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L'impossible victoire

Publié le 23 avril 2008 par Dagrouik

Voici un nouvel article du camarade Vogelsong . Ca parle du centre, le centre mou avec ses militants sympathiques et ses élus têtes de cons, le cul entre deux chaises.

L'entêtement des partis progressistes (notamment le PS) à vouloir gagner au centre est stupéfiant. La candidate malheureuse de l'élection présidentielle déclarait en février 2008, "qu'une occasion historique avait été manquée". Pourtant ce n'est pas la première fois qu'un rapprochement avec le centre a lieu. Ce n'est pas la première fois qu'il aboutit à une déroute. En effet s'il faut tirer les leçons d'une défaite, c'est l'incompatibilité et l'impasse que ce type d'alliance implique. À ce titre les élections de 2007 auraient pu être une occasion historique de clarification. De rénovation.

Au cours des soixante dernières années cette sempiternelle alliance a prouvé son efficacité à faire élire les conservateurs.

En 1947, l'expérience de coalition du centre et de la gauche de P. Ramadier débouche sur la guerre d'Algérie, et d'Indochine. Il est sans pitié pour des mouvements de mineurs. En 1958 quand il passe la main, plus personne ne veut en entendre parler.

En 1965, le rassemblement d'une force de centre-gauche "moderne" pour faire barrage à une alliance entre la SFIO et le PC entraîne l'élection de la droite.

Bien plus tard, lors des élections de 2002, le candidat socialiste, qui bénéficiait d'un bilan plus qu'honorable, voulant normaliser et centrer son discours, déclare (entre autres perles) : "l'état ne peut rien", et "mon programme n'est pas socialiste" : 16% au premier tour et rideau pour le PS.

En 2007, une France extenuée n'attend que les présidentielles pour qu'enfin il se passe quelque chose. Face à un candidat de droite extrême, néo-conservateur, réactionnaire et libéral (quoi qu'en disent les exégètes Friedmannien), la gauche avance front élargit (pas assez pour certains Gracques). Acmé au second tour, F.Bayrou (fort de ses 18%) le candidat centriste et S.Royal se rencontrent dans un grand hôtel parisien, pour des préliminaires qui finiront en débandade : 53% pour n.sarkosy.modem_est_vide.jpg

Pour reprendre la litanie d'Yves Jégo, il faut regarder à l'étranger pour s'inspirer de ce qui marche (et qui ne marche pas), sans tabou bien sûr (comme pérore J.F.Coppé).

En Italie, en avril 2006 R. Prodi (il prifessore) arrive sous un concert de louanges. Les sociaux démocrates sont en pamoison. Il gagne d'une courte tête grâce à une majorité hétéroclite allant jusqu'aux anciens démocrates chrétiens. Un microscopique parti du centre-droit l'UDEUR fait sauter cette coalition. Avril 2008, victoire écrasante du "cavaliere". L'Europe avance. La barbarie aussi.

En Allemagne, le SPD que loue sans cesse F. Fillon n'est plus un parti en capacité de gagner régulièrement les élections. À force de doubler la CDU sur sa droite, une partie de sa base sous l'égide d'O. Lafontaine crée le parti "Die Linke". Scission fatale. Aujourd'hui, l'Allemagne est gouvernée par une alliance CDU-SPD. Outre-Rhin, on goûte depuis aux délices de la rigueur, et contrairement à ce que débitent les éditorialistes (à leur tête B.Guetta), ils dégustent sévèrement.

En Angleterre, G.Brown, héritier du new labour d'A.Blair est en chute libre dans les enquêtes d'opinion. Une décennie de recentrage est sûrement passée par là. Pêle-mêle : l'émergence de catégories étasuniennes dites "de travailleurs pauvres" (poor workers), un service de santé en miettes, des services publics souffreteux. Le tory, D.Cameron se frotte déjà les mains. Le boulot est fait, tranquillement il pourra lui aussi prôner la rupture, tout en continuité.

Pour ceux qui idolâtreraient la réussite de J.L.Zapatero, ils devraient regarder de plus près avec quel archaïsme le parti populaire se saborde en Espagne. J.L.Zapatero gagnera de justesse en 2008. (Mal)heureusement en France, les néo-conservateurs ne sont pas aussi suicidaires.

Le recentrage idéologique est à mettre au crédit des sociaux démocrates. La stagflation des années 70 permet aux néo-libéraux de l'époque, confinés jusque là au statut de sectaires illuminés, de mettre en avant leurs principes de dérégulation générale. Face à cette approche les sociaux démocrates ne font qu'emboîter le pas, admettent l'inefficacité des politiques de relance (budgétaire) et de l'intervention sociale de l'état. Ils ne proposent que l'homéopathie régulatrice et une hypothétique redistribution de richesses après razzia boursière. Tout le monde est hilare, en particulier, R.Reagan, A.Pinochet et M.Tatcher.

La France toujours à la traîne vote pour un programme commun de gauche en 1981. Le jeune et dynamique L.Fabius, en 1984, rattrape le retard hexagonal et remet la France à niveau : ceinture !

Depuis, l'arithmétique électorale nationale se situe au centre. Et systématiquement le parti conservateur l'emporte. La recette est simple, éculée, récurrente. Tout écart de langage à connotation sociale est affublé de "gauchisme archaïque rampant". On ne peut faire autrement (TINA), il faut être "moderne", c'est-à-dire "pas de gauche". Seule issue, le centre, au pire le centre-gauche, c'est plus propre, c'est "réformateur" et ça fait gagner la droite.

L'occasion historique n'est pas de renouer avec la lutte des classes, les utopies productivistes et égalitaristes. Pour contrer une droite qui peut assumer sans complexe ses valeurs (même xénophobes), il faut repenser le contrat social, le rapport à la consommation, à la pollution comme accaparement arbitraire de la terre. L'occasion historique de 2007 aurait été de penser la société sur d'autres bases que la croissance, le pouvoir d'achat, la sécurité, la défiance envers l'étranger à l'approche des crises monumentales (financières, ressources, écologiques) qui se profilent. Sortir de l'internalisation de la doxa de droite par "ceux" dits de gauche et éviter ce recentrage systématiquement perdant. C'est pour l'instant une occasion historique intégralement oblitérée.


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