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« Les Français veulent de l'équité, de la transparence et de la vérité sur les retraites », Pascal Terrasse, secrétaire national du PS en charge de la protection sociale.

Publié le 16 juin 2013 par Letombe
« Les Français veulent de l'équité, de la transparence et de la vérité sur les retraites », Pascal Terrasse, secrétaire national du PS en charge de la protection sociale.

1/ Le rapport Moreau semble s'orienter vers un certain nombre de mesures, régime par régime. Est-ce qu'un alignement des régimes de retraites est envisageable ?

Il existe 35 régimes de retraites en France que l'on peut décomposer de la manière suivante :

  • le régime général complété par 2 régimes complémentaires,
  • des régimes spécifiques qui bénéficient de compensations financières au titre des déséquilibres démographiques (agriculteurs, artisans, commerçants…),
  • et des régimes particuliers qui sont liés à certaines professions (libérales, avocats, mineurs, RATP, EDF, Opéra de Paris ...)

Certains régimes sont excédentaires et d'autres en déséquilibre démographique et donc financier. A cela, il faut rappeler que pour les militaires et les fonctionnaires (police, agent des préfectures, enseignants...), c'est le budget de l'Etat qui assure les revenus d'activité ainsi que la retraite. Pour autant, l'âge de départ est très différent entre un enseignant et un militaire.

D’autre part, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a pointé des inégalités entre catégories sociales. Mais il a également montré que le montant net des pensions était assez proche selon que l'on soit fonctionnaire de catégorie C ou B ou salarié du privé à emploi identique.

En outre, les retraites complémentaires du privé sont un avantage dont ne dispose pas le public. Je suis personnellement favorable à l'idée de tendre vers une convergence des revenus de remplacement pour les retraités. A cotisations identiques, revenus identiques. Je crois néanmoins qu'il ne faut pas opposer les salariés entre eux car beaucoup de contrevérités sont colportées sur le sujet.

2/ Une telle réforme systémique est-elle envisageable dans le contexte politique actuel ?

Je pense que les fonctionnaires qui ont passé des concours et fait l'effort d'être quelquefois moins bien rémunérés que dans le secteur privé doivent conserver leurs garanties retraites. Je suis néanmoins ouvert au sujet des nouveaux recrutements. C’est le cas pour les agents deFrance Télécom ou de La Poste et on pourrait imaginer cela pour d'autres régimes spéciaux. Les Français veulent de l'équité, de la transparence et de la vérité sur les retraites.

3/ Souvent attaqué, le régime des fonctionnaires a subi des alignements, notamment après la réforme de 2010. Est-il possible de leur demander davantage d'efforts ?

Il est vrai que les fonctionnaires d'Etat - je pense aux enseignants notamment - partent à la retraite au même âge que les salariés du privé et avec le même nombre d'années de cotisation. Reste que l'on calcule le montant de leur retraite sur les 6 derniers mois contre les 25 meilleures années dans le privé. Cette différence s'explique par le fait que les fonctionnairesne cotisent pas à l'AGIRC ou à l'ARRCO. Dans le cas d'un nouveau mode de calcul, il serait totalement absurde qu’ils voient leur retraite diminuer.

4/ Pourquoi ne pas s'attaquer aux régimes spéciaux (RATP, SNCF....), maintes fois pointés du doigt par le COR pour leurs avantages ?

Comme je l'ai dit, il existe des avantages pour certains régimes spéciaux et pas seulement ces deux-là. Ces avantages sont liés à l'histoire, à la pénibilité de certains métiers, et ne se justifient plus aujourd'hui. Il faut donc réinterroger notre modèle social et imaginer un système où certains métiers bénéficieraient de bonifications au titre de la pénibilité et d'autres perdraient des avantages, au nom de la justice et de l'équité.

5/ Quelle est la marge de manœuvre du gouvernement ?

Le gouvernement discute avec les partenaires sociaux et le Parlement sera appelé à trancher. La vérité sur le sujet des retraites c'est que la réforme de 2010 était une vaste escroquerie sur la sémantique. Le gouvernement a levé le menton, mais les résultats sont affligeants. J’avais dénoncé cette réforme. Elle s’est révélée inefficace sur le plan financier et injuste sur le plan social. Aucun financement n’avait été prévu à l'exception du siphonage du fonds de réserve des retraites, crée par Lionel Jospin pour financer la période 2020-2030.

