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Audiovisuel grec: le bal des hypocrites

Publié le 14 juin 2013 par Juan
Audiovisuel grec: le bal des hypocrites
Un gouvernement conservateur a suspendu toutes les antennes de la télévision publique mardi 11 juin, en Grèce. La nouvelle a surpris, choqué, provoqué.
Revue froide et à froid du choc et des délires post-traumatiques.
1. Il y eut l'inévitable réaction presque corporatiste. Des médias occidentaux tout entiers défendent soudain le média soudainement devenu service public avant tout. Il y avait des pétitions, une ardeur qu'on avait oubliée, une mobilisation sur tous les plateaux, toutes les ondes, (presque) toutes les colonnes qu'on n'avait pas vu pour d'autres innombrables fermetures d'usines. Certains redécouvraient la saveur du service public. Le lendemain sur France Info, il était savoureux d'entendre quelques chroniqueurs néo-libéraux défendre l'audiovisuel public avec plus d'ardeur que les hôpitaux, l'armée et la Poste réunies. Quelle joyeuse hypocrisie !
2. Second traumatisme, ce gouvernement grec agirait pour le compte des "salopards" de la Troika - BCE, FMI et UE. Une Troika trop avide d'économies en tous genres. L'argument fit rapidement long feu. La Commission européenne exprima très vite sa stupéfaction. Supprimer l'audiovisuel public ne faisait pas partie du plan réclamé à des dirigeants grecs obéissants. Le gouvernement lui-même n'est pas unanime. L'initiative émane de Antonis Samaras. Le PASOK, pourtant membre du même gouvernement, a déclaré son hostilité à cette décision.
3. Il y eut le démenti du lendemain, l'audiovisuel public n'était pas supprimé d'un trait de plume ni d'une coupure administrative de courant. Il était "simplement" suspendu le temps de gagner un bras de fer contre ses syndicats. Mercredi, le gouvernement présentait un projet de loi de réorganisation de tout l'audiovisuel public. La démarche restait ignoble, mais soyons précis sur les faits, une fois. En jeu, quelque 2.500 salariés privés d'emploi du jour au lendemain. La fermeture totale, pendant plusieurs mois, de chaînes et radios n'est pas sans risque. Le public peut prendre ses habitudes ailleurs.
4. D'aucuns se demandèrent au contraire si la chose pouvait nous arriver en France. Le quotidien L'Opinion, cette chose néo-lib' à l'actionnariat inconnu, en profitait ce mercredi pour titrer: "Et si on fermait France Télévisions ?" Tout aussi triste, on entendait Patrick Cohen sur France 5 se plaindre qu'en France, l'audiovisuel public supprime déjà des émissions culturelles pour "faire des économies" comme en Grèce. On a les combats que l'on peut.
5. La fermeture de l'audiovisuel public est un choc d'abord  pour les Grecs. Un choc parmi d'autres dans cette longue séquence que le FMI lui-même fait mine aujourd'hui de regretter. Un choc parce que symbolique - l'extinction de 5 chaînes d'abord gratuites d'accès avant d'être publiques dans leur financement. Un choc social tant la brutalité de l'opération surprend: l'Etat actionnaire s'est comporté comme ces patrons-voyous qui déménagent leurs machines-outils pendant la nuit. Un choc puisque jamais depuis l'Occupation nazie l'audiovisuel public n'avait été ainsi interrompu.
6. Y-aura-t-il une crise politique ? Au point où en est la Grèce, on ne sait plus. 15 à 20.000 manifestants ont défilé jeudi, grève générale dans les médias. Mais la coalition "tient bon". Elle se réunit ... lundi, preuve que certains n'ont pas les mêmes urgences que d'autres.
7.  Les journalistes de la télévision grecque travaillent quand même, même sans émetteur pour retransmettre ce qu'ils font. 
Pouvions-nous être choqués mais sarcastiques ?
Oui.


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