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La sexualité hétérosexuelle dans le patriarcat est-elle nécessairement sexiste

Publié le 17 juin 2013 par Juval @valerieCG

« je me suis fait baiser » = « je me suis fait avoir »
Une femme est baisée. Un homme baise une femme.

Si, dans le féminisme, nous questionnons à peu près tout, du privé au public, des tâches ménagères à la représentation des femme en politique, un sujet échappe régulièrement à la réflexion politique ; la sexualité hétérosexuelle.

La sexualité hétéro est évidemment étudiée – et abondamment – dans certaines pratiques ; le sexe lorsqu’il est payant (prostitution, porno) ou est utilisé comme biais pour de actes violents (viol).  Pourtant on en parle peu lorsqu’il s’agit de sexualité lambda entre hétéros. Andrea Ddworkin est evidemment la féministe qui en a le plus parlé et qui est également la féministe le moins lue et la plus mal comprise.

Pourtant, comment ne pas questionner la sexualité ? Comment penser que les inégalités, présentes partout, s’effacent au lit car on aime et/ou désire l’homme avec qui l’on est ?

Peut-être parce que cela serait trop désespéré ? Peut-être parce qu’imaginer que si le sexisme est présent jusque dans un lit, alors il faut tout questionner, y compris nos orgasmes, y compris nos fantasmes, y compris le chemin pour aboutir à nos orgasmes.

« je l’ai sautée, je l’ai tirée, je l’ai percée, je lui ai cassé les pattes arrières, je l’ai défoncée, je l’ai trouée, je l’ai déchirée »

Delphy dans la préface des Femmes de droite dit à propos de Dworkin « La première raison du silence fait sur elle est sans doute que Dworkin est radicale. Elle écrit sur un sujet qui, alors qu’on prétend en parler, est en réalité toujours aussi tabou : la sexualité, et plus précisément l’hétérosexualité, et plus précisément encore, sa pratique et sa signification, dans un contexte précis : la société patriarcale. Elle parle de sexualité dans un régime de domination, et de sexualité entre dominants et dominées« .

Delphy rajoute « Dworkin dit que ce ne sont pas des scories mais des éléments constitutifs de la sexualité patriarcale, que la volonté d’humilier, de rabaisser, d’annihiler la personne-femme n’est pas spécifique à tel ou tel type de baise, mais qu’elle existe dans la définition, dans le cœur – qu’on voudrait pur – de l’acte sexuel hétérosexuel ».

Nous parlions bien ici de sexualité hétérosexuelle en patriarcat , pas de sexualité hétérosexuelle en tant que telle (mais aurait-on besoin de la nommer ainsi si nous n’étions pas en patriarcat ?). Nous parlons ici d’une sexualité, où la coït (pénétration) est l’alpha et l’omega de la sexualité alors qu’il est aussi risque de grossesse pour les femmes. J’oublie le plaisir ? Non. Mais je pense au plaisir après avoir pensé à la pilule, au stérilet, à la capote. Nous bouffons des hormones, nous nous introduisons des corps étrangers dans l’uterus et nous ne pourrions questionner l’obligation à cette sexualité sans passer pour une « hétérophobe », « une mal baisée » ?
Est-ce qu’on peut questionner 5 minutes l’immense violence des  pratiques contraceptives dont on aurait beaucoup moins à se préoccuper si le coït n’était pas au centre de tout ?

« Quand je baise, la peur que j’ai d’être enceinte me coupe toute envie de jouir. Je n’aime pas baiser » Pierre Louÿs, Trois Filles de leur mère (note ce livre est pornographique et est un peu plus que cela  ; je préfère prévenir).

La sexualité patriarcale passe forcément par le coït ; sinon  elle n’est pas achevée, complète, finalisée. Les sex-toys tant vendus comme une révolution depuis Sex in the city n’ont jamais permis d’oublier qu’il fallait un pénis ou son substitut en plastique pour jouir. Le »rabbit » reste une bite en plastique avec un vague truc pour le clitoris.

Pourtant cette sexualité a un coût pour les femmes ; avoir une contraception déjà et avant tout pour éviter une grossesse. Accepter une sexualité qui est fondée sur de la violence ; en témoignent les multiples synonymes pour parler de sexualité que j’ai recensés et qui tous montrent que la sexualité hétérosexuelle se fonde sur une violence symbolique.
Quel est ce monde où se faire baiser a deux sens ? Avoir un rapport sexuel pour une femme hétéro et se faire avoir ? (je sais le langage n’a aucune importance, cela n’est que des mots, bla bla bla).

On nous vend une sexualité hétérosexuelle qui ne serait qu’un lieu de plaisir où la simple évocation de la domination masculine (qui existe partout mais disparaîtrait comme par magie dans un lit ?) ; c’est peut-être là la grande escroquerie féministe de ce siècle.


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