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Quand l'UMP invente la "neutralité religieuse"

Publié le 13 juin 2013 par Letombe
Quand l'UMP invente la

La question religieuse fatigue. Elle n'a pas perdu de son ampleur, même si la pratique religieuse s'affaisse. Elle s'immisce dans tous les sujets.

En France, quelques députés UMP ont choisi un fait divers par ailleurs triste pour pondre un épidermique projet de loi qui fut, c'est la règle, débattu trop rapidement à l'Assemblée nationale. Officiellement, il s'agissait de garantir la "neutralité religieuse dans les entreprises et les associations".

La neutralité religieuse est un nouveau concept d'une droite qui l'oublia lorsqu'il fallait débattre du mariage homosexuel.

Le texte...
Le projet est simple, bâclé Il n'ose pas évoquer la laïcité. Il invente la "neutralité religieuse", il s'attaque au code du travail et fournit aux employeurs la possibilité d’encadrer le port des signes d’appartenance religieuse dans les entreprises.

Ces UMPistes voulaient surfer sur la vague d'une émotion: l'annulation par la justice de l'exclusion de la directrice adjointe d'une crèche dénommée Baby Loup. Cette dernière avait été licenciée parce qu'elle s'était mise à porter le voile islamique au travail. Or le 19 mars dernier, la Cour de cassation avait annulé ce licenciement au motif que la crèche était privée et que son règlement intérieur ne pouvait légalement interdire les signes extérieurs d'appartenance religieuse.

Le 8 avril suivant, François Hollande avait demandé à l'Observatoire de la laïcité de lancer une concertation sur la laïcité dans les structures d'accueil d'enfants, et d'élaborer «des propositions» avant un projet de loi prévu pour la fin de l'année. On voulait un dialogue "serein et constructif", nous expliquait-on.

Mais l'UMP était pressée. Le 24 avril, un texte est déposé pour vote à l'Assemblée par Eric Ciotti, Christian Jacob (actuel président du groupe UMP à l'Assemblée) et les deux rivaux Jean-François Copé et François Fillon.

Quelle soudaine unanimité !

Dans les rues parisiennes, des manifestants contre le mariage gay brandissaient encore des pancartes et des bibles, dix jours après l'adoption du texte. Quelques croyants, mais chrétiens, invoquaient la France éternelle et le droit divin. Cette intrusion anti-laïque dans la loi de la cité ne semblaient pas déranger les promoteurs UMPistes de la "neutralité religieuse dans les entreprises et les associations". La même intrusion des hiérarques de l'Eglise catholique - Monseigneur 23 en tête - ne dérangeait pas ces nouveaux laïcards de l'UMP.


Deux poids, deux mesures. le plus curieux fut de lire leurs interventions à l'Assemblée pour défendre un texte rédigé dans l'urgence contre... l'Islam.

... puis le "débat"
L'Assemblée fut donc "saisie", le 6 juin dernier. C'était une journée consacrée aux textes de l'UMP. Quel bonheur de la "gâcher" ainsi...

Dans l'hémicycle, ce 6 juin, Eric Ciotti découvrait la neutralité religieuse: "Le principe de laïcité est donc l’un des principes organisateurs majeurs de notre pays." A l'écouter, on croyait qu'il évoquait les récents remous et dérapages des plus violents opposants chrétiens au mariage gay: "Cette laïcité à la française est le résultat d’une longue histoire qui n’a pas été simple. Si nous sommes, heureusement, aujourd’hui bien loin des affrontements du début du XXe siècle, certains développements récents de la pratique religieuse dans notre pays posent de nouvelles questions auxquelles il est de notre devoir de répondre." Car il en était sûr, ce jour-là, Eric Ciotti. La laïcité est un bien national précieux: "Il en va de la cohésion de notre société."

Dans l'hémicycle, ce 6 juin, Laurent Wauquiez découvrait la neutralité religieuse: "La laïcité est un principe, pas une exception !" Le même Wauquiez, en janvier dernier, dénonçait le mariage pour tous comme " la réforme du rejet, du mépris et de la haine à l'égard des religions." En novembre 2012, il invitait Hollande à reculer sur le projet car "on a une réaction de l'ensemble des religions qui sont toutes opposées à ce projet et je le dis vraiment, avec un appel qui est même un peu solennel, François Hollande doit prendre le temps."

Dans l'hémicycle, ce 6 juin, Jacques Myard découvrait la neutralité religieuse, il en était grandiloquent: "Oui, la laïcité est la pierre angulaire de l’édifice républicain. Oui, la laïcité est un principe d’une jeunesse toujours renouvelée, le bain de jouvence de notre démocratie et de la République."Contre le mariage gay, le même Myard expliquait qu'il heurtait "durablement et profondément la conscience et l'éthique de millions de Français ."

Dans l'hémicycle, ce 6 juin, Gilbert Collard, du Front National, fut presque honnête en avouant que ce qui le choquait était l'Islam: "Dans l’affaire de la crèche Baby Loup, il est clair que ce n’était pas un homme vêtu d’une tenue couleur safran et se disant moine tibétain qui a posé problème. Cela ne veut pas dire pour autant que nous avons une quelconque hostilité pour une quelconque religion." Bien sûr...

Dans l'hémicycle, ce 6 juin, ni François Fillon ni Jean-François Copé ne s'exprimèrent. On le regrette presque.

La laïcité est une ambition plus vaste que cette neutralité religieuse inventée à la va-vite par une UMP pressée de montrer qu'elle existe. Une ambition positive et réellement neutre à l'égard de toutes les religions. Elle mérite un débat, et sans doute de nouveaux textes, plus complets, plus sereins, davantage discutés que cette expédition rapide et gâchée dans les premiers jours de juin.

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