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[Critique] THE BLING RING

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] THE BLING RING

Titre original : The Bling Ring

Note:

★
★
★
☆
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Sofia Coppola
Distribution : Emma Watson, Taissa Farmiga, Israel Broussard, Claire Julien, Katie Chang, Leslie Mann, Georgia Rock, Gavin Rossdale, Carlos Miranda…
Genre : Drame/Histoire vraie/Adaptation
Date de sortie : 12 juin 2013

Le Pitch :
Marc vit son premier jour de lycée comme une épreuve. Peu sûr de lui et complexé, il rencontre néanmoins Rebecca, une fille délurée et populaire qui le présente à ses amies, avec lesquelles il s’entend à merveille. Désœuvré et principalement attiré par le luxe, le groupe décide sur un coup de tête de visiter les maisons des stars sur les hauteurs de Los Angeles et d’emporter au passage un max de produits de luxe… Histoire vraie…

La Critique :
Les adolescents désœuvrés intéressent tout particulièrement Sofia Coppola. Tous ses films en parlent et tous capturent ces moments de flottement qui caractérisent bien souvent l’existence de ces jeunes âmes paumées. Et même quand elle aborde l’age adulte, directement comme dans Somewhere et Lost in Translation ou indirectement via les parents de protagonistes de Virgin Suicides ou de The Bling Ring, la fille de Francis Ford ne lâche pas l’affaire. Pour elle, nombreux sont les gens qui s’emmerdent et qui, pour combler un trou probablement sans fond, en viennent à faire de grosses conneries. En tant que fille d’un monument du Nouvel Hollywood, Sofia sait à n’en pas douter de quoi elle parle et on peut aisément imaginer à quel point ses films comportent des éléments autobiographiques. Et c’est d’ailleurs probablement pour cela qu’elle le fait si bien.
Avec Sofia, la solitude, la mélancolie ou tout simplement l’ennui, se transforment en instants lyriques à la poésie flagrante et souvent touchante.
Ultra tendance depuis déjà quelques années, Sofia Coppola fait partie d’un cercle d’artistes bohèmes cristallisant un certain cinéma, composé entre autres de son frère Roman et de musiciens comme les mecs de Phoenix ou de Air. Tout ce que touche Sofia se transforme en objet de culte pour explorateur nocturne de la vie pailletée branchée. Presque malgré elle, Sofia a initié un courant (comme le paternel à son époque). Un courant qui touche le cinéma bien évidement, mais aussi la littérature, la musique et la mode. Un courant sur lequel il est dangereux de voguer, comme en témoigne The Bling Ring, même si Miss Coppola manœuvre avec suffisamment de sang froid pour éviter -de justesse- à son embarcation de s’abimer contre les rochers acérés des lieux communs et autres clichés destructeurs.
Le risque de se planter était ici très grand et même si à l’arrivée, The Bling Ring s’en sort plutôt bien, on peut tout de même souligner le côté un peu facile de l’entreprise.