Par effet d'optique, on a puisé dans les réserves pendant 3 ans. A présent, on paie les retraites à crédit. Le gouvernement actuel tient un discours de vérité, et avec courage et volonté va résoudre le passif laissé par la précédente majorité. En tout cas, cette réforme-là se fera dans la justice et garantira les grands équilibres à long terme.

6/ A défaut, quelles sont, selon vous, les pistes les plus pertinentes pour une réforme juste et efficace ?

Le gouvernement souhaite, d’un côté, assurer aux jeunes générations qui doutent qu’elles bénéficieront d'un droit à la retraite, et de l’autre, garantir les équilibres financiers à long terme. Deuxièmement, le gouvernement veut remettre de l'ordre, de la transparence et de l'équité entre les différents régimes. Troisièmement, l'égalité homme/femme, la pénibilité et la retraite à la carte seront au cœur du débat. Enfin, la question du financement sera posée. Nous devrons trouver des ressources sans affaiblir le niveau des pensions et le pouvoir d'achat dessalariés, et sans plomber la compétitivité de notre économie. L'équation est difficile car sans cela, c'est l'ensemble des retraites qui serait fragilisé. Nous devons donc sauver ce modèle social.

7/ Comment limiter les inégalités homme-femme, liées notamment à la discontinuité des carrières féminines ?

Je pense que l'une des principales erreurs de la précédente réforme a été d'allonger la barrière d'âge à 67 ans pour une retraite à taux plein. Cette mesure a été la plus injuste car elle pèse en premier lieu sur les femmes qui ont dû interrompre leur carrière pour des raisons familiales. Il me semble donc nécessaire d'étudier la possibilité de revenir à la retraite à 65 ans pour le taux plein.

8/ Le Parti socialiste a longtemps pointé du doigt la réforme de Sarkozy, notamment l'allongement de l'âge légal. Comment défendre l'allongement de la durée de cotisationaujourd'hui ?

Je ne pense pas que la majorité augmente la durée de cotisation d'ici à la prochaine clause de revoyure en 2018. Cependant, la question de l'allongement de la durée de cotisation pour celles et ceux qui partiront à la retraite en 2030 ou 2040 doit être posée. Les socialistes n’ont jamais remis en cause l’idée d'un mécanisme qui s'appuierait sur les gains d'espérance de vie par rapport aux années de travail. Cela faisait partie des hypothèses retenues.

9/ Quel est l'intérêt d'avoir rétabli la retraite à 60 ans, pour 6 mois plus tard, allonger la durée de cotisation ?

La possibilité de partir à la retraite pour celles est ceux qui ont leurs années de cotisation est une mesure de justice. Moi, je suis pour la liberté. Il appartient à chacun de pouvoir choisir de partir à la retraite en fonction de la durée de ses cotisations. Si l'on dispose de toutes sesannuités et que l'on a commencé à travailler très jeune, pourquoi cotiser 44 ou 45 annuités ? Ce sont les ouvriers qui sont les premiers pénalisés.

Par ailleurs, si des salariés qui n'ont pas toutes leurs annuités veulent partir plus tôt, ils prennent le risque de voir leurs pensions affaiblies par des décotes. Personnellement, je suis très favorable à un système de départ progressif entre 55 ans et 67 ans, avec une forme de sortie du monde du travail en sifflet, dans la douceur.

10/ Certaines mesures envisagées ont-elles déjà été chiffrées ?

Les besoins de financement sont connus de tous puisque le COR les a évalués à 20 Md€, soitenviron un point de PIB, à l'horizon 2020. Compte tenu de la période de crise, de chômage et de juste équilibre, je pense que les efforts demandés devraient aboutir à trouver entre 8 et 12 Md€. Le delta sera affecté au passif de la dette.

11/ On vous présente souvent comme le conseiller retraites de François Hollande, est-ce toujours le cas ?

Lors des primaires, François Hollande m'avait demandé d'être son porte-parole sur le sujet. J'avais d'ailleurs rappelé que les socialistes ne reviendraient pas sur la borne d'âge retenue par le précédent gouvernement. François Hollande a toujours dit la vérité sur les retraites, il a toujours été lucide et pragmatique.

Le contexte économique appelle des réformes structurelles et courageuses. Je sais que le Premier ministre est conscient des difficultés. Moi, je garde une liberté de parole mais en aucun cas je ne détiens la vérité absolue. Seule mon expertise et mes 10 années passées au COR me permettent d'avoir une vision qui intéresse le Président de la République.

Pascal Terrasse, Député de l'Ardèche, Ancien Président du Conseil général


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