouvernement est-elle également de nature à délier les langues en la matière, comme un courant d’expression de l’opposition, puisque le leitmotiv du "danger de l’immigration" fait moins partie intégrante de la stratégie de communication politique du gouvernement depuis le départ de l’UMP ?

On peut constater que tous les moyens ont été utilisés par l’opposition pour faire front à la Gauche. Les idées les plus abjectes ont refait surface juste pour avoir un positionnement différent et donc attirer un électorat déçu par la Gauche. L’homophobie face au mariage gay ou le racisme anti-Blancs n’en sont que des exemples. Face au succès des idées «décomplexées», on a vu une multiplication des personnes défendant les thèses les plus racistes. Le comble est que ces personnes en quête d’électorat peuvent aussi appartenir à la gauche du gouvernement. L’arrivée de la gauche, sans forcément délier les langues, révèle une plus grande diversité des expressions du racisme.

Vous considérez-vous comme un mouvement politique, sans s’intéresser au clivage gauche/droite, mais d’une manière plus générale ? Et si oui, de quelle tendance vous qualifieriez-vous ?

S’il y a quelque chose qui m’a tout de suite plu avec Les Indivisibles, c’est bien cette absence de clivage politique. Il ne s’agit pas de s’apparenter à une famille politique mais bien de dénoncer les propos des uns et des autres quelque soit leur appartenance. Je souhaite pourtant que notre action ait une conséquence politique. Il me paraît assez absurde d’avoir une personne comme Sylvie Pierre-Brossolette nommée au CSA en charge de la «promotion de la diversité» alors qu’elle trouvait elle même que DSK n’était «pas mieux traité que les malfrats de couleurs déférés avant et après lui devant le juge» (La Chute, Le point.fr le 19/05/2011). Ça lui avait d’ailleurs valu une banane d’or lors des précédents Y’a Bon Awards. L’objectif est donc factuel : limiter l’influence de ces personnalités qui ont trahi leur pensée en rappelant leur propos à leur audience ou électeurs, quelque soit leur identité politique.

Avez-vous entendu parler du "murs des cons" du syndicat national de la magistrature ? Bien que cette forme de dénonciation ait peu à voir avec la votre, en premier lieu car elle n’est pas orientée dans un but de dénonciation publique, en second lieu parce que le SM a une orientation politique très claire. Mais on peut malgré cela y voir une certaine similitude dans l’opposition aux comportements ouvertement racistes ? (si on se penche sur la liste des épinglés, on y trouve de nombreuses similitudes avec vos lauréats potentiels…). 

Oui, j’ai un peu suivi le scandale que ça a créé. Les retours sont assez édifiants mais sans surprise. Tout acte qui met en lumière un secret pouvant ébranler toute une communauté vivant grâce à celui-ci provoque des retours cinglants et rappelle qu’il peut être difficile de remettre en question certaines instances. Hormis le fait que Les Indivisibles se heurtent à ce même type de réaction, le cas du «mur des cons» reste encore trop loin de notre démarche pour que je n’y vois une quelconque similitude. Je ne suis pas assez naïf pour croire qu’aucune personnalité ou citoyen lambda ne se livre à des blagues racistes de temps à autre. Que ce soit maintenu dans le cercle privé est une chose. Que ce soit ouvertement communiqué, diffusé et banalisé, en est une autre qui n’a pas lieu d’être. C’est l’un de nos combats.

NDLR : Attention l’évènement est presque complet, pour assister à lé cérémonie ce soir lundi 10 juin, inscrivez-vous sur http://amiando.com/yabonawards2013

www.lesindivisibles.fr


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