Adapté d’un article du magazine Vanity Fair, et donc des méfaits d’une bande de jeunes superficiels spécialisés dans le braquage de maisons de stars (souvent tout autant superficielles que leurs « agresseurs »), The Bling Ring traite, comme Spring Breakers, de notre belle jeunesse. Pas toute la jeunesse, mais celle qui ne vit qu’au travers du spectre de la célébrité, des médias, de l’argent, de la dope et du paraître. Comme dans le film d’Harmony Korine, The Bling Ring explore la démarche extrême de post-ados rebelles qui n’ont pas conscience de leurs actes. La différence est qu’ici, contrairement aux nanas de Spring Breakers, les personnages sont déjà plus ou moins issu d’une classe sociale privilégiée. Avant de commencer à s’introduire dans des baraques de célébrités, étrangement ouvertes (si vous voulez braquer la maison de Michel Sardou, faites comme dans le film et tentez la porte-fenêtre…), Marc et ses copines squattent déjà les boites à la mode où s’ébattent Paris Hilton et Kirsten Dunst. Ils veulent donc plus de fric, alors qu’ils en ont déjà, mais surtout embrasser l’intimité de celles et ceux qui font la pluie et le beau temps dans le Los Angeles des magazines people. Ils ne veulent pas n’importe quel sac Vuiton, mais celui que porte Lindsay Lohan ; ils aiment faire la fête en boite de nuit, mais préfèrent faire la fête dans la boite de nuit privée de Paris Hilton (qui a gentiment prêté sa modeste baraque) ; ils aiment conduire leurs belles bagnoles mais préfèrent voler celles des autres, etc… Et contrairement aux héroïnes de Spring Breakers, les personnages de The Bling Ring ne tuent personne et ne s’intéressent curieusement pas aux choses du sexe. Avec son toucher si particulier, contemplatif et doux-amer, Sofia Coppola parle plus ou moins de la même chose qu’Harmony Korine, mais le fait dans le cirque des privilégiés, et non chez les rednecks white trash de l’Amérique d’en bas. Les personnages des deux films ne viennent pas du même endroit et il y a fort à parier que si la Emma Watson de The Bling Ring croisait au détour d’une rue la Ashley Benson de Spring Breakers, les deux se jetteraient des regards acerbes pleins de sous-entendus, alors qu’au fond, leurs motivations sont les mêmes. Et non, ce n’est pas par hasard que Marc, le seul type du gang du Bling Ring cite Bonnie & Clyde… Sofia Coppola se sert de ce fait divers pour montrer du doigt les motivations futiles et borderlines d’une fange de la jeunesse d’aujourd’hui.
Mais comme Sofia Coppola fait un peu partie de ce cercle, où tout le monde porte des Rolex, du Vuiton, sent le Chanel et pète dans la soie, cette mise en abîme ne sonne pas aussi vraie qu’elle aurait pu. Au moins, Coppola n’est pas acerbe ni cynique, c’est déjà ça, mais bon, cela ne suffit pas à rendre son film aussi pertinent que prévu et fatalement, au bout d’un moment, sa partition sonne un peu vaine. Prise dans une longue valse à trois temps -braquage-essayage de fringues volées-sorties en boite- Sofia tire sur la corde et livre un spectacle certes léché, mais un peu trop anecdotique pour toucher au vif. Elle s’endort sur ses gimmicks de mise en scène et parvient à donner une impression de longueur à un film qui ne dure pourtant qu’une petite heure trente.

Heureusement le casting assure et tire cette histoire un peu trop anecdotique vers le haut. Incarnée, cette tranche de vie californienne gagne en substance grâce à ses acteurs. Emma Watson mène la danse, superbe, dévouée corps et âme à son personnage, plus complexe qu’il n’y paraît, tandis que les autres suivent la tendance et arrivent à former un groupe homogène où chacun parvient à brosser son propre portrait. Si la mise en scène de Sofia Coppola est ici un peu trop mécanique, les acteurs eux, s’en donnent à cœur joie et ne cèdent pas à la facilité dans un numéro d’équilibriste à saluer des deux mains. Dans le néant d’idées volatiles et d’espérances creuses, The Bling Ring a au moins le mérite d’offrir une belle occasion à ses comédiens de briller. En incarnant de vraies personnes, pas sympathiques, plutôt pathétiques et parfois carrément irritantes, Emma Watson, Taissa Farmiga, Katie Chang et les autres ne cèdent pas à la facilité et pensent au fond et à la forme. Moins subversifs que les braqueuses de Spring Breakers, les voleurs de Sofia Coppola ont un supplément d’âme et n’en font jamais des caisses. Le but de Sofia n’est pas de choquer après tout. Ce qu’elle veut elle, c’est transporter son public dans les hautes sphères d’une faune qu’elle connait bien. On a certes connu la cinéaste plus inspirée et ici, son recul est certainement insuffisant, mais si on accroche à son cinéma, aucune raison de se priver de cette tournée des maisons de stars un peu trop sage, sexy et acidulée.

@ Gilles Rolland

The-Bling-Ring-Coppola-Emma-Watson
Crédits photos : Pathé Distribution


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