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Le prisonnier Nicolas, l'inquiétante montée d'un Etat sécuritaire

Publié le 21 juin 2013 par Copeau @Contrepoints

La récente incarcération d'un manifestant de la Manif Pour Tous illustre de façon parfaite l'importance de comprendre pourquoi on ne peut pas tout accorder à l’État sous prétexte de sécurité.

Par la rédaction de Contrepoints

Le prisonnier Nicolas, l'inquiétante montée d'un Etat sécuritaire
Pour certains, l'arrivée de Hollande serait le point de départ d'une véritable dictature dans laquelle s'enfoncerait la France actuellement. D'un autre côté, d'autres estiment que c'est bien mérité ou que tout ceci était parfaitement prévisible sur le plan du droit, que c'est bien fait, et que nananère.
Vraiment ?

Reprenons le cas du petit Nicolas.

Si l'on s'en tient aux textes de loi, justement, deux mois de prison ferme pour "rébellion à agent dans l'exercice de ses fonctions" et une amende pour refus de prélèvement ADN, ça n'est pas du tout le maximum de ce qui est prévu.

Ça tombe bien, dira-t-on. Sauf que la définition de "rébellion" est, volontairement sans doute, très vague. D'ailleurs, on ne peut écarter l'aspect pratique de ce flou, puisque c'est devenu une charge de plus en plus utilisée par les forces de l'ordre. De là à y voir une méthode habile pour couvrir leur propre comportement, il n'y a qu'un pas.

C'est scandaleux, mais ça ne date pas de la présidence Hollande. Ce n'est pas non plus en "Hollandie" qu'ont été prononcées les premières peines de prison ferme dans le cas de rébellion ou de refus de prélèvement, même si généralement la justice se contente d'amendes ou de peine de prison avec sursis. La prison ferme, traditionnellement (et on le comprend assez bien) reste rare et réservée aux cas de récidivistes ou aux violences avec une arme (tesson de bouteille par exemple). Ce serait donc une erreur de croire que la répression politique n'existe que depuis quelques mois. Elle s'est installée, progressivement, depuis des années, des décennies sans doute, et s'est développée d'autant plus que le peuple a, constamment, autorisé l’État à se croire tout permis.

Cependant, cela reste scandaleux. Et pas uniquement parce que des peines comparables sont données pour des délits bien plus graves.

Elle est scandaleuse principalement parce que ce qui s'est passé ne devrait conduire personne en prison. Ce que faisaient ces individus (déambuler par petits groupes, à proximité des Champs-Élysées, et après un accueil de François Hollande qui s'était déroulé dans le calme), n'était peut-être pas bien malin du point de vue de gens aguerris militantisme d'action. Mais, au pire, cela ne mettait en danger personne d'autre qu'eux-mêmes ; de plus et jusqu'à preuve du contraire, déambuler, même par petits groupes, même sur les Champs-Élysées, si ce n'est pas encore un acte marqué d'un droit clair dans la Constitution, reste un acte autorisé dans une République qui proclame son amour des droits de l'Homme dès qu'on murmure vaguement la Marseillaise.

On comprend mieux la réaction de Nicolas lorsque les pandores se sont mis à courir vers eux, sans sommation et armés de "tasers": il s'est réfugié dans un restaurant à proximité, n'ayant pas le réflexe d'imaginer que ces policiers, courant dans sa direction sans raison apparente, sont des agents "dans l'exercice de leurs fonctions". Aucun délit n'avait cours à ce moment là.

On comprend aussi qu'il ait pu tenter de se protéger devant les coups des policiers ; on comprend moins que cette protection, réflexive, soit labélisée "délit de rébellion". Tout comme il sera compréhensible tout refus, par la suite, de voir son ADN prélevé, dans un contexte où la parole d'un policier suffit à se retrouver fiché.

La liberté individuelle d'aller et venir, en groupe ou non, à plus forte raison avec un drapeau français sur l'épaule, ne devrait en aucun cas dépendre de la bonne compréhension d'un policier. Quant à l'argument maintes fois entendu sur l'air du "Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous ne devez pas vous opposer au fichage", c'est un parfait faux-nez de tous les dictateurs en puissance : dès lors qu'un gouvernement peut décider arbitrairement de vous reprocher quelque chose, comme il semble en être le cas ici, ce fichage est la porte ouverte à toutes les dérives.

Cette affaire prouve à l'évidence qu'il est urgent de cesser de faire confiance à l’État en lui accordant toujours plus de pouvoir pour "défendre" le citoyen : non seulement, il le fait à l'évidence plus mal que ce que vous seriez capable de faire vous-même, mais de surcroît, il peut à tout moment se retourner contre vous et vous choisir pour cible.

Un État suffisamment puissant pour vous protéger de tout sera suffisamment puissant pour faire de vous tout ce qu'il veut.


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